Ewan avait appris à contenir son loup, mais il avait parfois plus de difficultés à canaliser l’homme. Il avait appris à survivre, à vivre avec sa meute et sa confiance envers les autres êtres humains était des plus limités. Dans ce nouveau monde, le brun marchait sur des œufs et se devait de retrouver son humanité, abandonné par les longues journées passées sous sa forme animale. Avant la guerre, les loups-garous de l’espèce Lupus, passaient bien plus de temps sous leur forme humaine, que sous leur forme garole. Ils vivaient une vie semblable aux humains sauf qu’eux passaient plusieurs heures de la semaine sous leur forme animale. Tout avait changé avec la guerre et si au début, ils avaient tenté d’échapper aux attaques humaines en demeurant sous cette forme, ils avaient rapidement repris leur forme animale pour gagner en puissance, mais aussi en force… L’enfance d’Ewan s’était retrouvée broyée par cette guerre, il avait appris à se battre, à tuer, chasser, mais pas à vivre en communauté, du moins pas une communauté de survivants. Lui était resté en petit groupe soudé, ils avaient toujours tout fait pour éviter les grands regroupements, histoire d’éviter qu’une attaque ne mette à mal la moitié de la résistance. Ewan éprouvait donc pas mal de difficulté à se sociabiliser avec le reste des êtres humains, le plus souvent, il se contentait d’ailleurs de les ignorer. Sauf qu’avec le temps, la solitude lui pesait. Ici, sa meute n’était plus, il était seul et pour un loup, il s’agissait de la pire des punitions. Les journées étaient longues, et même si la réserve lui prenait du temps, le soir quand il retrouvait toujours la même solitude. La tendresse de ses parents lui manquait, les engueulades avec sa sœur aussi, sans parler de ses entraînements avec son parrain : Grigore. Il espérait avec ferveur qu’un jour, sa route croiserait de nouveau la sienne, mais pour le moment, c’était le néant.

Le jeune homme avançait les mains dans les poches, sa capuche sur la tête, il évoluait dans les rues de la ville en observant les autres, sans grand intérêt. Il lui arrivait souvent de se demander comme les gens arrivaient à vivre ainsi. Sans soucis, sans penser à la mort qui peut venir du ciel ou d’un recoin qu’on n’a pas assez surveillé. La guerre était terminée, mais pas pour lui, pas pour ceux qui ont combattu, qui ont donné tant d’années de leur vie à une cause. Il suffit parfois d’un bruissement d’ailes pour qu’Ewan se retourne et soit prêt à attaquer ou d’une pierre qui roule… Son instinct n’est jamais au repos, mais toujours aux aguets, le repos n’est qu’illusoire, tant ce qu’il a vécu l’a marqué. Avec le temps, cela disparaîtrait sûrement, mais pour le moment, Ewan est encore soumis à tout ce qu’il a vécu.

Quand Ewan arrive au lieu de rencontre, un parking ou débute un chemin de randonnée, son regard se pose là où se trouve un jeune homme qui l’attend, adossé à une voiture. Il reconnaît tout de suite Ilian et baisse sa capuche avant d’ajuster son sac à dos. À l’intérieur se trouve des affaires de rechange. Il lui a fallu pas mal de temps pour arriver ici sous sa forme de loup, il a repris forme humaine, un peu plus haut dans la forêt, là où la densité des feuillages le protège des regards curieux. Il s’est habillé et a fait le reste du chemin à pied. Ewan aime marcher, il trouve cela reposant et apaisant, c’est pour ça qu’il a proposé cet endroit comme lieu de rendez-vous à Ilian. La randonnée qu’ils ont choisie n’est pas difficile pour les humains, même les peu entraîner, pour Ewan, il s’agit d’un parcours de santé, bien plus facile que de marcher en ville… Plus il y a du monde et plus il a tendance à stresser, par crainte d’une attaque. Faut dire qu’il a déjà réchappé à une bombe qui a tué une centaine de personnes, autant dire qu’il fuit désormais tout attroupement.

« Salut Ilian, tu vas bien. » Il hèle le jeune homme avant de combler les quelques mètres qui les séparent. Il le connaît depuis l’enfance, du moins, celui qu’il était avant le connaît depuis longtemps. Ewan lui ne le connaît que depuis qu’il est éveillé, mais Ilian lui ressemble sur beaucoup de points, il est sûrement aussi torturé que lui, à la différence qu’Ilian s’en veut pour ce qu’il a fait. Ewan lui a tué pour se défendre et si chacune des morts qu’il a données l’a impacté, il doit bien avouer qu’il a parfois tué avec des plaisirs, en particulier le vampire qui a tué son plus jeune frère. Pendant un instant, ses yeux s’illuminent d’or alors que la colère réveille le loup endormi, Ewan reprend si vite le contrôle qu’Ilian n’a sûrement rien remarqué. « Tu es près pour cette petite ascension ? » lui demande t’il tout en observant la montagne qui se dresse devant eux.
@Ilian Philtatos