Ewan aimait la forêt et elle lui avait atrocement manqué. Dans son monde, la plupart avaient disparu, il ne restait plus que des arbres morts, trop de radiations avaient réduit la terre à un désert mortel ou la plupart des survivants avaient trouvé refuge dans des bunkers pour se protéger de la dangerosité du monde extérieur. Les humains ne sortaient jamais sans masque et protection. Les loups et les anges noirs, eux, pouvaient encore se permettre de sortir sans trop de risques, leur corps se régénérant sans cesse, mais cela n’enlevait pas la sensation de l’air qui vous brûle les poumons, ni la désinfection à chaque fois qu’il retrouvait la sécurité du bunker 93, ni la désolation de leur monde… Les humains avaient réussi à s’en sortir, créant dans leur bunker des espaces verts tout un maintenant un peu d’élevage de petits animaux comme les poulets… Alors oui, ils vivaient, ou plutôt survivaient, car il n’y avait rien de bien passionnant à vivre entre quatre murs. C’était mieux que mourir en se faisant vider de son sang, mais ça n’était pas extraordinaire non plus. Pour Ewan qui avait passé la moitié de sa vie sur les îles orcade, là où l’herbe demeurait verte, ou les tempêtes ravageaient les côtés chaque hiver et où la nature se montrait plus sauvage que jamais. Le constat était amer, mais il avait sa famille, sa meute et cela était le plus important, même si chacun d’entre eux souffrait de cette situation. Ils en parlaient rarement, mais cela se voyait dans leurs yeux… Puis tout avait changé et il était arrivé ici, sur ses terres riches et pleines de vie. Un endroit rêvé pour les loups, pour sa famille, sauf que lui était seul désormais… Plus personne ne répondait à son hurlement, les rires de sa sœur avaient cessé, les mots d’amour entre ses parents aussi, et les chamailleries avec son parrain plus lointain souvenir. Il aurait dû détester cette nouvelle vie, mais il n’y arrivait pas. Parce que même s’il était seul, pour la première fois en 13 ans, il se sentait en sécurité et ça n’avait pas de prix.

Cela faisait trop longtemps qu’il n’avait pas senti toutes les odeurs de la forêt, elles ravivaient ses sens et ses souvenirs de jeune garçon, quand son père lui apprenait à les différencier. C’était un exercice difficile, mais intéressant et indispensable dans l’apprentissage d’un jeune loup. Il avait toujours été un bon élève et aujourd’hui sous sa forme de loup, il prenait plaisir à traquer l’odeur d’un jeune cerf. Il demeurait cependant à distance pour ne pas trop inquiéter l’animal. Ewan n’avait plus besoin de chasser pour se nourrir, il l’avait fait uniquement par obligation pour survivre. Avant la guerre, ses parents comme la plupart des loups se comportaient comme des humains lambda et passaient par la case supermarché pour ramener de la viande. La chasse était uniquement un plaisir qu’il partageait parfois avec leurs amis anges noirs ou le but était de débusquer l’autre, chacun jouant la proie à son tour. Une fois, la guerre commençait, ils n’avaient pas vraiment eu le choix et comme ses ancêtres, ils avaient repris la chasse, tuant pour subvenir à leur besoin, mais en respectant toujours les créatures qu’ils chassaient. Ils ne prirent jamais aucun plaisir à ôter une vie, même si cela s’avérait nécessaire.

Tout en avançant dans la forêt en suivant l’odeur de ce jeune cerf, le loup noir s’amusait à bondir au-dessus des haies, à se dissimuler dans des bosquets tout en restant assez à distance pour que l’animal ne le remarque pas. Il broutait paisiblement dans un champ tandis qu’au loin, le prédateur l’observait. Il n’aurait eu aucun mal à lui sauter au cou pour planter ses crocs dans sa carotide et mettre un terme à sa vie, mais Ewan demeurait immobile, observant l’animal qui broutait paisiblement les herbes riches du printemps. Vu la taille de ses bois, il s’agissait d’un jeune de l’année, il n’avait pas plus de 8 mois. D’autres odeurs lui titillèrent les narines, des odeurs humaines, celle d’un homme et d’une femme, mais éloigné l’un de l’autre. Quand l’odeur de la poudre lui parvint, il tourna la tête sur la gauche pour apercevoir un chasseur un peu plus loin. Il n’avait pas envie de se montrer, il détestait les chasseurs, capable de le traquer jusqu’à ce que sa tête se retrouve en trophée accroché à un mur. A la place, il se contenta de faire craquer lourdement une branche, faisant fuir l’animal dans le sens opposé à son prédateur de bipède… Quant à Ewan, il s’éloigna à son tour pour mettre une certaine distance entre le chasseur et lui, préférant continuer à évoluer sans qu’on ne remarque trop sa présence.

