Lot of thief in town ◈ Shisui

La journée avait plutôt bien commencé, vraiment, je n’avais pas à me plaindre. Je n'assiste pas ni ne dispensais de cours aujourd’hui, j’avais donc tout le temps qu’il me fallait pour avancer sur mon travail de recherche. Je ne devais pas côtoyer l’homme qui se trouvait être mon directeur de thèse, ni faire face à mes sentiments contradictoires le concernant. Depuis que mes souvenirs sont revenus, mon cerveau était un véritable champ de bataille. D’un côté, j’avais toujours cette admiration vis à vis du professeur qui n’avait fait que me pousser vers le haut, et partageais avec moi des ressources inestimables pour mes études. Et de l’autre, je ne pouvais oublier qu’il était la raison pour laquelle Bloom avait dû sauver nos parents et notre royaume. Qu’avec l’aide des trois sorcières ancestrales, il était l’un des instruments de la chute de Domino.

Alors ne pas faire face à ce dilemme aujourd’hui, essayer de me comporter comme avant que je ne retrouve la mémoire pour moi, c’était une journée qui s’annonçait bien, et surtout sans gymnastique mentale qui drainait mon énergie. Ce n’était pas comme si je pouvais tout lui déballer d’un coup, et conclure sur le fait que nous sommes deux adultes responsables alors le mieux était de trouver une solution pérenne à ce problème puisque lui ne se souvenait de rien.

Comme à mon habitude, j’avais tenté de faire rentrer tous mes cheveux dans un serre-tête avant de renoncer, en voyant qu’une mèche rebelle revenait toujours sur le devant et avait rassemblé mes affaires direction ma boutique préférée, le Any Given Sundae. Je n’avais jamais dégusté d’aussi bons chocolats chauds que là-bas, et ce, sans parler des glaces. Mes camarades de promos avaient tendance à me regarder étrangement lorsque je le disais, trouvant certainement le mélange chocolat chaud et glace des plus étranges, mais je ne m’en formalisais pas. Chacun ses petites manies, et chacun ses bizarreries, les miennes étaient de manger des glaces en plein hiver accompagné d’une boisson chaude. Il y avait bien pire dans la vie.

Après avoir salué la gérante Sarah, je m’installais à ma place habituelle et défis mes affaires, m’étalant copieusement sur la table. Je passais ainsi les deux prochaines heures à alterner entre consommation, et avancement de ma thèse. J’essayais de ne surtout pas être déconcentré, surtout sachant que j’allais devoir montrer l’avancement de cette dernière au professeur Dafoe d’ici la fin de semaine. Je préférais donc éviter de penser à ce moment inévitable qui arriverait samedi matin. Le problème n’était de toute façon pas pour aujourd’hui, mais pour la fin de semaine, alors inutile de commencer à m’en faire. Hormis ruminer et broyer du noir, je n’arriverais à rien.

Je ramassais mes affaires, dit au revoir à Sarah, la complimentant encore une fois sur ses glaces et sortie de la boutique. Le soleil commençait à décliner, mais il était encore suffisamment fort pour que j’utilise ma main afin de ne pas être trop éblouie. Stella, la meilleure amie de Bloom, aurait sûrement été très heureuse. D’un côté, rien ne rendait un habitant de Solaria plus heureux que le soleil et leur princesse ne faisait pas exception. Perdue dans mes pensées et ma nostalgie, ce n’est qu’au dernier moment que je sentis mon sac contenant mon ordinateur et toutes mes notes m’être violemment arraché :

- He…Hey ! M’exclamais-je le choc passé, alors que je me lançais à la poursuite du voleur

Pas question de le perdre de vue, et pas question d’utiliser la magie ainsi à la vue de tous. Il y en avait qui n’avaient pas retrouvé leur mémoire et je risquais de créer un mouvement de panique. Je ne pouvais compter que sur mes jambes, et je sentais que cela faisait longtemps que je n’avais pas couru. Mon père, s’il avait été là, m’aurait certainement sermonné et rappelé l’importance de l’entraînement non-magique. Il n'aurait pas totalement tort cependant, mon planning était tellement chargé que je n’avais pas pu me dégager suffisamment de temps pour pouvoir suivre ses enseignements. Je tenterais de me rattraper, puisque cela m’aurait été bénéfique dans ce genre de situation.

- Désolée dis-je alors que j’entrais en collision, avec un jeune homme que je n’avais pas vu, à la fin trop occupée à ne pas me laisser distancer, et perdue dans mes pensées.

