Une famille qui m'aime [PV Sarah Fisher]

Depuis qu'elle était réveillée, et qu'elle se souvenait de qui elle était, Anna s'était rendu compte qu'elle n'était pas retournée chez ce glacier que Joanna aimait beaucoup. Elle était forcée de parler de sa personnalité maudite à la troisième personne si elle voulait réussir à se dissocier d'elle. Elle se disait que les choses devaient être particulièrement difficiles pour les habitants de Storybrooke qui avaient les souvenirs de leurs deux personnalités. C'était aussi son cas, maintenant, sauf qu'elle ne se souvenait pas bien de certaines choses. Par exemple, les visages restaient flous dans son esprit alors qu'elle se souvenait parfaitement qu'elle adorait les glaces au chocolat de ce glacier mais pas moyen de se souvenir de la tête de la vendeuse.

Ce jour-là, il faisait beau et chaud et elle avait envie de goûter une glace. Elle aurait pu se contenter des esquimaux de supermarché qu'elle avait dans son congélateur, mais elle avait envie d'une bonne glace bien fraîche avec ce goût si particulier que pouvaient avoir les crèmes glacées que l'on fabriquait de manière professionnelle. Elle entra donc dans le magasin en se pourléchant les babines à l'avance d'une bonne dose de glace au chocolat dans un cornet croquant. La simple idée de la friandise la remplit tellement d'enthousiasme qu'elle n'attendit pas une seconde pour s'annoncer.

« Bonjour ! Je viens goûter vos délicieuses glaces au chocolat ! Je… Tante Ingrid ? » demanda-t-elle soudain en s’interrompant après avoir vu son visage.

Ce n'était pas la première fois qui lui semblait reconnaître sa tante. La proviseure du collège et lycée de la ville lui ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Mais quand Anna était venue lui parler peu de temps auparavant, elle lui avait dit qu'elle avait ses propres souvenirs et qu'elle pouvait donc lui assurer ne pas être la Reine des Glaces. Il se pouvait donc que ce soit une nouvelle erreur, mais elle ressemblait à sa tante et étrangement, elle occupait exactement la même profession qu’à Storybrooke, avant que la malédiction ne soit levée. Ce ne pouvait pas être un hasard, Anna en était sûre.

« Je savais que tu étais ici ! Je suis tellement contente ! Bon, c'est vrai, je suis allée voir une autre qui te ressemble et j'ai cru que c'était toi, mais c'était pas toi. Mais cette fois, je sais que c'est toi. C'est trop évident. Tu tiens un glacier, exactement comme tu le faisais avant. Je suis sûre que c'est un signe. Je suis tellement contente que tu ne sois pas morte. Enfin, je t'ai vu disparaître et le sort a été levé donc j'imagine que tu es morte, mais tu es revenue d'entre les morts et ça c'est bien. Je ne sais pas où est Elsa par contre, je ne sais pas si elle est ici mais avec toi, on pourra la retrouver. Je ne sais qu'on ne s’est pas toujours très bien entendu mais ça s'est bien terminé entre nous, et je suis sûre qu'on pourrait former une belle famille comme tu voulais. Enfin, si t’es d'accord. »

Il était évidemment possible qu'elle se soit trompée et que cette personne ne soit pas sa tante. Après tout, il y avait eu un précédent. Mais il y avait quand même beaucoup de points communs entre cette personne et sa tante, ne serait-ce que cette histoire de marchand de glace. Anna savait qu'elle pouvait se tromper, mais elle était persuadée que ce n'était pas le cas ici. De toute façon, si la femme vivait encore dans son identité maudite, elle ne la reconnaîtrait forcément pas. Anna ne savait pas bien comment les choses fonctionnaient, mais elle avait compris que cette malédiction avait pour principal objectif de séparer les gens qui s'aimaient.

« D'accord. »

Oui c'était une stratégie que d'abonder dans son sens en prétendant pendant un instant considérer qu'elle pouvait être dans l'erreur, une stratégie qui visait à permettre à la marchande de l'écouter attentivement et peut-être de faire naître en elle des souvenirs qui la réveilleraient. Après tout, c'était sa propre histoire qui avait réveillé Anna et elle était persuadée que son histoire pourrait aussi réveiller Ingrid puisqu'elle rêvait d'une famille qui l’aimait pour ce qu'elle était, ce que Anna était toute prête à faire d'ailleurs. Bien entendu, sa tante n'avait pas été des plus bienveillantes quand elle l'avait rencontré la première fois, et même la deuxième fois à bien y penser, mais tout le monde avait droit à une deuxième, et donc, du coup, une troisième chance.

