Les souvenirs piégés des pierres piégées | Sarah & Elio

D'aussi loin que je m'en souvienne, je n'ai jamais cru aux contes de fées, aux histoires de prince charmant et de tout est bien qui fini bien. Au contraire même. Tout au long de ma vie, j'ai eu le droit à tout le contraire et j'ai fini par m'en accommoder. Les belles histoires entre les pages de ces livres de contes n'existent pas. La magie n'existe pas. Il n'y a que la tristesse qui emplie la vie et son avancée. Mes soeurs cadettes croyaient à la magie et moi aussi...tout du moins avant. Avant que la vie ne m'enlève tous mes repères. Je ne possédais plus rien, plus que des souvenirs pour les pleurer. Des souvenirs parfois embrumés même. Sans doute un besoin d'oublier. Laisser fuir la douleur et la souffrance du coeur meurtri. Continuer d'avancer, avec le sourire même si la foi n'y est plus.

Quand ma famille entière est morte, c'est comme si une partie de mon coeur s'était enfuie avec eux. Comme si je me devais de survivre, de vivre sans. Quelle histoire. Pourtant j'ai fini par m'y accommoder. Pour les moments de solitude et de doute, j'ai Also, mon petit chat. Un joli petit chat tout blanc. Ce que je peux l'aimer cette petite boule de poil. Il reste toujours sagement à la maison et je passe mes soirées avec lui sur le canapé. Au fond, peut être qu'il me suffit. Cependant, parfois il m'arrive de me questionner. Surtout depuis la première venue d'une jeune femme nommée Daphné au sein de ma boutique. Une jolie fille, très gentille mais qui ne m'a jamais parue inconnue. Pourtant, elle m'a toujours spécifiée que nous ne nous étions jamais rencontrées. La nuit suivant notre première rencontre, j'ai rêvé que je marchais pied nus dans la neige, j'entendais mes pas qui s'enfonçaient dans la neige, il y avait un château devant moi, des flocons de neige et deux prénoms...Un son lointain qui ne me permettait pas de distinguer exactement les deux prénoms en question mais chaque fois que Daphné venait au sein de la boutique, ça recommençait.

Le plus étrange dans mes rêves, c'est que je n'ai pas froid. Je me vois vêtue de blanc, marchant pieds nus dans la neige mais le froid ne m'atteint pas, bien au contraire même. J'apprécie cela. Puis je me réveille et c'est comme si mes songes appartenaient au passé. J'ai déjà entendu je ne sais où que les rêves étaient seulement les souvenirs d'une autre vie...Cependant, le matin venu je me devais chaque fois reprendre conscience entièrement de la vie qui m'entoure et retourner au travail. Mes journées étaient assez rythmées avec les heures de rush et puis les après midis nettement plus calmes qui me permettaient de prendre un peu de temps pour moi.

Nous étions d'ailleurs en pleine période de rush lorsque mon regard croisa celui d'Elio tandis que les derniers clients quittaient la boutique et qu'il ne restait que les habitués installés aux différentes tables disponibles. Je lui souris.

"Oh Elio ! Bonjour, je suis heureuse également de voir que de votre côté aussi, ça semble aller." énonçais-je alors sans montrer le moins du monde mes doutes et mes songes actuels "Et voilà deux Rocky Road !" ajoutais-je en lui tendant son cornet avec un sourire avant de poser à mon tour mon regard sur les pierres violettes qui étaient posées sur le comptoir. M'approchant des pierres, je les prends entre mes doigts avant de lever le regard vers Elio "Eh bien, elles ont toujours été ici, d'aussi loin que je m'en souvienne en tout cas. J'ai toujours eu cette impression que je devais les conserver près de moi, comme si on était liées. Cela semble sans doute un peu farfelu mais c'est vraiment l'impression que j'ai." énonçais-je avant de lever le regard vers Elio "Je suis vraiment désolée de ne pas pouvoir vous dire d'où elles viennent, je ne m'en souviens pas. Je sais juste qu'elles étaient dans mes affaires quand j'ai ouvert ma boutique la première fois." expliquais-je alors.

Me pinçant les lèvres, je vins à me rendre compte qu'un nouveau questionnement venait de poindre au loin dans mon esprit "Vous en avez déjà vu comme celle-là ?" demandais-je en lui tendant une des pierres.

Le roi d'Arendelle accepta le cornet que lui tendait la commerçante, mais ses yeux ne purent s'empêcher de dériver vers les pierres violettes qui trônaient sur le comptoir. D'une manière qui se voulait décontractée, il les observa comme s'il découvrait quelque chose d'intriguant pour la première fois. Son cornet de Rocky Road entre les mains, déguisa son trouble derrière un sourire radieux adressé à Sarah.

Ah, j'ai déjà entendu des histoires avec de telles pierres, qui sont vraiment fascinantes, commenta-t-il, inclinant légèrement la tête. J'ai entendu dire que certaines pierres ont ce pouvoir... particulier. Qu'elles sont capables de raviver des souvenirs du passé si on les touche. Un peu comme des déclencheurs de mémoire de vies antérieures, paraît-il.

Le regard d'Elio dévia de manière significative vers les pierres. Il espérait que ses paroles éveilleraient quelque chose chez Sarah, un écho lointain de souvenirs enfouis dans les méandres de sa conscience, même si Kronos lui avait dit que ce serait impossible.