Perdu dans ses pensées, il oublia de faire confiance à son flair et se retrouva sur un chemin ou une jeune fille évoluait. Il reconnut automatiquement l’odeur qu’il avait sentie quelques minutes plus tôt. Il aurait dû être plus prudent. Son regard d’un or agrémenté de vert se posa sur une jeune femme blonde. Il la reconnaissait, elle était avec lui au lycée, au plutôt avec Conrad. Ils avaient même été amis à l’époque, mais Ewan ne s’intéressait pas à ce faux passé, à ses souvenirs montaient de toutes pièces qui n’avaient jamais existé. Il l’observa de toute sa hauteur, imposant, et terrifiant, mais il resta calme, mesuré dans ses actions et dans sa respiration. Il ne voulait pas lui faire peur, il n’avait jamais aimé ça à vrai dire, qu’on le craigne. C’était pourtant une réaction naturelle pour la plupart des êtres humains, car un loup de sa taille, ce n’est pas normal, c’est juste terrifiant.


@Eloïn Sullivan

Ewan le savait, il aurait dû se montrer plus prudent. Cela faisait partie de son apprentissage de loup, puis plus tard de son expérience. S’il avait eu la chance de grandir dans un monde sans guerre, il n’aurait jamais appris à être assez prudent, mais Ewan avait appris à faire attention au monde qui l’entourait et a surtout ne pas se faire remarquer. Il savait jouer sur les deux tableaux : humains ou loups, mais ses années à se battre sous sa forme animale, la plus puissante des deux avaient laissé des séquelles. S’il l’avait pu Ewan serait rester sous cette forme pendant des mois, mais il y avait les puces et aucun loup garou, même les plus idiots, ne les apprécient. Il ne pouvait avoir une vraie hygiène quand redevenant humain, sans oublier que c’était aussi sous sa forme de bipède qu’il travaillait et gagner sa vie.  C’était aussi le seul moyen qu’il avait trouvé pour s’occuper des autres animaux qu’ils soient carnivores ou herbivores. Sous sa forme de loup, c’était quand même vachement plus difficile de se faire accepter par une biche ou un chevreuil

Son regard se posa sur la jeune femme qui lui faisait face. Il chercha dans les souvenirs de Conrad pour retrouver son prénom. Après quelques secondes, il le trouva : Eloin. C’était un prénom qu’il n’avait jamais entendu, pas dans son monde en tout cas, mais il n’avait pas eu la chance de rencontrer énormément de monde… Beaucoup de vies avaient été rayé de la carte à cause de la guerre et une fois cette dernière terminée, les naissances étaient rares tout comme les rencontres.
Ewan aurait pu partir, cela ne lui aurait rien gouter de plus, si ce n’est un gain en tranquillité, mais il demeurait curieux et le comportement de la jeune femme l’intriqua. Encore plus ce qu’elle tenait en laisse : Un chien. Il souffla comme si cela était la pire des hontes pour un membre de son espèce, aucun loup ne serait mis à obéir à un être humain. C’était inenvisageable. Il n’avait jamais compris les chiens, mais il ne pouvait nier qu’ils étaient des animaux fidèles et intéressants bien qu’inadapté la vie sauvage, surtout ceux de compagnie, comme celui qu’elle tenait en laisse. Il aurait fait un bon casse-croute pour n’importe quel prédateur… Avec son poil tout blanc, il ne devait pas partie vadrouiller trop loin de sa maitresse. Il n’y avait rien de plus important pour Ewan et les loups en général, que leur liberté et leur libre arbitre.  Il se demanda pendant quelques secondes si ce chien était satisfait de cette vie. S’il n’aurait pas aimé être en liberté pour suivre l’odeur d’un écureuil ou décider lui-même du chemin à suivre.

