Le subtil éclat du chocolat | Aster & Apollo

Le subtil éclat du chocolat

@Aster Spleaster

Aster n’était pas vraiment reconnu pour sa capacité à socialiser, s’il se montrait suffisamment courtois avec les clients qui l’étaient, il n’hésitait pas à faire étalage de toute son “amabilité” avec ceux qui ne l’étaient pas. La vie en tant que commerçant n’avait rien de facile, et ce quand bien même Aster vivait de sa passion, il aimait fabriquer du chocolat, envisager de nouvelles recettes, les façonner, leur donner vie et les disposer soigneusement sur les rayonnages de sa boutique. Ce qu’il aimait moins en revanche, c’était les clients. Alors, tous les clients n’étaient pas des abrutis, ce serait faire un raccourci grossier, même pour lui qui n’avait pas pour réputation d’être extrêmement avenant. Mais dans le lot, il y avait ce qu’il appelait les emmerdeurs, ceux qui prenaient 3 plombes à se décider, ceux qui tapaient un scandale parce qu' il y avait du lait dans le chocolat au lait alors qu’ils étaient intolérant au lactose -a un moment suffisait de faire fonctionner ses neurones-, bref il était confronté quotidiennement à un jolie florilège mine de rien. C’était entre autres, ce qui le poussait à passer pour un ermite mal aimable et ronchon.

Pour autant, dernièrement il lui arrivait de rêver de choses étranges. C’était toujours très flou, et il ne voyait jamais vraiment de qui il s’agissait mais il lui arrivait de voir des silhouettes. Et ces fameuses silhouettes lui paraissaient familières, sans qu’il n’arrive vraiment à mettre le doigt dessus. Peut-être, était-ce un vieux souvenir de quand il était plus jeune. A force, les visages de ses parents avaient fini par s’estomper, de même que le son de leurs voix. Peut-être que d’un coup, cela se rappelait à lui, et que tout ceci cachait quelque chose de plus important encore. Les rêves n’étaient pas son domaine, en tant que chocolatier ce n’était pas vraiment étonnant cela dit. Et il ne croyait pas à tout ce qui était hypnotiseur et autres charlatans soit disant “spécialistes” du domaine. Alors il se contentait de garder ça pour lui, sans vraiment chercher plus loin. C’était peut-être bête, mais que pouvait-il faire d’autres ? Au final, il avait enterré le souvenir de ses parents en même temps qu’eux, peu importe si cela avait un rapport ou non avec son enfance, le temps était passé et aujourd’hui Aster était une autre personne avec un vécu différent d’à l’époque. Remuer de vieux souvenirs, n’était pas nécessairement une bonne chose aussi les choses étaient elles sans doute mieux ainsi.

On ne pouvait pas dire qu’il avait beaucoup d’amis et un entourage bien fourni, c’était même plutôt l’inverse, mais lui s’en contentait. De toute façon, c’était incompatible avec son mode de vie, son travail prenait la plus grosse partie de son temps, et il ne lui en restait plus suffisamment pour nouer des relations amicales. Mais encore une fois, qu’importe il n’était pas du genre à se plaindre et ce mode de vie il l’avait choisi. S’il y avait évidemment toujours possibilité de revenir en arrière, il n’en avait pas encore vu l’intérêt.

Comme à son habitude, la boutique était noire de monde aujourd’hui, à l’approche d’une fête c’était souvent le cas, et si La St Valentin ne figurait pas dans son top 3, cette façon bien Américaine de célébrer cette fête faisait que pour les commerçant comme lui, elle était toute aussi importante que Noël ou Pâques. Il savait d’ailleurs qu’il devait également adapter la boutique en conséquence et il n’était pas peu fier du résultat. C’était bien moins tape à l’oeil que ce que l’on pouvait voir dans le Centre Commercial qui en faisait des caisses, mais au moins ça restait dans le thème tout en restant à l’image du propriétaire. De toute façon, les clients qui fréquentaient sa boutique savaient depuis longtemps quelle était sa fête préférée, Aster devait bien admettre qu’il avait peut-être tendance à s’emballer à l’approche de Pâques.

Pour autant, ce qu’il venait de se passer à l’instant n’avait rien à voir avec sa déco, ni une tentative d'innovation en approche de Pâques. Les clients se mirent à parler entre eux, apparemment tout aussi perplexe que lui. Il fallait bien comprendre une chose, pour Aster ce qui touchait à la magie, c’était les numéros que l’on pouvait voir à la télé, ceux où on savait forcément qu’il y avait un truc, même si la prestation était époustouflante. Hors, le gamin en face de lui ne semblait pas appartenir à la catégorie des prestidigitateur de cabaret, ou des artistes qui se produisaient sur les plus grandes salles internationales. Pourquoi ? Tout simplement, parce qu’il semblait aussi dérouté que lui.

