Retour aux sources ∣ Maia

Maïa gardait toujours une certaine affection pour les enfants dont elle s’était occupée. A chacun, elle avait témoigné beaucoup d’amour, et tout la tendresse d’une mère. Ca n’avait pas toujours permis de les garder intégralement sur le droit chemin, mais elle avait fait du bon boulot. Avec les trois qu’elle avait en ce moment, elle estimait bien se débrouiller. Le bébé ne posait pas trop de souci, il mangeait, il dormait, il babillait occasionnellement, faisant sourire sa sœur d’accueil. Mais il n’était pas celui que la mère d’accueil devait surveiller le plus. En général, c’étaient les plus vieux qui posaient davantage de problèmes.

Mais Kevin était un peu plus sage depuis qu’elle avait eu une discussion avec lui. Il s’était bien comporté ces derniers temps et elle lui avait permis d’aller à la salle de jeux avec ses amis cet après-midi. Elle était donc seule avec les deux autres, et le bébé faisait sa sieste. Quand on sonna et qu’elle entendit ouvrir, elle sut aussitôt qui était allée jouer les petites curieuses à la porte. Souriant, elle décida d’aller voir ce qui se passait. Elle préférait ne pas laisser les enfants seuls face à des inconnus. Les mémoires se réveillaient et il était dangereux de faire confiance.

« Qu’est-ce que c’est ? Oksa ? »

Maïa était vraiment surprise de découvrir sur le pas de la porte une de ses anciennes enfants. Elle ne l’avait pas vue depuis bien longtemps et elle était toujours ravie de revoir les anciens enfants. Elle fit un sourire à la petite avant de lui faire signe de rentrer et serra la jeune femme dans ses bras avant de s’écarter pour la laisser entrer. Elle était heureuse qu’elle ait pris la peine de lui rendre visite. Cela lui faisait du bien. Elle ne pouvait s’empêcher de se demander ce qu’elle était devenue depuis le temps, mais elle allait certainement le découvrir assez rapidement.

« Je suis tellement contente de te voir. Comment vas-tu ? Entre ! Tu as certainement plein de choses à me raconter. »

Tous les enfants ne revenaient pas forcément vers leur famille d'accueil, même lorsque celle-ci avait été aimante et douce et avait constitué un substitut de mère. La plupart des enfants qu'elle avait accueillis chez elle étaient restés jusqu'à l'âge adulte et la plupart n'étaient revenus qu’une ou deux fois avant de disparaître complètement de sa vie et qu'elle n'ait absolument plus nouvelle. Il y avait des exceptions mais elle comprenait qu’après un certain temps, les enfants n'aient plus besoin d'elle, surtout ceux qui avaient été réunis avec leur propre famille. Oksa faisait partie de ce qui lui rendait encore visite.

Elle sourit quand la jeune femme constata que rien n’avait changé. Effectivement, le manoir était presque immuable dans son état actuel. Maïa faisait faire les réparations qui s’imposaient mais il était exceptionnel qu’elle change la décoration d’une pièce. Ce n’était généralement que quand elle redécorait une chambre pour l'un des enfants qu’elle faisait des modifications. Autrement, sa maison étant à son goût, elle ne voyait pas l'intérêt d'en modifier quoi que ce soit. Et puis, l'endroit est adapté pour les enfants de tous âges, ce qui lui permettait de sécuriser les premiers pas autant que de permettre aux plus grands de faire leur découverte en toute sécurité.

« Tu sais bien que je n'aime pas trop le changement. Et pourtant, les choses sont énormément en train de changer dans cette ville. Et je m'en suis aperçue à quelques occasions. Mais pas ici. »

Elle écouta sa protégée lui raconter les derniers événements de sa vie. La fin de ses études et leur succès étaient une bonne nouvelle elle était heureuse que la petite orpheline qu'elle avait en partie élevée en soit maintenant à ce stade et soit capable de se gérer en toute autonomie. Elle avait même un premier travail avec lequel elle pouvait faire des cadeaux. Maïa était très fière d'elle. Elle prit le livre et les chocolats avec un grand sourire et déposa un baiser sur le front de la jeune femme pour la remercier. Elle se sentait emplie d'une chaleur toute maternelle face à cette jeune femme et à la façon dont elle se conduisait avec elle.

« Merci beaucoup, ma chérie. Je suis tellement fière de tes efforts et de ce que tu es devenue. Sois sûre que je viendrai te voir à ton travail pour acheter plein de livres. Tu peux compter sur moi. »

Maïa connaissait bien les enfants dont elle s'était occupée. Assez pour savoir quand quelque chose avait vraiment de l'importance et elle savait donc que les mots que venait de prononcer la jeune fille en avaient beaucoup. Sa façon de parler de ces changements démontrait à Maïa qu’elle savait exactement de quoi elle était en train de parler et que cela n'avait rien à voir avec la puberté ou la découverte d'un nouveau mode de vie. Elle parlait certainement de l'une de ses transformations qui avaient fait commencer à se questionner Maïa sur qui elle était réellement. Elle n'avait pour le moment pas la réponse.