« Oui, je ne doute pas que tu t'appelles comme ça. Mais tu sais que nous avons tous une fausse identité et peut-être que tu n'es pas réveillée. Tu as pensé à ça ? Et nous venons tous d'univers différents. Tu connais ton univers d'origine ? Si oui, alors peut-être que je me suis trompée, mais ça me surprendrait parce que tu as vraiment des points communs avec ma tante en dehors de la simple ressemblance physique. Elle aussi tenait une boutique de glace quand nous étions à Storybrooke. »

Mais à l'époque, Ingrid n'était pas maudite. Contrairement à tout le monde dans le royaume, elle n'avait pas subi la première malédiction. Elle avait subi celle des Charmants, mais cela constituait simplement l'oubli de ce qui s'était passé pendant une année. Elle avait donc toujours su qui elle était et c'était la première fois que son identité changeait. Anna n'arriverait peut-être pas à la convaincre de croire qu'elle était sa tante mais elle pourrait peut-être lui rappeler des choses si la femme acceptait de l'écouter. Elle se dit que ce serait probablement plus facile on lui achetant une glace.

« Faisons un marché toutes les deux, je vous achète une bonne grosse glace au chocolat et en échange, vous me laissez vous raconter l'histoire de ma tante. Peut-être que cela ne vous dira rien, mais peut-être aussi que ça vous rappellera quelque chose. Dans tous les cas, vous aurez vendu une glace et vous aurez entendu une histoire intéressante. Quant à moi, j'adore le chocolat. »

Certaines personnes qui n’étaient pas encore réveillées avaient pourtant conscience que leur identité n’était pas réelle. Pas parce qu’ils se sentaient différents en eux-mêmes mais parce qu’ils voyaient certains parmi leurs proches se réveiller et changer d’identité. Ils étaient alors obligés de se rendre compte que quelque chose n’était pas normal, qu’il fallait évoluer. Et ils se retrouvaient alors à savoir qu’ils n’étaient pas eux-mêmes sans savoir qui ils étaient. Finalement, c’était peut-être pire que la situation de Anna quand on y pensait. Ceux-là savaient leur proches potentiellement non loin, mais ils étaient incapables de les reconnaître. C’était terrible pour eux. Mais sa tante ne semblait pas être dans ce cas.

« Vous ne vous en êtes peut-être pas rendu compte, mais apparemment, tout le monde a une fausse identité ici, et un jour, ils se réveillent. Moi, je me suis réveillée. Avant je croyais que je m’appelais Johanna. Et que j’avais toujours vécu ici, comme vous. Je suis d’ailleurs déjà venu vous acheter des glaces, mais vous ne vous en souvenez peut-être pas, vous avez beaucoup de clients. Bref, je croyais que j’étais juste une employée d’orphelinat et en fait, je m’appelle Anna. Je viens d’Arendelle. Ma sœur est la reine Elsa et je crois que vous êtes en réalité notre tante. »

Elle avait préféré repasser au vouvoiement. C’était quand-même plus facile pour sa tante maudite de ne pas se faire tutoyer par une inconnue. Elle repasserait au tutoiement lorsque celle-ci l’aurait reconnu. Lorsque la familiarité serait de nouveau de bon ton. En attendant, elle décida de passer un marché avec elle. En lui achetant une glace, au moins, elle avait une ouverture pour lui raconter une histoire, leur histoire. Peut-être que cela rendrait la mémoire à sa tante, peut-être pas, mais elle avait au moins la certitude que cela lui permettrait de gagner son cœur et ses pensées profondes. Elle rit quand la glacière lui demanda si c’était sur place.

« Vous avez raison, il vaut mieux, parce que si j’attends que l’histoire soit finie pour la manger, elle aura fondu et j’aurais du chocolat partout. Remarquez, je me mets toujours du chocolat partout. Je crois que j’aime trop le chocolat. Mais c’est tellement bon. D’ailleurs, vos glaces sont les meilleurs de Baiame, mais en vrai, pourrait-il en être autrement de la part de la Reine des Glaces. »

Elsa était la reine des neiges et Ingrid la reine des glaces mais fondamentalement, elles avaient les mêmes pouvoirs. Ce n’était qu’à Storybrooke qu’elles avaient eu ces deux appellation, tout simplement parce que les habitants avaient eu besoin de deux noms pour les différencier. Anna paya, prit le cornet et croqua directement dans la glace. Il n’y avait rien de plus savoureux que cette glace au chocolat, elle ne pouvait pas y résister, si bien qu’il lui fallut vider le contenu de sa bouche avant de commencer son histoire. Elle s’installa sur un siège en se demandant si la glacière allait finir par s’y installer aussi.