“Et si votre boutique était hantée ?” hasarda une cliente “J’ai vu un reportage à la télé l’autre jour, il paraît que les esprits peuvent faire léviter des choses.”

Aster eut l'envie irrésistible de lever les yeux au ciel, pourtant il n’en fit rien. A la place, il prit sur lui et répondit du ton le plus cordial qu’il possédait.

- Allons madame Anderson, je tiens cette boutique depuis un moment maintenant. Vous vous doutez bien que si elle était “hantée” je l’aurais déjà remarqué, je ne pense pas qu’un esprit ait décidé de se manifester là, maintenant toute suite après des années de silence radio.

Suffisait de faire un minimum fonctionner ses neurones, mais bon dans le cas de madame Anderson, il y avait longtemps qu’il avait lâché l’affaire. Elle était adepte des théories du complot et autres conneries, dès qu’elle voyait une émission conspirationniste à la télé, la voilà qui était certaine de détenir la vérité universelle. Si demain on venait lui dire que Baiame était en fait une île créée de toute pièce par une civilisation alien, on pouvait être sûre qu’elle y croirait dure comme fer et qu’il serait impossible de la faire changer d’avis. Si les autres avaient envie de se casser les dents à lui expliquer par a + b qu’elle racontait n’importe quoi grand bien leur fasse. Aster se contentait généralement de la laisser parler en émettant uniquement des onomatopée, des fois il l’admettait juste pour son plaisir personnel, il en rajoutait même une couche. C’était pas très sympa, mais lui trouvait ça très drôle.

- Je reviens dans 5 minutes, annonça-t-il aux clients. Il y a des caméras de surveillance partout dans la boutique alors si quelqu’un part sans payer, j’le saurais !

Le fait est qu’il n’y en avait que deux, une qui était placée au centre dissimulée et une autre au-dessus de la porte du magasin. Mais ça les clients n’avaient pas besoin de le savoir, dire qu’il y en avait partout servait surtout comme effet dissuasif. De son côté, il fit signe au jeune homme de le suivre dans l’arrière boutique. Si tout le monde agissait comme s’il ne s’était rien passé, ce n’était pas le cas d’Aster et du gamin, ce dernier semblait d’ailleurs bien plus chamboulé que lui. S’ils voulaient essayer de tirer tout ça au clair, le mieux était peut-être, de faire en sorte qu’il reprenne d’abord ses esprits. De plus, s’il était bourru et pas spécialement aimable, Aster n’était pas sans cœur non plus.

- Déjà, tu n’es pas fou. Moi aussi j’ai vu ça. Et ensuite boit ça dit-il en lui servant une bonne tasse de chocolat chaud. C’est pour te requinquer.

Le chocolat était le meilleur des remèdes, particulièrement dans ce genre de cas.

Le subtil éclat du chocolat

@Aster Spleaster

Aster n’avait jamais été du genre à se vanter, d’aussi loin qu’il se souvienne, il avait toujours détesté ça, mais cela ne voulait pas dire qu’il n’appréciait pas les compliments sur son travail. Parce que mine de rien, il se démenait quand même pour faire tourner sa boutique, et si la passion était tout de même un moteur important, elle ne faisait pas tout. C’était des années de techniques perfectionnées, apprises à l’époque où il était apprenti ou depuis qu’il avait sa boutique, en fait si on lui posait la question il dirait qu’il n’avait jamais cessé d’apprendre. Dans son travail, on développait sans cesse de nouvelles connaissances et techniques, aucun chocolat ne ressemblait à un autre et ce quand bien même on appliquait la même recette, ça dépendait tellement des fèves en elle-même et de l’arôme qu’elles pouvaient dégager que c’était impossible d’avoir deux fois la même chose. Mais ça, beaucoup de clients l’ignoraient et quelque part tant mieux, il y avait suffisamment d’enquiquineur comme ça, pas la peine de rajouter les pseudos experts du chocolats.

- Tout le secret réside dans la manière de torréfier les fèves, c’est le moment où elles vont libérer tout leur arôme

Quoi qu’on ait l’air de penser de lui, il aimait les curieux, attention les vrais curieux ceux qui s’intéressaient vraiment à la fabrication du chocolat, pas ceux qui faisaient ça juste pour l’emmerder ou essayer de lui faire livrer toute ses techniques. Il y avait pas écrit “pigeon” sur son front, les pseudos enquêtes métiers il en avait vu défiler un bon nombre et n’hésitait pas à faire preuve de toute son amabilité pour les dissuader. Non parce que le prendre pour un con, ça allait bien 5 minutes merci il savait parfaitement faire la différence entre une personne qui s'intéressait vraiment au sujet, parce qu’elle souhaitait élargir ses connaissances personnelles, et ceux qui souhaitaient se lancer dans l'entrepreneuriat sans vraiment y avoir réfléchit et pensaient que tout leur tomberait tout cuit dans le bec. Mais l’heure n’était pas vraiment propice à se perdre dans ce genre de pensées, non il fallait savoir ce qu’il s’était passé exactement tout à l’heure.

