Ô Nero you burnt my core | Nero & Apollo

Apollo vivait depuis longtemps dans une routine introvertie, trouvant rarement le courage de sortir de sa zone de confort. La ville de Baiame semblait toujours avancer plus vite que lui, le laissant souvent avec l’impression d’être à la traîne. Ses interactions sociales se limitaient principalement aux cours et aux sorties occasionnelles avec quelques amis. Chaque soir, après les cours, il les rejoignait dans un bar local. Ce n’était pas tant pour les conversations ou l’alcool, mais pour une raison bien plus personnelle : un serveur.

Depuis presque un an, Apollo avait un coup de cœur inexplicable pour ce serveur. Il n’avait jamais échangé plus que quelques mots polis avec lui, mais quelque chose dans son sourire et son attitude l’attirait irrésistiblement. Apollo n’avait jamais eu le courage de lui parler vraiment, préférant l’observer de loin, espérant secrètement qu’un jour, il trouverait la force de faire le premier pas.

Pouvait-on à ce point être obsédé par une personne, être attiré à ce point par un inconnu à qui on n'a jamais parlé, et qui avait tout l'air d'être beaucoup trop bien pour soi ? Mais tout chez ce serveur hypnotisait Apollo : sa prestance, sa présence, son charisme, sa facilité de vivre, d'être, de s'exprimer tant par les paroles que par la style, par la désinvolture, par un sourire provocateur terriblement sexy. Sa façon de mettre du vernis et d'être quand même criant d'une virilité séduisante, il était tout ce qu'Apollo n'était pas, et c'est peut être ça qui le rendait fou rien qu'à le regarder.

Il n'était même pas si proche des étudiants avec qui il sortait. Il se contentait de s'asseoir en bout de table, et de le regarder quand il ne le regardait pas. Et, rêveur, il s'imaginait à chaque fois les mêmes scenariis. Il le voyait s'approcher de lui, s'asseoir à sa table. Le charmer avec son attitude si craquante, le faire rire, le provoquer, le sortir de sa zone de confort, l'emmener se faire tatouer pour bouleverser toutes ses barrières... l'embrasser, passer ses mains dans ses cheveux, lui caresserait la fin barbe de trois jours de l'étudiant...

Hey, Apollo! On dirait que tu rêves encore, le ramena Maya, une des étudiantes assises à la table qu'ils avaient pris, en claquant des doigts sous son nez.

Apollo rougit instantanément et baissa les yeux. N'importe quoi, Maya. Je veux juste boire un verre, d'accord ?

Mais Maya n'était pas du genre à laisser passer une opportunité. Oh, tu sais très bien de quoi je parle. Allez, c'est ce soir ou jamais! Tu ne peux pas rester à l'observer de loin éternellement.

Apollo fit les gros yeux, le visage plus écarlate que jamais. Avait-il été si flagrant que ça ? Avant qu'il ne puisse riposter, Maya haussa la voix pour le reste du groupe. Les gars, donnez vos commandes à Apollo, il va les chercher ! S'exclama-t-elle, diabolique avant de se tourner vers lui pour lui faire un clin d'oeil.

Apollo, résigné, avec un trac immense, mais ne pouvant plus refuser se leva lentement, sentant le poids des regards de ses amis sur lui. Il s'approcha du comptoir, son cœur battant si fort qu'il craignait que le serveur ne l'entende. Lorsqu'il arriva enfin devant le comptoir, devant lui, Apollo ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Il se sentait terriblement stupide et mal à l'aise. Il essaya de reprendre contenance et prit une grande inspiration. Euh... bonsoir. On... on aimerait des bières, s'il vous plaît, balbutia-t-il finalement.

Apollo récita la commande avec un stress monumental avant de se taire et d'attendre dans un silence embarassant que le serveur prépare les boissons. Apollo en profita pour se calmer un peu. Il n'était pas encore trop tard pour faire marche arrière, mais il savait que Maya ne le laisserait pas tranquille tant qu'il n'aurait pas essayé de parler au serveur.