« Il est temps de vous raconter cette histoire. Il était une fois un Royaume qui se nommait Arendelle. Le roi et la reine avaient trois merveilleuses petites filles, Ingrid, Helga et Gerda. Ingrid possédait le pouvoir de faire de la neige et de la glace avec ses mains. Elle le découvrit en sauvant ses sœurs qui étaient sur le point de se faire kidnapper. Elle avait peur, mais ses sœurs lui dirent qu’elles n’étaient pas un monstre et elles grandirent en s’aimant de tout leur cœur. Malheureusement, quand elle furent adultes, alors que Ingrid voulait protéger Helga, elle la tua avec sa magie. Gerda l’enferma dans une urne magique. C’était une attitude hautement discutable de ma mère, je dois l’avouer. Mais après la mort de Gerda et de son époux, la fille de Gerda, Elsa et sa sœur Anna, moi, ouvrirent l’urne et libérèrent Ingrid. D’abord, celle-ci voulut nous séparer Elsa et moi, parce que je ressemblais beaucoup à ma mère et que je me méfiais d’elle. Je crois que j’aurais juste dû lui… vous faire confiance… parce qu’alors, nous aurions pu former une famille. »

Anna y avait beaucoup songé et c’était elle qui avait mis le doute dans le cœur de Ingrid au départ, en voulant la condamner d’office, elle avait fait la même erreur que sa mère. Une erreur qu’elle ne commettrait plus à l’avenir. Gerda s’en était fait le reproche, Anna suivrait le même chemin que sa mère, en espérant que sa tante, une fois réveillée, pourrait lui pardonner.

« Elle a cherché une autre sœur, une sœur magique pour me remplacer auprès d’elle et Elsa, mais elle ne savait pas que j’aurais pu être cette sœur, que j’aurais pu être sa famille. Elle est partie à la recherche d’Emma Swan dans un monde dépourvu de magie, elle est arrivée dans une ville du nom de Storybrooke et quand elle a eu Elsa et Emma, elle a voulu se créer un monde sans autre personne alors elle a jeté un sortilège pour que tout le monde se détruise. Mais quand elle a compris la vérité, que sa sœur regrettait, que moi, je regrettais, elle s’est sacrifiée pour sauver tout le monde. Et c’était magnifique, et si triste, vous savez. »

Anna avait toujours été certaine qu'il y avait deux pouvoirs qui ne pouvaient être contrés. L’amour pour commencer. C’était en entourant sa sœur d'un amour sans faille qu'elle lui avait permis de contrôler la glace et de rendre au royaume son état naturel. Et la seconde chose, c'étaient les mots. C'étaient les mots qui servaient à exprimer la vérité, à exprimer l'amour, à exprimer tout ce qui permettait de faire en sorte que la vie soit comme elle devrait. Pour que leur famille soit unie, il fallait absolument mélanger tout cela. Il fallait de l'amour et il fallait également rappeler à l’esprit perdu, ce qu'il avait à retrouver.

« Tante Ingrid ! » s'exclama Anna avec espoir, s’avançant pour la prendre dans ses bras avant d'avoir un geste plein d'hésitation. « Vous n'êtes plus fâchée contre moi ? »

Il ne s'agissait pas de se retrouver gelée comme elle l'avait été pendant si longtemps parce que sa tante serait encore en colère contre elle, en colère pour quelque chose que Anna n'avait d'ailleurs pas fait puisqu'elle ne l'avait jamais réellement rejetée, même si elle avait eu une certaine méfiance au départ à cause de l'urne et d'une situation qui ne lui semblait pas claire. Elle reconnaissait qu'elle n'aurait pas dû se montrer aussi méfiante. Peut-être que ça aurait permis a Ingrid de se sentir réellement en famille et de ne pas rejeter Anna spontanément. Il y avait des erreurs qui avaient été commises, mais désormais, il lui importait énormément que sa tante se sente auprès d'elle comme avec des sœurs.

Une fois rassurée, elle la serra dans ses bras en ignorant volontairement la glace qui s'était formée sur le comptoir. Ce n'était rien, un simple rappel de sa véritable nature qui refaisait surface et c'était une bonne chose. Anna n'avait jamais eu peur des pouvoirs de la glace et ça ne commencerait pas aujourd'hui, du moins, tant qu'aucun détenteur de ce pouvoir ne s'amuserait à geler la ville et à ses habitants. Elle ne pensait pas que sa tante serait la première personne qu'elle retrouverait de chez elle, mais sa présence lui faisait déjà du bien.

« Je suis tellement contente que nous nous soyons retrouvées. Crois-tu que Elsa soit ici quelque part ? Je l'espère tellement. Nous pourrions enfin former la famille dont tu rêvais. Je sais que tu aurais préféré la former avec tes sœurs. Ce n'est pas tout à fait pareil, bien-sûr. Mais nous ferons de notre mieux pour que tu te sentes bien quand-même. Enfin, pour le moment, je ferai de mon mieux et nous le ferons ensemble si nous nous retrouvons plus tard. Oh, j'espère tellement que nous nous retrouverons tous ! »