Le visionnage des caméras de surveillance était effectivement la meilleure idée possible. Surtout que les clients n’avaient pas semblé être si perturbés que ça, il y avait bien la théorie foireuse de madame Anderson, mais avec elle il avait l’habitude à force. Si c’était pas la chocolaterie hantée, elle aurait trouvée autre chose, malheureusement pour lui, elle ne semblait jamais être à court d’idées complètement débiles. Selon lui, elle ferait mieux d’écrire des œuvres de fiction, mais s’il se permettait de le lui faire remarquer, la connaissant, elle prendrait fatalement la mouche.

- Merde alors, jura le chocolatier pendant le visionnage. C’est que madame Anderson était pas très loin du compte avec son histoire de chocolaterie hantée.

Le fait est que c’était la première fois qu’il vivait un phénomène de ce genre, sa vie avait toujours été calme et dépourvue de tout surnaturel, et voilà que d’un coup un truc chelou se passait sous son nez dans sa propre boutique. Il devait y avoir une explication rationnelle, les fantômes ça n’existe pas après tout. Quant à la magie, il y avait toujours un truc c’était à cela qu’étaient doués les magiciens, détourner l’attention du public avec un show savamment ficelé, afin que personne ne se rende compte du trucage. Non pas qu’Aster ait une dent contre les magiciens, mais encore une fois, ici c’était le monde réel et pas une œuvre de science fiction tiré d’un bouquin, film ou série. Se lancer à la poursuite de ce machin, ne l’enchantait pas vraiment, mais s’il voulait avoir une réponse il savait que les choix étaient pour le moins restreints. Restait  à s’occuper de la clientèle qui attendait, non parce que le coup de la chasse aux machins ayant fait volé les chocolats, c’était léger comme excuse. Il leur fallait un truc qui les emmerdes vraiment, et quitte à mentir, il n’était pas à ça près. Evidemment, il allait devoir faire de la gestion de mécontent, et ça ne l’emballait pas plus que ça mais au final c’était un mal pour un bien.

- Il y a pas le choix, grommela-t-il. Si on veut avoir le fin mot de cette histoire, c’est l’unique solution. J’vais m’occuper des clients d’abord, et après on pourra passer par le labo pour sortir tranquillement sans être vue.

Oui parce que s’ils partaient par la grande porte, ça allait être impossible, ils allaient se retrouver face à une “armée” de mécontent et Aster n’avait ni l’envie ni la patience de s’occuper d’eux pour le moment. Se dirigeant vers le panneau de contrôle pour l’électricité, il mit celui alimentant le terminal pour tout ce qui était opération financière en berne. Les clients, ne pouvaient pas savoir que c’était lui qui l’avait fait, surtout vu ce qu’il comptait faire.

Aussi comme si de rien n’était, Aster s’installa derrière le comptoir, et annonça que ceux qui devaient payer pouvaient refaire la queue. Évidemment, au premier paiement l’opération s’avéra impossible.

“Si vous voulez mon avis, ça ne sert a rien de vous énerver comme ça.” Commenta madame Anderson, en le voyant perdre patience. “C’est sûrement un coup du fantôme”.

- La chocolaterie n’est pas hantée, répéta Aster d’un ton buté

“Ca, c’est ce que vous dites. Mais comment expliquez vous cette panne subite ?”

- C’est de la technologie madame Anderson, ce genre de machin, ça tombe en panne régulièrement.

“En attendant, il va falloir trouver une solution”

- Mais quelle bonne idée. Ironisa le chocolatier. Vous savez quoi, comme le paiement est impossible pour le moment, vous allez tous me remplir un bon de commande et en échange, je m’engage à effectuer la livraison entre ce soir et demain. Vous réglerez une fois cette dernière effectuée. Moi, j’vais appeler la société pour me dépanner tout ça. Je vous préviens, il y a que le paiement qui ne fonctionne pas, les caméras de surveillance elles oui.

Voilà une chose de réglé, faisant mine de prendre le téléphone de la boutique, Aster passa à nouveau les doubles portes derrière le comptoir, où le gamin l’attendait.

- C’est bon on peut s’y mettre. Les clients sont occupés pour un moment. Il faudrait d’abord voir aux alentours de la chocolaterie si on trouve des indices. Pour l’instant, c’est la seule piste qu’on a.

Aster n’était pas détective, mais ça lui paraissait logique de d’abord faire les alentours à la recherche de preuves supplémentaires. Ils ne savaient ce qu’était le machin aperçu par les caméras, et mieux valait ne pas se lancer totalement à l’aveugle.