Lorsqu'il revint à la table avec les boissons, Maya ne perdit pas une seconde. Alors, tu lui as parlé ?

Apollo fit un signe de tête négatif. Je lui ai juste commandé des bières, répondit-il en essayant de dissimuler sa gêne.

Maya soupira. Bon, je vois que je vais devoir intervenir. Attends-moi ici.

Avant qu'Apollo ne puisse protester, elle se leva et se dirigea vers le comptoir. Apollo la regarda avec horreur, se demandant ce qu'elle allait faire. Il la vit discuter brièvement avec le serveur, mais n'entendit rien de ce qu'elle pouvait lui dire.

Est-ce que tu es gay ? demanda-t-elle abruptement. Maya continua presque aussitôt, sans lui laisser le temps de répondre, après avoir brièvement analysé son regard. Oh, t'as l'air de jouer dans les deux équipes. Ok, ça foire un peu mon approche subtile donc je vais y aller plus directement. Moi je m'en fiche, je suis super lesbienne. Mais tu sais qui ne l'est pas ? Le mec super mignon là-bas, en bout de table du côté des étudiants. Il est même super gay vu comment il te regarde depuis un an. Mais je t'ai rien dit, beau gosse.

Toujours sans attendre de réponse, Maya retourna à la table avec un sourire triomphant. Voilà, c'est fait, annonça-t-elle fièrement.

Apollo fronça les sourcils, affreusement angoissé. Qu'est-ce que tu as fait, Maya ? S'alarma-t-il.

J'ai juste fait comprendre à ce don juan qu'il avait une touche s'il savait bien regarder dit-elle en haussant les épaules. Maintenant, c'est à toi de jouer.

Apollo sentit une vague de panique l'envahir. Il voulait disparaître, se fondre dans le décor, mais c'était trop tard. Il voyait le serveur en question le regarder, et son coeur loupa un battement, à la fois séduit et abattu, se sachant sans aucune chance.

Si la plupart des gens préfèrent une routine tranquille et un métier tout aussi calme, Nero, lui, s'épanouit dans les moments les plus chaotiques. Il n'est jamais plus heureux que lorsque la tension est à son comble et l'ambiance plus animée que jamais. Comme ce soir, en l'occurrence. Le bar est plein à craquer, Nero et ses collègues débordant sous les commandes et autres demandes aussi diverses que loufoques.

C'est alors qu'il remarque un visage familier s'avancer parmi la foule. Il l'a déjà vu auparavant. Très souvent. Nero l'a déjà remarqué à plusieurs reprises l'observer de loin, essayant d'être le plus discret possible, sans jamais oser lui adresser la parole plus de dix secondes - juste le temps de lui passer commande. Comme en cet instant. Euh... bonsoir. On... on aimerait des bières, s'il vous plaît. Nero retient un sourire devant une telle timidité évidente, trouvant la candeur de celui-ci des plus charmante. Il s'empare des bières et les fait glisser sur le bar, avant d'adresser un clin d'oeil au jeune homme, qui repart déjà, les joues rougies par l'embarras.

L'italien a déjà essayé à quelques reprises de venir le trouver à la fin de son service pour lancer une conversation. Mais il faut croire que ce genre d'endroit n'est pas au goût du plus jeune, celui-ci se volatilisant dans les airs dès le moment même où ses amis ont bu plus de deux verres, les laissant à leur shots et leurs fous rires, ce que Nero trouve plus que regrettable. Mais il peut très bien comprendre que l'ambiance désordonnée et bruyante d'un bar ne puisse pas plaire à tout le monde.