Imaginez ça, toucher une pierre et soudain, des images, des souvenirs qui remontent, comme si on ouvrait un livre poussiéreux rempli d'histoires oubliées, continua-t-il, mêlant habilement son discours au contexte décontracté de la glacerie.

Malgré la malédiction, Elio espérait que Sarah ne soit pas totalement étrangère à l'idée de la magie. Après tout, elle possédait ces mystérieuses pierres depuis aussi longtemps qu'elle se souvenait. Il était curieux de savoir si elle avait déjà ressenti quelque chose d'étrange en les touchant. Même si la magie n'existait pas pour elle, peut-être elle pouvait y croire tout de même.

Tout ça pour dire que ces pierres ont peut être quelque chose de spécial. Elles pourraient porter en elles des fragments d'histoires, des échos d'un passé mystérieux conclut-il, espérant secrètement que Sarah serait tentée de les prendre, de les toucher, et peut-être, juste peut-être, de faire remonter à la surface des pans de sa mémoire ensevelis.

Elio prit une bouchée de sa glace, essayant de masquer son anticipation sous un air apparemment détendu. L'instant était tendu de potentialités, une attente silencieuse qui flottait dans l'air comme la promesse d'un dévoilement. C'était à elle de décider si elle voulait ouvrir le livre des souvenirs que les pierres semblaient contenir.

M’emparant de ma cuillère à glace, je m’occupe de lui servir ses doubles boules de Rocky Road et lui tend le cornet avant d’écouter avec attention Elio me parler d’histoire qu’il avait déjà entendu sur des pierres similaires à celles-ci. Des pierres renfermant des souvenirs. Ce serait tellement beau si cela pouvait être possible. Je n’ai jamais cru aux belles histoires de contes de fées mais quelque chose me pousse à croire que ça pourrait être possible. Mon regard dévia sur les pierres alors que mes pas m’y conduisent. 

« Ce serait incroyable. » énonçais-je alors. 

Un léger sourire pris naissance au creux de mes lèvres alors que je ne quittais pas les pierres violettes du regard. Je commençais à me questionner sur pourquoi elles se trouvaient là, pourquoi elles s’étaient trouvées dans mes affaires quand j’avais ouvert la boutique. Pourquoi je les avaient en ma possession alors que j’ignorais tout bonnement tout de leur origine. Les paroles d’Elio se mêlèrent à une flots d’informations diffus dans les méandres de mon esprit, dans les profondeurs insondables de mon âme. Ramenant mon regard sur Elio, je lui souris. 

« Ça ressemble à une histoire pour enfant. » avouais-je alors « je n’ai jamais cru à toutes ces histoires de contes de fées, de magie et d’histoire qui finissent bien mais pourtant depuis quelques semaines, j’ai l’impression que mon inconscient veut me dire quelque chose et que je me trompe sur tout ça… » avouais-je alors. 

Passant mon index sur les pierres violettes, comme je m’en doutais, il ne se passa rien. Néanmoins, de mon point de vue. Un léger scintillement, assez faible s’était fait percevoir sur la pierre que j’avais touché. Symbole sans doute d’une faille dans mon esprit, cette conscience embrumée. Résultat sans nul doute de ces rêves étranges, de mes certitudes ébranlées. Légère faille dans le système dirons nous. Je n’avais rien vu bien entendu de ce scintillement mais je voyais bien au regard d’Elio qu’il était intrigué ou tout du moins, il en avait l’air. 

« Tout va bien ? » demandais-je alors. 

Bien évidemment, Elio comprenait le point de vue de Sarah. Le roi se souvenait parfaitement de sa propre façon de pensée lorsqu'il avait été maudit. Une vie adaptée à ceux qui vivaient dans ce monde qui ne connaissait aucune magie, qui vivaient dans de grandes villes urbaines et bruyantes comme Baiame. La magie était reservée à ceux qui y croyaient, et ceux qui y croyaient étaient fous parce qu'elle n'existait pas. On pouvait croire à l'astrologie, aux esprits, aux energies, mais rien de concret de se trouvait là-dedans. C'était seulement au réveil que la magie n'était plus un débat mais une réalité. Alors Sarah ne pouvait bien évidemment pas prendre Elio au sérieux lorsqu'il lui parlait de légendes à propos de pierres magiques.

Cela dit, elle semblait bien plus ouverte qu'il ne l'avait été durant sa malédiction, en disant qu'elle avait parfois l'impression de se tromper sur sa réalité. Bien sur, Elio savait que ça n'allait pas lui faire croire en la magie en étant une simple humaine de cette Terre, mais c'était la preuve qu'il y avait quelque chose d'enfoui en dessous.

Il se crispa un instant alors que son plan fonctionnait : il avait réussi à la faire toucher les pierres. Il eut presque un sursaut en voyant de la lumière, mais ses épaules retombèrent aussitot en ne voyant absolument aucun changement dans l'état de Sarah.

Kronos avait raison : la malédiction était plus forte et elle se terminait de façon imprévisible, sans qu'on ne puisse faire quoique ce soit pour l'y aider. Il n'y avait certainement rien à faire, si la magie des trolls de pierre n'y arrivaient pas non plus.

Elio reprit un sourire pour continuer à lui faire croire que la situation était banale. Oh, oui, tout va bien, répondit-il sur le ton de l'évidence, aimable. Alors, la pierre vous a donné les souvenirs d'une vie antérieure ? Demanda-t-il sur un ton ironique, en rigolant, pour faire passer une vraie question en blague, des fois qu'il se soit vraiment passé quelque chose, même s'il en doutait beaucoup.