Il retroussa les babines quand elle s’approcha de lui pour tenter de la caresser. Elle était folle ou quoi, comme s’il allait se laisser toucher comme un gentil toutou. Jamais de la vie… C’était quoi cette idée qu’avait les hommes à croire que la vie sauvage se soumettait si facilement. Ses crocs se dévoilèrent et son poil se hérissa tandis qu’il reprenait de la distance, une qu’il jugeait tolérable. Il s’ébroua et continua de l’observer d’un air intelligent, comprenant tout ce qu’elle lui racontait. Elle pouvait lui parler comme à un animal, ça il pouvait le comprendre parce qu’il était sous une forme qui ne laissait pas de place au doute. Quoique sa taille était bien plus imposante qu’un loup Lambda. Ewan était hors gabarit, il ressemblait à un loup, mais il était bien trop grand pour en être un. A tel point qu’il était bien plus grand qu’elle sous cette forme, alors qu’elle se tenait sur ses deux jambes et lui sur ses 4. Elle demeurait cependant intéressante ou folle, il n’aurait su le dire… Quelqu’un de censé n’aurait jamais essayé de l’approcher. Il tourna la tête, curieux, en l’entendant parler de Brocéliande. Sa mère lui avait raconté l’histoire de Merlin l’enchanteur quand il était petit et ce magicien était lié à cette forêt.  Une enfant de Brocéliande,.. Qu’est ce que ça pouvait être. Il chercha une réponse dans sa mémoire mais n’en trouva aucune. Il savait que ce monde possédait des membres d’un nombre important d’univers, peut-être qu’un possédait vraiment des magiciens… Après tout, lui avait eu comme grand-mère une sorcière… Cela ne l’aurait pas surpris que Merlin l’enchanteur est existé pour certains…

@Eloïn Sullivan

Ewan n’avait pas mauvais caractère, il était même plutôt facile à vivre, enfin pour un Lupus. Le simple fait qu’il soit de cette espèce lui donnait un tempérament assez fort et ses parents lui avaient toujours permis d’être qui il était. Mais s’il se comparait à ses frères et sœurs, il était surement celui qui ressemblait le plus à son père. Il était réfléchi, réfléchissait souvent avant d’agir et était prêt à tout pour les gens qui l’aimaient. Cela le rendait faible aussi, car sans eux, Ewan perdait son but, son socle… Il ne serait jamais fait avoir s’il avait été plus prudent et n’appréciait pas vraiment d’avoir été vu par une jeune femme accompagnée d’un minuscule chien qu’il aurait pu croquer en une bouchée. Pour autant, même si Ewan n’aimait pas le côté dominé des chiens, il n’avait rien contre eux non plus et les trouvait parfois intéressant. Celui là ne semblait pas désagréable, en tout cas, il ne lui aboyait pas dessus, comme le faisait certain. Non lui semblait avoir assez de jugeote pour savoir qu’il n’aurait rien pu faire contre le loup qui se trouvait devant lui, un signe d’intelligence donc. Ewan reporta son regard sur la bipède qui lui faisait face. Elle n’était pas très grande, blonde, mignonne même, mais il préférait toujours éviter ce genre de jugements. Il laissa échapper un long soupire en l’écoutant parler. Croyait-elle vraiment qu’il allait lui dire bonjour… en vérité il pourrait le faire, encore fallait-il qu’il se décide pour le faire. Pour le moment, ce n’était pas le cas et il se contenta de s’asseoir pour l’observer avec curiosité. Il cacha ses énormes crocs sous ses babines noires et commença à se détendre quand elle arrêta d’avancer vers lui. Voilà, elle avait compris… Première règle quand on rencontre un loup, on lui laisse de l’espace et si on a vraiment envie de survivre, on court. Parce que tous ne sont pas aussi sympathique que lui… Si on peut dire que son comportement est sympathique. En tout cas, il devait bien avouer une chose, elle était entêtée. Beaucoup aurait fait demi-tour, mais pas elle. Elle était toujours là, à essayer d’établir le contact et pour ça elle avait du mérite. Ou peut-être qu’elle était folle ? Il n’arrivait pas encore à se décider… il le ferait surement un peu plus tard, pour le moment, il lui laissait le bénéfice du doute.

Il tourna la tête de côté à l’écoute de son histoire abracadabrantesque… Une descendante de Merlin ? C’était possible ça ? Puis il se rappela qu’il était un loup garou et que pour beaucoup ils n’étaient que des fables. Sur cette île de toute façon, il n’y avait plus rien de surprenant, il y avait donc de fortes chances qu’elle dise la vérité. Ewan connaissait Merlin l’enchanteur, tout le monde le connaissait. Il avait même visité la forêt de Brocéliande quand ils étaient partis en famille en vacances en France. Ils avaient passé toute une journée à chercher le sorcier sous leur forme animale avec son frère et sa sœur, mais bien entendu, il ne l’avait pas trouvé. En tout cas, une chose était sûre, elle parlait beaucoup, beaucoup plus que lui… Ewan s’étira avant de bailler puis reporta de nouveau son regard sur la jeune femme. Elle était solaire, bien plus que lui et aurait sûrement pu faire parler n’importe qui.
Ewan joua avec l’idée de l’abandonner là, comme un esprit clairvoyant, puis il décida de resta et laissa son esprit touché celui de la jeune femme pour y pénétrer délicatement. « Ewan… » dit-il avant de rajouter. « C’est mon prénom. » Il restait proche de son esprit, délicat, sans y pénétrer, juste assez présent pour lui transmettre sa voix. « Tu parles beaucoup, descendante de Merlin… » dit-il d’une voix amusée avant de rajouter d’une voix plus froide, plus sombre, rempli du poids de tout ce qu’il avait du porter et portait encore aujourd’hui. « Je ne suis pas certain d’avoir un esprit Clairvoyant… » Il aurait pu rester silencieux tout le long, mais la jeune femme était intéressante et il avait envie d’en apprendre plus. Chez elle, il ne sentait pas la peur, plutôt de la curiosité et de l’envie d’en apprendre plus, ce qui était surprenant. « Ce n’est pas souvent qu’un humain ne parte pas en courant devant moi… » Mais peut-être n’était-elle pas vraiment humaine.

