Is that a freaking dragon ?! | Roni & Klaus

D'un point de vue extérieur, la vie de Klaus n'avait rien de spécial. C'était un homme extremement banal, et même lui se considérait comme tel, un homme qui n'avait pas grand chose avec un emploi tout bête mais qui payait suffisament. Rien dans son parcours, si on traçait sa biographie, ne faisait dire "ouah, ce que t'as vécu mec !". Il ne s'en plaignait pas, bien sur. Au contraire : cette vie banale l'avait mis sur la route de l'amour de sa vie, lui qui ne croyait pourtant pas en de telles choses avant ça. Henry était ce qu'il y avait de plus excitant, magique et spécial dans son existence et il avait tout le bonheur du monde à s'en contenter.

Donc voir un dragon naitre de la montagne avait eu de quoi chambouler légèrement un quotidien.

A sa pause, il quitta la patinoire où il travaillait pour se diriger vers le quartier des loisirs du centre-ville, et plongea sans hésiter dans la rue des restaurants où se trouvait le Roni's Bar. Klaus n'y venait peut être pas tous les jours, mais le chocolat chaud de Roni était une parfaite raison pour y venir de temps en temps. C'était Henry le véritable fan de chocolat de leur couple, mais un Klaus amoureux n'avait pas eu de mal ni trop de temps à se convertir à son tour, et c'est désormais lui qui se rendait dans de tels enseignes comme le Roni's pour venir prendre deux grands verres de chocolat chaud à emporter pour lui et son copain.

Merci Roni, bonne journée à toi, lui souhaita-t-il en prenant les deux verres avant de faire demi-tour pour quitter l'enseigne.

La terre se mit à trembler alors qu'il se trouvait à la porte ouverte. Au loin, ils eurent tous l'horreur de voir le sommet de la plus haute montagne exploser soudainement sans aucune raison apparante. Klaus en fit tomber les verres sous le déséquilibre, et probablement la peur en pensant d'abord à un scenario similaire à celui de Pompei et Vésuve.

Mais ce qu'il vit dépassa toutes les idées folles et inquiétantes que quiconque aurait pu imaginer. Ce n'était pas une éruption qui venait d'agiter la montagne, mais une créature fantastique, un dragon (de ceux que les cultures asiatiques dessinaient, longs et fins) blanc et rouge, venait de sortir de la montagne pour s'élancer dans les airs.

Est-ce que je suis en train de faire un coma ? Demanda-t-il paniqué à une Roni qui ne semblait pas plus sereine que lui.

La journée avait été dès plus banale. Une journée aussi ordinaire que n'importe qu'elle autre. Aussi solitaire de n'importe quelle autre. Pourtant, au fond de moi, je conservais cette infime espoir qu'un beau jour, quelque chose changerait. Une rencontre, quelque chose qui me permettrait de comprendre l'incompréhensible, de donner un sens à mes cauchemars enfouis. A cette heure de la journée, c'était assez tranquille. Le rush était passé et les étudiants étaient repartis en cours tandis que la clientèle se faisait discrète.

Préparant la commande de Klaus, je lui souris en lui déposant devant lui avant de l'encaisser.

"Je t'en prie Klaus, à la prochaine." répondis-je avec un sourire avant de ranger la vaisselle qui sortait du lave-vaisselle encore chaud.

La terre se met soudainement à trembler. Je comprends rapidement que quelque chose cloche. Quittant l'arrière du bar, je me dirige vers l'entrée alors que les clients commencent aussi à paniquer. Un tremblement de terre ? Ce serait bien la dernière chose dont on a besoin. Le sommet de la plus haute montagne de l'île explosa, ce qui me fit faire un pas en arrière, lâchant le verre que j'avais en main qui se fracassa sur le sol.

Mais je m'attendais à tout sauf à voir un dragon apparaître de la montagne. Un dragon digne de ceux qui viennent d'Asie. Regardant la scène, la bouche légèrement ouverte, silencieuse, je tente de calmer ma respiration alors que dans ma tête, des échos se font entendre. Des bribes de cauchemars piégés qui reviennent mais que je chasse rapidement alors que mon attention revient rapidement sur Klaus.

"Dans ce cas là, on est deux alors. Un dragon...Un dragon." balbutiais-je alors.

L'attitude de Roni le rassura presque : elle était aussi choquée que lui, ce qui le rassura quant à sa propre santé mentale. Mais autour de lui, l'inquiétude n'avait pas l'air d'avoir la même nature auprès de nombreux autres clients du café, ou passants dans la rue : inquiets, oui, mais pas complètement choqué de l'existence d'une créature pareille. Comme si les dragons existaient, qu'ils n'avaient juste rien à faire ici.

Mais... mais... ça n'existe pas du tout, normalement, ça..., marmonna Klaus qui avait du mal à trouver ses mots.

Il eut un mouvement de recul, comme la plupart des gens, alors que le dragon en question semblait se dirigeait vers la ville. Il n'allait pas dans leur direction, visant davantage le centre, mais ça n'enlevait rien à l'inquiétant déplacement qu'il faisait.