A peine a-t-il le temps de servir trois shots de tequilas à un couple d'étudiants déjà bien alcoolisée, qu'une silhouette féminine vient se planter devant lui, poussant quelques clients pour se faire. Est-ce que tu es gay ? la question est si abrupte que Nero lève les sourcils, pris au dépourvu. Ce n'est pas le genre de question auquel il s'attendait ce soir. Mais avant même qu'il ait le temps de répondre quoique ce soit, elle continue sur sa lancée. Oh, t'as l'air de jouer dans les deux équipes. Nero étouffe un rire sarcastique. Qu'est-ce qui a vendu la mèche ? Sa collection de bagues en tout genre ? Son style vestimentaire plus que décalé et marginal ? Le fait qu'il ne cesse de lancer des finger-guns à ses collègues toutes les dix secondes ?  

[...] je suis super lesbienne. Mais tu sais qui ne l'est pas ? Le mec super mignon là-bas, en bout de table du côté des étudiants. Il est même super gay vu comment il te regarde depuis un an. Mais je t'ai rien dit, beau gosse. Du bout des doigts, elle pointe en direction du jeune homme réservé de tout à l'heure, qui semble vouloir se fondre dans le décor tant il cherche à fuir son regard coûte que coûte. Pendant un court instant, Nero sent la colère le gagner. Il ignore qui est cette fille, mais elle ne semble pas être une très bonne amie, si elle ose exposer la sexualité de son camarade de la sorte. Je vois. Mais avant même qu'il ait le temps de lui faire une leçon de morale, elle lui tourne le dos avant de retourner vers sa table.

Hanja, je prends ma pause ! qu'il gueule à moitié à l'opposé du bar. Sa collègue se contente d'un simple pouce en l'air avant de retourner son attention sur les divers clients se battant pour passer commande, telle une meute de hyènes déchaînées.

Nero navigue avec aisance entre les tables et les corps, avant d'arriver à hauteur du jeune homme en question, qui semble vouloir s'enfoncer et disparaître dans le sol. Un sourire aux lèvres, Nero lui fait un signe de la tête, lui indiquant clairement son attention de lui parler seul à seul, très loin des regards curieux qui les observent. Conscient du côté profondément timide de son admirateur, il n'a aucune envie de le mettre sous le feu des projecteurs de la sorte.

Bien que terriblement gêné, et semblant figé sur place, le plus jeune finit par se lever et suivre Nero, sans doute encouragé par ses amis. Nero les entraîne tous les deux à l'écart de tout le monde, en pleine réserve. Il pose ses coudes sur la seule table présente et se penche de tout son long, de manière à ce que leur visage soit à seulement quelques centimètres l'un de l'autre. J'ai entendu dire que je te plais. Ça fait longtemps que je remarque à quel point tu m'observes, mais j'attendais que tu fasses le premier pas. Il faut croire que c'est à moi de le faire. C'est quoi ton prénom, bellezza ? le dernier mot est à moitié susurré, l'accent italien de Nero ressortissant de plus belle. S'il se montre un peu trop avenant, le brun n'en a cure. Etant sans doute le plus extraverti des deux, il va devoir engager la conversation et faire en sorte d'extirper Apollo de son mutisme.

En se levant pour suivre le serveur, tout ce qui animait Apollo était un mélange de panique et de malaise. Maya venait certainement de lui dire qu'il ne venait ici que pour le mater, ce qui était à la fois vrai et à la fois le truc le plus étrange à dire à quelqu'un. Maintenant, il voulait le voir seul pour lui demander d'arrêter, de partir, et de ne jamais revenir.

Puis, en à peine quelque mot, tout le malaise d'Apollo fut portée par une seule émotion, bien différente. Emoustillé et le visage écarlate, devant les mots si sexy et le visage si près du serveur près de lui, le coeur de l'étudiant semblait battre trois fois plus vite d'un seul coup. Il avala sa salive difficilement, faisant un bruit de bouche assez sonore dont il se serrait bien passé, alors que ses yeux semblait tressauter en passant de son regard intense à ses lèvres si fines. A cette distance, il sentait même son souffle. Bon sang, Nero était encore plus canon de près.