A moitié essoufflée, j’indiquais le voleur que je voyais peu à peu disparaître dans la foule, tandis-que je me remettais à courir espérant que cela suffirait comme explication. Dans d’autres circonstances j’aurais pris le temps de m’excuser un peu mieux, mais là malheureusement, je ne pouvais pas faire autrement.

Coleur dialogue:

Les poumons en feu, je demeurais courbée en deux les mains sur mes genoux le temps de reprendre ma respiration. La personne que j’avais bousculée et qui s’avérait être un membre de la police était restée pendant que son collègue s’occupait du voleur. J’espérais que cela se concrétise, même si j’avais une grosse partie de mon travail chez moi sur diverses clés usb, il y avait tout ce sur quoi j’avais avancé aujourd’hui sans parler de mes notes. Et puis, je n’avais pas nécessairement l’argent pour me payer un nouvel ordinateur. Ce n’était pas pour rien que j’envisageais de changer d’habitation pour vivre en colocation. Mais pour l’heure, je devais avant tout me calmer, faire preuve de discernement et surtout espérer que mes biens me soient rendus à temps et en bon état. Quand enfin, ma respiration se calma et que je pu prendre la parole sans que mes paroles ne soient incohérentes à cause de l'essoufflement :

- Je m’appelle Daphné et je viens tout juste de me faire voler mon ordinateur.

Autant aller droit au but, je ne voulais pas faire perdre de temps à la police. Évidemment, je souhaitais tout de même faire une déposition au cas où, mais je ne pouvais m’empêcher malgré le fait que ce ne soit pas vraiment le moment de penser au travail que j’aurais à rattraper si le voleur réussissait à s’enfuir définitivement. Mon ordinateur était très reconnaissable, j’y avais collé des stickers trouvés sur internet ayant tous un lien avec l’histoire. Et puis, j’avais opté pour un mot de passe un peu plus compliqué que le nom de mes parents ou bien la fameuse suite de chiffre mais cela n’empêchait rien et je le savais. L’idée de devoir écumer les sites de reventes dans l’espoir de le retrouver à un prix beaucoup plus élevé que celui payé ne m’enchantait pas.

- Je sortais du Any Given Sundae où j’avais passé l’après-midi pour travailler sur ma thèse, je n’ai rien venu venir et il m’a arraché la sacoche en passant avant de s’enfuir. J’étais occupé à lui courir après dans l’espoir de le rattraper et de récupérer mes affaires.

Bien sûr, j’aurais pu voler, me transformer, mais au milieu du centre ville et devant des gens qui étaient potentiellement maudits, je ne pouvais pas. Cela aurait pu causer une panique générale, ou un mouvement de foule et je m’en serais voulu d’avoir effrayé des personnes n’ayant rien demandés

- Il y a-t-il une procédure particulière à suivre en attendant le retour de votre collègue ?

Peut-être avait-il besoin de plus de détails sur ce qu’il s’était passé, je ne savais pas comment cela se passait en général. Est-ce que je devais l’accompagner au poste de police pour faire un dépôt de plainte ? Ou bien ce que je venais de dire, suffisait pour enclencher la procédure ? Dans le doute, je préférais tout de même demander.

Coleur dialogue:

Se rendre au commissariat, porter plainte et si son collègue attrapait le voleur, elle laisserait une trace dans son dossier. Ce n’était pas bien compliqué, mais j’admit douter légèrement, je n’avais pas peur de ce que le voleur pourrait potentiellement me faire. Je n’avais rien fait pour ne pas effrayer des gens, mais s’il venait me confronter seule, j’aurais moins de scrupules à me défendre. Certes, il avait volé mon ordinateur et quand bien même j’avais des copies de ma thèse, un ordinateur demeurait cher et mon salaire n’était pas non plus mirobolant si je pouvais éviter d’avoir à en racheter un je ne serais pas contre. Mais peut-être n’avait-il pas eu le choix, certaines personnes étaient plus touchées par la précarité que d’autres et j’en étais consciente.

- Lorsque vous dites que la plainte laissera une trace dans son dossier, c'est-à-dire ?

Déjà, le mieux était de se renseigner là-dessus. Je savais qu’il y avait des personnes qui ne changeaient pas, comme Valtor par exemple. Dès qu’il aura retrouvé ses souvenirs, je doute qu’il reste tranquillement dans son coin à se contenter de sa vie de professeur. Mais d’autres n’avaient pas mauvais fond, et je voulais croire que c’était le cas du voleur d’ordinateur. Peut-être étais-je trop optimiste, on m’en avait déjà fait la remarque et j’étais parfaitement consciente de cet aspect de ma personnalité. Néanmoins, lorsque l’on reste pendant 19 ans sous forme d’esprit désincarné, je dirais que développer une forme résilience ainsi que d’optimisme simplifiait grandement la vie.

