Le feu purificateur du dragon ∣ Eloïn

Je dois bien reconnaître que je ne sais pas bien ce que je suis venu faire dans ce coin paumé. L'un des journalistes du Daily Planet m'a dit qu'il allait venir ici pour discuter avec un indic et qu'il avait besoin de moi. Normalement, je me contente de corriger les articles que les différentes personnes envoient en publication. Mais là, il m'a demandé si je pouvais taper l'article en suivant ses notes parce qu'il doit rester en infiltration dans le coin et qu'il n'aura pas le temps de tout écrire. En contrepartie, le rédacteur en chef m'a promis un petit bonus sur mon salaire de ce mois, et j'aurai le droit de mettre mon nom en bas de l'article.

Je ne rêve pas de devenir journaliste mais c'est pour rendre un service et quitte à le rendre, c'est aussi bien d'avoir un peu de compensation. De ce côté-là, je n'ai pas tellement d'inquiétude à me faire. Le rédacteur en chef est cool et il s'efforce d'être juste par rapport au boulot de chacun. Bref, je suis là avec le carnet de notes du collègue et il va falloir que je sorte d'ici en un seul morceau pour aller le rédiger. J'en suis là quand je vois une jeune femme qui se transforme et qui fait apparaître un énorme dragon. Alors ok, ce n'est pas le premier dragon qui arrive dans le coin, mais quand-même, c'est assez impressionnant.

« Wouah ! Dément ! »

Je n'en suis pas sûre, mais c'est le genre de choses je suis peut-être capable de faire. Je ne sais toujours pas la limite de mes pouvoirs, je sais seulement ce que Grand-Père a eu le temps de m'apprendre avant que je me retrouve ici avec une fausse identité. Je pourrais essayer de découvrir des choses, maintenant que je suis à nouveau moi-même. Mais j'ai peur de faire des bêtises. Je me demande si Grand-Père est dans ce monde et s'il va pouvoir m'aider à maîtriser mes dons. Ça serait quand même bête de l'avoir perdu après qu’il m’ait attendue autant de millénaires. Je m'intéresse à nouveau à la jeune femme et au dragon qui est apparu il y a quelques temps, sortie de la montagne.

« Le dragon de la montagne, il était à vous aussi ? »

Dire que je suis fascinée par les dragons ne serait pas vraiment une réalité. Je suis fascinée par tout ce qui touche à la magie, surtout depuis ce que j'ai appris sur moi-même. Mais je dois admettre que lorsque j'ai vu ces énormes dragons dans le ciel, j'ai été fascinée. Je ne suis pas sûre que j'aurais été fascinée tout autant si je n'avais pas été magicienne moi-même. Mais lorsqu'on se réveille dans un monde où la magie est aussi forte, sans pour autant réellement exister du point de vue de tout le monde, on ne peut que s'enthousiasmer face à tout ce qu'on y découvre.

Alors, quand j'ai vu ce dragon dans le ciel, je n'ai pas pu faire autrement que de penser que c'était la même magie qui était à l'œuvre. Mais je me suis apparemment trompée parce que cette fille n'a absolument rien à voir avec les dragons qui sont apparus, ce qui fait que je me demande encore ce que ces dragons avaient pour mission de faire, et s'ils appartiennent à quelqu'un ou s'ils sont sauvages. Un jour, je partirai en exploration pour le savoir. Mais pour le moment, je me focalise sur la jeune femme avec qui j'essaye de faire connaissance. Je regrette un peu de m'être trompée.

« Ho ! Je suis désolée pour la méprise. En tout cas, le dragon que vous avez fait apparaître était très impressionnant. C'est un sacré pouvoir de faire apparaître les dragons je trouve. »

Elle se présente sous le nom de Bloom. C’est un nom rigolo, et je n'ai pas l'intention de me moquer d'elle. c'est peut-être un nom tout à fait normal dans son monde à elle. Et puis, même si mon nom n'est pas vraiment aussi étrange, c'est différent pour certains membres de ma famille. comme Grand-Père tout simplement. On ne rencontrait pas tous les jours des personnes qui avaient le nom de Merlin. Je me demande d'où vient ce nom de Bloom. Il a peut-être un sens particulier dans le monde d'où elle vient.

« Moi c'est Eloïn. J’ai aussi quelques pouvoirs magiques, mais je ne maîtrise pas encore très bien. »

Être une entité magique a quelque chose de spécial, je suis bien placée pour le savoir. Mais moi, j'ai toujours cru que j'étais ordinaire jusqu'à ce que mon grand-père s'arrange pour qu'on vienne me chercher. Elle, elle a toujours dû savoir qu'elle était extraordinaire et elle a vécu comme ça. Je me demande si c'est plus facile quand on sait les choses depuis la naissance. Peut-être qu'on le travaille davantage, peut-être que ça apporte des compétences supplémentaires, je n'en sais rien. Mais ce dont je suis certaine, c'est que la plupart des entités magiques que je croise n'ont jamais eu l'occasion de vivre une vie ordinaire comme je l'ai fait.

« Je suis magique, moi aussi. Mais c'est un peu plus compliqué que vous. Je suis une descendante d'un grand magicien, mais personne de ma lignée ne le savait et je l'ai découvert à l'âge adulte quand il a eu besoin de moi. Oui, mon aïeul vit encore plusieurs millénaires après. Ce n'est pas mal non plus. Enfin, il vivait quand j'étais dans mon monde mais ici, je ne suis pas sûre. »

Je ne l'ai pas retrouvé. À ma connaissance, cela ne fait que quelques mois que tout s'est produit. Mais en réalité, tout ce que je peux dire, c'est que ça ne fait pas longtemps que j'ai repris conscience des choses et je ne sais pas combien de temps il s'est réellement passé pendant la période où je n'avais conscience de rien. Il n'a pas dû se passer plusieurs décennies quand-même, il ne me semble pas, mais il s'est forcément passé un certain temps. Je m'en rends bien compte, et je me demande si mon grand-père a eu la chance que moi j'ai eue.

« Et vous ? Avez-vous des proches ? Des amis arrivé ici ? Je sais que cela peut être parfois difficile de se retrouver seul. »

J'ai l'impression d'être seule et en même temps de ne pas l'être. J’ai tellement de personnes avec qui je me sens proche sur cette île que même si je n'ai pas vraiment l'impression que d'autres personnes que je connais sont ici, je ne me sens pas complètement isolée non plus. Mais il reste que j'espère qu'une grande partie des gens que j'aime n'est pas totalement morte. Ce serait douloureux de n'avoir personne, et de se dire que tout ce que l'on a aimé n'existe plus. C'est quelque chose de difficile pour moi. Je continue donc d'espérer parce que je pense que c'est ce qu'il reste de mieux à faire.