Il aurait aimé lui répondre quelque chose de sincère et de digne. Que Nero lui plaisait dans un monde qui semblait échapper à Apollo, en suivant des lignes et des codes qu'il n'arrivait pas à saisir et qu'au milieu de tout ça, le serveur semblait s'être construit sa bulle, sa personnalité et son style qui ne voulait suivre personne et qui avait trouvé sa place. Il aimait son extravagance et sa confiance quand lui était perdu dans sa propre identité même.

A la place, tout ce qu'Apollo trouva à dire c'était : Je suis désolé, bafoua-t-il sous la panique, et se sentant très idiot d'avoir trouvé ces trois petits mots comme première réponse. Est-ce que c'était ça, sa fameuse identité perdue ? Un mec pathétique ? Super. Pour ce que Maya a du te dire. Je sais pas ce qu'elle a dit d'ailleurs, mais c'est pas vrai, débita-t-il à toute vitesse avant de se freiner comme s'il avait loupé le bon virage. Marche arrière, clignotant, première. Euh, sauf la partie où tu me plais, ça c'est vrai, j'avoue, dit-il d'une toute petite voix.

Après tant de mois à fréquenter ce bar, ce n'est seulement ce soir qu'Apollo remarqua qu'il n'avait pas investi dans une climatisation. Ou peut être que si, mais la température n'était-elle pas trop élevée malgré tout ? Les joues de l'étudiant semblait prendre feu tant le sang qui lui montait au visage le rendait tout rouge. Il venait d'avouer à ce serveur qu'il ne connaissait pas qu'il était attiré par lui, vraiment ? Avait-il eu assez de courage pour prononcer (même d'une petite voix timide un peu lâche) ces quelques mots ? Ca avait été encouragé par... et bien, Nero lui même qui était venu lui dire qu'il l'avait appris d'abord, certes. Mais Apollo, même s'il était toujours paniqué par son propre désir face à un Nero terriblement séduisant tout près de lui, était assez content de le lui avoir dit. Est-ce que ça voulait dire qu'ils étaient en train de flirter, maintenant ? Apollo serait certainement nul à ça, mais si ça pouvait encourager Nero à continuer...

Nero, répondit-il. Marche arrière, clignotant, première. Enfin, je veux dire je connais ton nom. Nero. C'est... euh... tes collègues qui l'ont prononcé plusieurs fois. Non, c'était toujours bizarre. Je suis pas un de ces stalkeurs obsédés qui cherchent à savoir toute la vie d'un inconnu qui lui plait hein ! C'est juste que je venais ici et... et bien tu me plaisais, alors j'ai juste entendu ton nom, et retenu tes heures de travail...

Oh bon sang Apollo tais-toi ! S'il y avait une petite partie de Nero qui était attiré par toi, tu viens certainement de l'éteindre pour de bon ! Il avala sa salive une nouvelle fois. Un nouveau bruit peu gracieux qu'il aurait aimé évité. Bon sang ce que Nero était près de son visage. Est-ce qu'il allait l'embrasser ? Arrête de rêver mon vieux, comme s'il allait t'embrasser après lui avoir sorti un truc aussi bizarre. Ce serait bien. Si Nero ne reculait pas malgré tout ce qu'il lui disait, c'était que tout n'était pas perdu, alors ?

Bon sang je suis désolé. Je voulais juste dire que je m'appelle Apollo. Enchanté, souffla-t-il sur un ton anxieux et honteux. Après reflexion, le enchanté sonnait un peu ridicule. Tout ce qui avait été désirable chez lui aux yeux de Nero (s'il y avait quelque chose de désirable à ses yeux) semblait s'envoler au fil de ses pathétiques petits mots. Apollo ne savait définitivement pas draguer.

C'était... beau, le dernier mot que tu as dit, essaya-t-il de se rattraper, toujours tendu par l'attirance et la peur de s'y prendre comme un manche. C'est de l'italien ? Finalement, ça aussi ça ressemblait juste à une discussion bâteau pour faire du remplissage. Cela dit, ce petit mot lui avait bel et bien fait de l'effet. Mais il sentait que ce n'était pas tout à fait ce qu'il laissait paraître.