- Je n’ai pas peur des représailles, ajoutais-je. Pas pour moi en tout cas, mais je ne sais absolument rien du voleur, hormis une vague description physique et le fait qu’il avait l’air d’être plutôt jeune. Et j’aimerais quand même mettre toutes les chances de mon côté pour récupérer ce que l’on m’a volé. Néanmoins, je n’ai pas envie que cela laisse une trace indélébile non plus. Peut-être est-il réellement malveillant, mais peut-être est-il tout simplement jeune et un peu stupide.

J’enseignais à des jeunes en licence, si en dernière année ils avaient tous un peu plus prit du plomb dans la tête, en première année fraîchement diplômés, et à peine sortie du lycée c’était une toute autre histoire, on ne pouvait pas dire qu’ils brillaient par leur maturité, il fallait imposer le cadre d’entrée de jeu, particulièrement sachant que c’était ma première année en tant que professeur assistant. Les paris stupides ne cessaient pas au lycée, et des fois voler quelque chose découle de ce genre d’actions, c’était pour cela que je ne voulais pas qu’il soit “catalogué” comme voleur de manière définitive. Si je pouvais tenter de discuter avec lui, et peut-être comprendre la raison pour laquelle il avait décidé de faire ça, pourrait m’aider à comprendre. Évidemment, ce serait si lui était d’accord je ne pouvais pas le forcer à accepter le dialogue, mais dans l'idéal si médiation il pouvait y avoir de sortes que tout le monde s’en sorte sans trop de casse je ne serais pas contre.

Coleur dialogue:

Il y avait le pour et il y avait le contre, c’était à moi de le peser et d’agir en conséquence. D’un côté j’avais vraiment envie de retrouver mes affaires, et je n’avais pas peur de potentielles représailles en portant plainte. Je faisais extrêmement attention avec mes pouvoirs, de crainte de croiser des personnes toujours maudites, mais s’il fallait effrayer un jeune en me transformant afin de lui faire passer l’envie de s’en prendre à moi, je n’hésiterais pas une seule seconde. Mais de l’autre, je voulais être certaine qu’il s’agissait réellement d’un acte de malveillance ou bien d’une simple erreur de parcours. Je sais que c’était certainement se prendre la tête pour rien, mais en même temps qu’est que j’y pouvais si j’avais toujours été du genre à me prendre la tête justement. Avec un soupire résigné, je me passais une main dans les cheveux, plus pour occuper la dite main qu’autre chose d’ailleurs :

- Bien. Voilà ce qu’on va faire. Je vais porter plainte, néanmoins si vous arrivez à attrapper le coupable je souhaiterais un face à face afin de me rendre compte moi-même de ses motivations. S’il s’agit bel et bien d’un acte de malveillance programmé alors je conserve ma plainte, si ce n’est pas le cas je la retire. Cela vous convient-il ?

C’était pour moi une façon de couper la poire en deux et de rester fidèle à mes valeurs. Néanmoins si on le retrouvait pas, ma plainte demeurait conservée, disons que je pouvais être gentille mais comme tout le monde j’avais mes limites. Si un face à face avait lieu je pourrais moi-même juger de sa sincérité ou non. J’avais appris plusieurs choses en tant qu’esprit notamment de ne pas accorder ma confiance à n’importe qui. Polythéa était un douloureux rappel que même les gens proches de vous pouvait vous trahir, j’ignorais si cette dernière était à Baiame ou si elle avait disparu en même temps que notre univers. Par moment, j’en venais à m’imaginer ce qui se passerait dans le cas où elle était ici et que nous retrouvions. Le fait est que je pouvais bien imaginer un million de scénarios, rien ne pouvait me préparer à la réalité et je ne pouvais pas prévoir à l’avance comment je réagirais ni comment elle se comporterait. Spéculer sur une potentielle rencontre ne me servirait à rien, mieux valait se concentrer sur le présent.

- Je tiens tout de même à récupérer mes affaires, c’est le plus important pour moi. Ma thèse est dans mon ordinateur et croyez moi, si je ne la récupère pas, je risque de ne plus être aussi gentille que maintenant.

Un sort de localisation serait la méthode la plus rapide, toutes mes affaires étaient traçables par magie. Et qu’importe s’il était maudit ou non, cette fois-ci je n’hésiterais pas à utiliser mes pouvoirs.