Retour aux sources ∣ Maia

Ce n’était que bien après que Maïa pouvait constater la valeur de ce qu’elle avait offert aux autres. Elle n’était pas seulement famille d’accueil pour exercer un métier et gagner sa vie. Elle offrait aux orphelins un foyer et plus qu’un simple toit, une maison et une famille pleine d’amour. Elle avait toujours construit les choses autour de ces valeurs, des valeurs de famille et d’entraide, un endroit dans lequel il importait de se sentir vraiment solidaires les uns avec les autres. Et elle avait réussi. En voyant Anastasia, elle avait le sentiment d’avoir réussi. Cela l’émut jusqu’à humidifier ses yeux.

« Merci, ma chérie. Ça me fait chaud au cœur, ce que tu dis. »

Elle ne savait pas qui elle était mais elle n’était pas sûre d’avoir envie de le savoir. En revanche, elle était en phase avec celle qu’elle était dans ce monde, et ce qu’elle y faisait. Et ce n’était pas en réfléchissant à ce qui aurait pu être, à qui elle pourrait avoir été, à ce qu’elle aurait pu avoir fait qu’elle allait pouvoir construire son avenir. Elle avait les valeurs bien ancrées et la famille, au sens élargi, pour le célébrer avec elle. Elle était heureuse de voir que quelque chose en elle avait apporté assez à quelque chose à la construction de cette jeune femme.

Cela devait être surprenant de rencontrer quelqu’un qui ressemblait à quelqu’un de connu. Ou de se rencontrer soi-même. Maïa en avait fait l’expérience dans un bar de la ville. Cela ne voulait pas forcément dire que les deux personnes étaient identiques. Elle avait trouvé cette femme très différente d’elle-même, mais physiquement, on aurait pu jurer qu’elles étaient une seule et même personne. C’était à la fois déroutant et à la fois, cela dénotait un mélange dont il était difficile de percevoir complètement les conséquences. C’était en particulier vrai pour les personnes qui vous étaient chères, dans l’ancien monde et dans le nouveau.

« C’était peut-être une version d’elle plus jeune, ou seulement quelqu’un qui lui ressemble. Figure-toi que j’ai rencontré mon propre sosie dans un bar. C’était vraiment curieux. Et pourtant, elle était très différente de moi, sur le chapitre de la personnalité. Vraiment curieux. »

Elle sourit à la remarque concernant son chocolat. Elle n'avait pas le souvenir que la jeune fille lui ait parlé de beaucoup d'histoires d'amour différentes, mais elle ne lui avait peut-être pas tout dit et puis, ça ne l'avait pas empêché d'être là dans les moments où il avait fallu. Et de la gourmandise, il y en avait toujours dans la maison qui se devait de rester un endroit à l'abri des soucis et des angoisses. C'était bien parce que c'était ce qu'elle voulait que la mère d'accueil avait fait le nécessaire pour créer cette ambiance pleine de douceur et de bienveillance.

« Il faut toujours rester loin des garçons, je te l'ai dit ma fille ! » lança-t-elle avec malice.

Maïa sourit à sa petite protégée quand celle-ci lui exprima la sincérité avec laquelle elle la complimentait surtout concernant ce qu'elle avait fait à la fois pour elle mais aussi pour les enfants dont elle s'était occupée, en général. Elle était heureuse de constater que la grande majorité d'entre eux se sentaient vraiment comme chez eux dans cette maison. Et si elle avait une aile dédiée pour les chambres des enfants afin qu'ils aient un espace relativement commun entre eux, celle-ci était assez grande pour que les anciens puissent avoir une chambre, sinon constamment libre, en tout cas quelque part dans l'aile. C'était ça façon de faire en sorte de leur montrer qu'il y avait toujours une place chez elle pour eux, même si c'était une place mobile.

Maïa ne pensait clairement pas que la femme si jeune qui ressemblait à la grand-mère de Anastasia soit réellement cette grand-mère. Comme la jeune femme, elle aurait plus parié pour un sosie, à la fois ressemblant et plus jeune en âge. Mais ce n'était pas pour autant qu'il était inintéressant de nouer un lien avec une telle personne. Elle-même n'avait pas hésité à se lier à quelqu'un simplement parce qu'elle lui ressemblait physiquement. C'était aussi une manière dans ce monde de rencontrer des gens et peut être de se faire de nouveaux amis. La quadragénaire ne serait jamais contre l'idée de rencontrer de nouvelles personnes et de s'enrichir de nouvelles amitiés. Elle pensait même que c'était une chance.

« Ah mais oui ! Tu as intérêt à me la présenter ! Il faut que je la prévienne de toutes les bêtises que tu pourrais lui faire. Elle n'est pas prête pour toi », la taquina-t-elle avec un peu de malice.

En réalité, si elle n'avait pas manqué d'humour pour inventer des choses qui avaient parfois pu la faire enrager sur le moment, elle devait reconnaître que la jeune femme n'avait pas été l'une des plus difficiles parmi les enfants dont elles s'étaient occupée. Il y avait eu régulièrement de vrais pré-délinquants qu'elle avait dû surveiller attentivement afin de leur donner une chance de réussir dans leur vie. Heureusement, le cadre familial et les liens forts qu’elle leur proposait parvenaient souvent à rendre la situation plus facile et la compréhension plus prompte à se produire. En revanche, elle n'avait jamais été la dernière pour vivre des histoires d'amour qui ne se terminaient pas toujours bien. Mais la mention d'un garçon ne pouvait qu'éveiller l'intérêt de Maïa. Elle ouvrit des yeux intrigués et lui sourit avec tendresse.

« Et si tu me parlais un peu de ce garçon dis moi ? »