Il se mit une claque mentale. Pouvait-il se reprendre ? Je veux dire que j'ai trouvé ça... canon, parla-t-il plus franchement, réagissant à sa propre claque fictive. Dis, tu attendais vraiment à ce que je vienne te voir ? Je... je savais pas que tu m'avais remarqué. Je savais même pas que j'avais une petite chance. J'ai vraiment une petite chance de te plaire ? Si tu as la force d'oublier tout ce que je viens de dire d'un peu bizarre, je te promets que je suis pas comme ça c'est juste que je sais vraiment pas quoi dire à un garçon qui me plait. T'es un peu le premier donc euh... Arrête de parler. C'était bien au début, trop long à la fin. Laisse-le répondre. Mais débiter des paroles retardait sa réponse qui l'angoissait. Il voulait juste que sa vie soit un de ces films où tout était facile, dans lequel le beau serveur allait juste lui répondre par un baiser avant de l'emmener passer une nuit de rêve sous les lampadaires d'une ville endormie et emportée par l'excentrisme qui le caractérisait et qui changeait de l'ordinaire auquel il était habitué. Ce n'était pas un film qu'Apollo se faisait dans sa tête, mais tout le cinéma d'auteur de l'Histoire.

Décidément, cet inconnu est bien plus réservé et maladroit que Nero l'avait imaginé. Il l'observe bafouer et devenir de plus en plus écarlate à mesure que les mots fuitent de ses lèvres, incapables d'arrêter le massacre maintenant qu'il a commencé. Nero l'observe, les sourcils levés, quelque peu fasciné par la capacité du plus jeune à s'empourprer de la sorte. Mais le brun ne prend pas peur face à un tel spectacle, bien au contraire. Il trouve ça des plus attachant.

Voyant que le jeune homme ne semble pas savoir comment arrêter, cherchant par tous les moyens à disparaître dans le sol, Nero secoue la tête, une expression tendre sur son visage. Il vient déposer un doigt sur les lèvres de son interlocuteur - dont il ignore toujours le nom - venant ainsi couper court à son débit de paroles, les joues aussi rouges qu'une écrevisse. Hé, tu n'as pas à t'excuser. Retirant ses doigts du visage du plus jeune, ces derniers viennent trouver sa main, s'enroulant autour de celle-ci, comme pour le rassurer, et lui indiquer qu'il n'est en moins outré ou gêné par une telle déclaration. D'ici, il peut entendre le coeur de l'autre accélérer de plus belle, et Nero ne peut s'empêcher de sourire.

Il arque un sourcil dubitatif lorsque le plus jeune lui dit déjà connaître son prénom pour l'avoir entendu être scandé par ses collègues à plusieurs reprises. Une tentative de paraître bien moins obsessif qu'il ne l'est en réalité, très probablement. Nero aurait dû s'en vexer, ou prendre peur, comme bon nombre de personne censée. Mais, c'est bien là, son problème : il lui en faut bien plus pour prendre ses jambes à son cou. En réalité, il trouve ça d'autant plus charmant qu'il ait pris le temps de retenir son prénom. Aussi obsessionnel cela soit-il.

Retenu mes heures de travail, vraiment ? questionne-t-il sur le ton de la plaisanterie. Je ne suis même pas capable de les mémoriser en temps et en heure. Sa main enroulant toujours celle du plus jeune, c'est à son tour de sentir son coeur manquer un battement. Pas par peur ou inquiétude que cet inconnu ne se révèle être en réalité qu'un dangereux prédateur, mais bien par attirance et sentiments d'affection. Apollo n'a rien d'un terrifiant fou furieux. Il n'est rien de plus qu'un garçon trop timide pour son propre bien, qui perd tous ses moyens devant un garçon qui lui plaît.