« Tu t'es réveillé à ton véritable toi-même ? » déduisit-elle aussitôt. « Comment devrais-je t'appeler, alors ? »

Chaque fois qu'elle pouvait encourager un enfant dont elle s'était occupée dans l'activité qu'il avait choisi pour mener sa vie, Maïa n'hésitait pas. Dans le cas présent, il s'avérait en plus qu'elle aimait beaucoup les livres et ce serait donc un plaisir d'aller rencontrer la jeune femme a son travail. Elle verrait à ne pas la déranger malgré tout mais elle savait qu’elle serait tout simplement très fière de se rendre compte que sa protégée était devenue une jeune femme autonome capable de travailler dur pour s'en sortir. Le fait que ce soit dans un métier qui lui plaisait était un appréciable bonus. Tout le monde n'avait malheureusement pas cette chance.

« C'est gentil à toi. Je trouverai peut-être des livres intéressants pour les enfants dont je m'occupe actuellement. »

Maïa aussi avait un doux souvenir d'avoir partagé des chocolats chauds avec la demoiselle et d'avoir passé du temps agréablement de cette façon avec plusieurs des enfants dont elle avait la charge. Le thé et le chocolat chaud étaient un peu comme un rituel dans la maison. Tous les enfants qui étaient passés par cette famille d'accueil avaient connu le délice que c'était de partager un chocolat chaud avec les membres d'une famille aimante. Personne n'était vraiment orphelin s’il était confié à Maïa Bloom. Elle sourit avec douceur et tendresse à la jeune femme en entendant sa demande et sa voix fut extrêmement douce.

« Je m'en occupe tout-de-suite, ma chérie. »

Elle avait donc un nom, un nom que Maïa découvrait à cet instant. Un nom plein de royauté et plein de noblesse. La légende de la duchesse Anastasia de Russie, Maïa la connaissait, ou elle en connaissait au moins une partie de l'historique et elle devait reconnaître que ce n'était pas rien. Elle avait déjà envisagé d'avoir pu s'occuper de personnes dont la nature allait au-delà du simple individu, mais elle n'avait pas encore eu l'occasion de découvrir parmi les anciens de la maison une véritable princesse. Elle sourit aussitôt en lui rendant sa révérence.

« Mademoiselle la Duchesse, c'est un honneur que d'avoir été votre gouvernante », plaisanta-t-elle. « Je suis tout de même heureuse de me dire qu'il ne me semble pas avoir fait l'affront à une princesse de lui donner une fessée. »

Elle rit avant de se pencher sur ce que la jeune fille faisait depuis qu'elle avait quitté la maison. Elle était toujours curieuse de ses enfants et pour tous, elle avait la même attitude qu'une vraie mère et non simplement une gardienne faisant partie du système. Ça avait toujours été comme ça et Anastasia, puisque tel était son nom, le savait fort bien. Elle s'était toujours demandé si certains des enfants dont elle s'était occupée voyaient ceux qui les avaient suivis comme des petits frères et sœurs même s'il ne les connaissait pas. Si tel était le cas, il ne faisait aucun doute que la rouquine mettra encore plus d'ardeur à l'ouvrage pour essayer de trouver ce qui pourrait faire le plus plaisir aux enfants dont Maïa s'occupait actuellement. Mais globalement, elle était persuadée que la jeune fille aimait tout simplement faire plaisir aux enfants.

« Je suis sûre que tu seras d'excellent conseil, je me souviens encore d'une petite fille qui dévorait livre sur livre, même si je ne suis pas sûr de savoir à quel point c'est réel et à quel point que ce sont des souvenirs qui nous ont été imposés. »

Elle prépara un chocolat chaud avec tout le soin d'une mère pour sa fille. L'avantage d'une mère d'accueil, c'était que le choc n'était pas si grand quand l'un des enfants revenait à la réalité. L'enfant avait toujours eu conscience qu'elle n'était pas sa vraie mère et qu'elle ne faisait que s'occupait de lui puisqu'il n'avait pas de parents disponibles pour le faire. Le lien établi pouvait donc perdurer plus longtemps que celui qui était créé par de faux souvenirs de parents dont on prenait soudain conscience qu'il n'était rien de plus que des personnes qu'on avait mis ensemble au hasard de la vie sans qu'ils n'aient de véritables liens. Ce n'était pas que ce ne soit pas vrai en ce qui la concernait, mais les enfants n'avaient jamais vu des choses autrement de toute manière.

« Et voilà mon ange, je t'ai ajouté quelques cookies tout frais de ce matin. Tu m'en diras des nouvelles. »