Depuis combien de temps je faisais ce boulot ? C’était précisément la question à laquelle je ne pouvais pas répondre car pour moi la notion de temps était quelque chose de très variable contrairement aux autres. Déprimé à souhait, j’attendais dans la salle d’attente de la clinique vétérinaire. Mon chat ne mangeait plus rien, et c’était vraiment devenu inquiétant. Assis à côté de moi, dans sa cage, je regardais les chiens lui grogner dessus. Avec une patience étrange, chose que je n’avais pas dans d’autres circonstances je lui marmonnais :
« T’inquiète pas Coco-Bongo, si jamais yen a un qui te grogne trop d’ssus, j’l’envoie dans une époque ou les chiens sont pas appréciés et sont connus pour leurs qualités gustatives... »
Le chat noir ne me regarda même pas dans les yeux, chose qui était curieuse. Renfermé, je me mis à soupiré et je regardais autour de moi en réfléchissant aux évènements récents. Ca avait été un peu chaud en ce moment, avec des destructeurs qui venaient en pagaille, et des éveillés qui se la jouait super héros. Ca avait de quoi mettre mes nerfs à l’épreuve et surtout, ça me remettait en permanence en question. On m’appela, et je sursautais presque, content qu’on prenne soin de Coco-Bongo. Entrant dans la petite salle, j’ouvrais la cage du félin et je commençais à dire d’une voix un peu monocorde et presque dépressive.
« B’jour. Y mange pu trop, il veut plus jouer. Il bouge plus de la journée. J’ai essayé tous les remèdes qu’on avait à la boîte et rien fonctionne. Une collègue m’a dit qu’il faisait une déprime, alors jsuis venu faire quand même un check up avec vous. »
En fait, elle avait pas exactement dit ça. Elle avait dit que moi même je faisais une déprime, et que mon chat était empathique. Chose bien différente mais en même temps elle n’avait pas à connaître ma vie. C’était d’ailleurs pourquoi j’avais dit « la boite » pour désigner le TVA. Quand je parlais comme ça, les agents et les éveillés me reconnaissait et les maudits restaient maudits. C’était une stratégie que j’avais adopté pour éviter d’avoir plus de problème, j’étais pas mère théresa et j’étais pas là pour les aider. Ils se démerdaient, le Temps était foutu comme ça. Les mains dans les poches de mon grand manteau, je l’observais. Elle devait avoir mon age, et elle était plus pas mal. Le soucis c’était que j’avais pas trop l’énergie de faire de la drague en ce moment.
« Fais beau aujourd’hui hein. » dis-je simplement alors qu’il faisait un vrai temps de merde. « Vous avez toujours été véto ? »