@Eloïn Sullivan

Ewan aurait peut-être dû s’en aller, ne pas rester, mais il demeurait curieux. Sa solitude lui pesait et il n’était pas contre un peu de discussions. Visiblement, cette jeune femme était dans la même situation que lui, elle se souvenait de qui elle était ou sinon elle était folle, mais il doutait que ça soit le cas. Ce qui était sur c’est que si elle descendait bien de merlin l’enchanteur, alors elle venait d’un univers de magie et mythe. Un monde bien différent de celui d’Ewan, rongeait par les vices et la corruption. La magie y était présente aussi, mais en petite dose, pas comme celle qui s’écoulait dans le corps de cette jeune femme. Il pouvait la sentir d’ici, c’était donc ça l’odeur qu’il n’avait pas réussi à identifier. C’était un mélange de vanille épicée mêlée à l’odeur de la foudre après qu’elle se soit abattue sur terre. Cela la rendait intéressante, même si Ewan demeurait comme à son habitude : sur ses gardes. Cela ne lui passerait surement jamais, mais le simple fait qu’il reste et ne disparaisse pas, était déjà un beau pas en avant. Elle avait de la chance, même si elle ne pouvait pas s’en douter.

« Ewan… » Il la corrige gentiment, sa voix se contentant de caresser son esprit, sans jamais si infiltré, il pourrait mais il préfère rester en retrait pour ne pas faire intrusion dans son esprit. Il a toujours détesté qu’on lui fasse alors pourquoi l’imposer aux autres, surtout qu’Ewan a toujours su se défendre. Son esprit tout comme son corps est taillé pour se battre, pour résister aux attaques mentales. Visiblement, elle n’y est pas entrainée, son esprit à plusieurs portes ouvertes dans lequel il pourrait s’infiltrer, mais il ne fait pas se contentant de la taquiner gentiment. « Tu n’avais pas besoin de meubler… » dit-il d’une voix amusée « Si tu savais écouter tu entendrais tout un tas de choses. » rajouta t’il tout en l’observant de son regard lupin émeraude aux éclats d’or. « Je suis un loup, je ne peux pas parler aux humains sans m’assurer qu’ils puissent accepter qu'un animal leur parle. » Il préférait faire preuve de prudence, surtout qu’Ewan adorait se promener dans ses bois, il n’avait pas envie de se faire chasser, voilà pourquoi il demeurait silencieux et surtout invisible. Même si pour ce point-là, il avait échoué.

« Tout le monde ne pense pas ainsi… » dit-il en faisant référence au danger qu’il représentait. « Tu es visiblement éveillé, tu sais que ce monde est peuplé d’êtres différents. Mais ceux qui ne sont pas éveillé, on quand même tendance à courir quand il me rencontre. » Ce qui était une réaction assez logique, voir même censé, quand on savait la facilité avec laquelle Ewan pouvait tuer un être humain. « J’ai tué et je tuerais encore… » rajouta t’il. Le constat était amer et Ewan aurait surement préféré qu’il soit différent, mais il savait qu’il n’avait pas fini de se battre. « Mais je ne tue jamais pour rien, si on peut accepter qu’il y ait de bonnes raisons pour ôter la vie à quelqu’un. » C’était une question assez philosophique, à laquelle il avait sa réponse. Il avait compris au fil des années que certaines personnes étaient incurables et qu’il fallait mieux pour le bien être du monde, débarrasser la terre de leur présence. Il ne voulait pas lui faire miroiter qu’il était un gentil toutou, comme celui qui se tenait à ses pieds. Ewan était un tueur, un soldat, et un guerrier, il n’avait connu que ça et même s’il appréciait la quiétude de ce monde, il savait que cela ne tiendrait qu’un temps. « Alors descendante de Merlin, que fais-tu ici ? Dans cette forêt ? Tu t’y promènes souvent avec ton chien ? » dit-il en posant son regard sur la boule de poils qui l’accompagnait.


@Eloïn Sullivan