Apollo. C'est son nom. Et Nero est bien trop heureux de pouvoir enfin associer un prénom au visage de son interlocuteur. C'est un nom qui lui va à merveille, la beauté ingénue de ses traits faisant honneur à la divinité dont il porte l'identité. Enchanté Apollo, tout le plaisir est pour moi. Et c'est sincère. Pas aussi canon que toi. Ne peut-il s'empêcher de renchérir face à la déclaration d'Apollo. Et oui, effectivement, c'est de l'italien. Cela veut dire beauté. Et c'est bien ce qu'est Apollo: beau. Une beauté fragile, et non conventionnel. Mais ce n'est pas la seule qui attire l'italien chez lui. C'est bien son côté candide, et sa propension à mettre les pieds dans le plat, s'enfonçant dans sa timidité pour ne pas paraître imposant.

L'italien secoue la tête face aux questionnements et aux doutes du plus jeune, profondément ancré dans un manque de confiance en soi, et un manque de talent évident pour ce qui s'apparente de près ou de loin à la drague et au flirt. Tu devrais avoir plus confiance en toi, tu sais. Tu as bien plus de qualités que tu ne le penses. C'est un compliment sincère, Nero ne supportant pas de voir un garçon aussi plaisant se noyer dans de tels démons.

Bien sûr que tu me plais ; je n'attire pas tous les jolis garçons qui croisent ma route dans la réserve, tu sais. Tu es un privilégié. dit-il avec un clin d'oeil. Et c'est bien sur le ton de l'humour qu'il compte décoincer quelque peu Apollo et lui extirper un sourire. Le moindre petit sourire fera l'affaire. Tu n'es pas le seul à espionner en secret, tu sais. Je dois t'avouer que depuis que je t'ai vu, quelque chose m'a fasciné chez toi. J'ai passé beaucoup de temps à t'observer même quand tu l'ignorais. Mes collègues peuvent en attester. Il avait failli renverser toute un plateau de bière sur une cliente un soir, et c'est une situation qu'il préfère oublier. Comme quoi Apollo n'est pas le seul à se rendre ridicule devant les beaux yeux d'un joli garçon.

Prenant conscience que leur position n'a rien de très confortable, et sans se départir de la main d'Apollo, il fait le tour de la table avant de venir se planter en plein devant lui. Je suis sensé terminer mon service dans 30 minutes, mais Hanja ne se vexera pas si je pars plus tôt que prévue. Avec tous les faux bonds qu'elle m'a fait, elle me doit bien ça. Il vient secouer une poussière inexistante sur les épaules du plus jeune, juste histoire d'avoir une excuse pour le toucher encore plus. Ça te dit d'aller chez moi ? Ou chez toi, comme tu préfères. Mais la réserve d'un bar n'est vraiment pas le contexte romantique que j'avais en tête en venant te parler ce soir. Si les joues cramoisies d'Apollo sont tout autant d'indication, une telle déclaration n'est pas pour lui déplaire, même s'il est sans doute encore sous le choc que cela soit une option.

Je t'aurais bien proposé un rendez-vous amoureux quelque part, mais vu l'heure tardive, je doute qu'on trouve un lieu digne de ce nom. Tu devras te contenter de ma compagnie dans un endroit bien plus commun, j'espère que tu ne m'en tiendras pas rigueur. Nero regarde Apollo droit dans les yeux alors qu'il itère ces mots, essayant par tous les moyens de capter le regard du plus réservé, qui se contente d'observer le sol comme pour mieux dissimuler ses joues rouges.

Non. Regarde-moi, Apollo.

De sa main, il vient soulever son menton, le forçant ainsi à croiser son regard. Nero lui sourit. Va chercher tes affaires, je t'attends dehors, tesoro.

Il vient déposer un baiser, léger, tendre, sur la joue du plus jeune, avant de s'éclipser, et de le laisser, bouche-bée, en pleine réserve.