Bon sang... Henry, souffla-t-il en pensant à son petit copain qui avait certainement du assister au spectacle aussi, inquiet à l'idée qu'il soit dans la trajectoire de la créature.

L'animal fusa vers la ville comme ses mouvements l'avaient laissé penser. De leur position, ils le perdirent de vue derrière les batiments. La panique de Klaus et certainement celle de Roni n'était pas redescendue, mais le pire était les réactions des autres autour d'eux.

- Où il est passé ?
- Je pensais qu'il n'y avait aucune créature magique à Baiame !
- Est-ce qu'on est en danger ?

Dans l'affollement de Klaus, celui-ci avait envie de les secouer. Pourquoi PERSONNE ne se surprenait de l'existence d'un dragon ?! Bon sang, il se passe quoi aujourd'hui ?

Je me pince les lèvres en essayant de calmer mes ressentis. Un dragon. Un vrai dragon venait d’émerger de dieu seul sait où. Et aussi étonnant soit-il, ça avait réveillé quelque chose en moi. C’était un vrai dragon. Comme si…comme si ça me semblait pas si surprenant que ça. Je pose mon regard sur Klaus.

« J’ai entendu dire depuis quelque temps que des choses bizarres se passent en ville. Il faut croire que ça doit en faire partie ça. » avouais-je alors.

Voilà que le dragon semble se diriger vers nous. Je recule, tout comme la plupart des gens avant d’entendre le souffle de Klaus. Le prénom Henry réveilla quelque chose en moi, comme un souvenir. Un enfant…une adoption. Ce fut bref, léger mais il y avait quelque chose. Quelque chose au fond de moi qui venait de se réveiller. Voilà que le dragon venait de disparaître. J’essayais de calmer la panique mais c’était plus compliqué que prévu.

J’attrape Klaus par le poignet avant de le diriger avec moi à l’intérieur du Roni’s.

« J’en sais rien Klaus mais c’est bizarre. Tout se qui se passe est vraiment étrange. Et le pire dans tout ça c’est que… »

Pouvais-je lui expliquer ce que j’avais ressenti…

« Non je…enfin je veux dire, un dragon…il doit y avoir une explication là-dessous. » annonçais-je alors.

Et puis le temps s'écoula, les premiers jours de paniques furent calmés par les autorités et la municipalité. Les médias partageaient les avancées des experts en zoologie qui étudiaient l'animal : ce n'était évidemment pas une créature issue de folklore oriental ou de quelconque mythologie ou magie, c'était un curieux animal égaré et certainement endémique de l'île, mais l'identification et l'analyse de l'espèce était compliquée pour des raisons de sécurité, justement, de l'animal et des chercheurs. Hors de question de faire souffrir la bête en s'approchant de façon innappropriée ou de mettre en danger une équipe en prenant ces risques.

Mais la vie reprit son court. Bien sûr, toute l'île était aux aguets des résultats du centre zoologique, attendant de voir dans le JT de Baiame chaque semaine davantage d'explications, mais c'était devenue, au fil des semaines, une simple curiosité plutôt qu'une réelle urgence. En attendant, la poésie était de mise quand le danger était écarté : on ne voyait plus que, de temps à autre, le trait de cet animal inconnu virevolter dans le ciel comme le ruban d'une gymnaste, inspirant les histoires et les artistes.

Klaus, comme la plupart des gens, s'était donc remis de cette panique, même s'il ne cessait de se demander pourquoi certaines personnes n'avaient pas l'air aussi choquée au moment de l'apparition de ce qui avait l'air, sur le coup, de quelque chose de véritablement surnaturel. Il y repensait avec une certaine curiosité étrange mais ne s'y attardait pas davantage, il psychotait surement. Chacun réagissait à sa manière, il avait paniqué pour rien de toutes façons : le "dragon" était innocent et Henry, pour lequel il s'était le plus inquiété, allait très bien, loin de toute l'action ce jour là.

Des mois étaient passés, donc, et il n'en avait plus reparlé à Roni. Du début du printemps nous étions arrivés au milieu de l'été, en plein mois d'aout, lorsque cette histoire le frappa à nouveau mais de la plus choquante des façons. Bien sûr, il s'était rapidement dit ces dernières semaines que Roni avait l'air différente mais ce jour là... Klaus ne s'en remit pas à quel point.

Etait-ce une boule de feu qu'il avait vu dans sa main pour allumer la cheminée du bar ? Tout revint à Klaus. Le dragon, l'absence de surprise de la part de certains habitants, la magie qu'ils avaient cru réelle l'espace d'un instant même si ça semblait absurde...

Roni avait certainement cru être seule à cet instant, mais elle avait bien fait quelque chose d'inexpliquée. C'est quand Klaus en lâcha son verre à terre, résonnant dans sa chute dans le bar vide, que sa présence était trahie, puisqu'il n'était pas encore partie.

Bon sang Roni est-ce que tu es un dragon miniature ? Begaya-t-il, ne sachant plus dans quel sens il fallait réfléchir.