Ça te dit de découvrir l'Amérique ? | Martha & Kronos

Miss Minute ! S'exclama un Kronos frustré alors qu'il venait à peine de passer le portail qui le menait au TVA. Il rangea son pad temporel à sa ceinture et s'avança d'un pas agacé vers la cantine.

La petite horloge anthropomorphique animée apparut devant lui, et fit mine de marcher avec lui même si elle flottait dans les airs. Kronos, que vérifiais-tu cette fois ?

L'ISS de cet univers, balaya-t-il rapidement la question. Et non, même depuis l'espace cette île n'existe pas. Baiame n'est pas censée être ici.

Comme tous les habitants qui sont piégés là-bas, annonça-t-elle sur le ton de l'évidence. Puis elle eut un air soudainement choqué. L'ISS... La station spatiale internationale ? Tu es allé dans leur station ?! Tu sais toute la panique que tu peux soulever si les habitants de ce monde trouvent un intru dans leur station dans l'ESPACE ?

Personne ne m'a vu, soupira Kronos, lassé des inquiétudes de l'horloge du TVA. Il ne laissa pas à Miss Minute l'occasion de riposter, à son grand desespoir. Je ne trouverai pas de réponse chez les pathétiques humains de ce monde, et comme le reste de leur triste univers est vide, je les trouverai dans le temps. Je dois retrouver quels étaient les points de séparation avant que tout ne disparaisse.

Ils arrivèrent dans la cantine aux allures des années 50 américaines, et prit dans un tiroir à dessert vert un cheesecake de la même couleur, qu'il emporta jusqu'à une table dans le même style de diner où il s'installa. Miss Minute réapparut à côté de son assiette.

Le Multivers a disparu, tu ne trouveras plus aucun point de séparation dans l'histoire ! Tout ce que tu vas faire c'est t'attirer d'autres ennuis ! S'exclama-t-elle en croisant les bras.

Ecoute, si le Multivers existe à cause de chaque possibilités qui créent deux versions de l'histoire, il est impossible que cette Terre ne connaissent AUCUNE autre possibilité d'existence. Je suis sûr que je peux redémarrer le Multivers si je trouve un choix différent à encourager, appuya Kronos avant de prendre une bouchée.

Ce qu'il voulait dire, c'était qu'à chaque fois qu'on faisait un choix, il existait une autre réalité où on a fait l'autre choix. C'est ça, un point de séparation : quand deux univers naissent des deux possibilités d'un évènement. C'est pourquoi le Multivers était infini avant qu'il ne s'effondre, puisque chaque possibilités en entrainent d'autres, encore et encore...

Kronos donc avait une théorie depuis que le Multivers n'existait plus. Le simple fait que la Terre 1218 existe encore devrait pouvoir provoquer des points de séparation et le redémarrage du multivers, mais pour une raison inconnue ça n'arrivait pas. Alors il voulait trouver lui même les possibiles points de séparation et les encourager directement. Sauf que pour les trouver, puisque les programmes du TVA ne les trouvaient pas, il fallait le faire à l'ancienne : en cherchant soi même dans l'immensité du temps.

Miss Minute détestait ce plan, parce que le travail du TVA était aussi de protéger l'intégrité d'un univers : le plan de Kronos avait pour risque de changer le cours des choses sans que ça ne soit un point de séparation, et se retrouver avec un temps complètement détraqué. Hors il était interdit pour un agent du TVA de changer le cours des choses.

Tout ce que tu vas réussir à faire, c'est faire gagner les allemands à la fin de la guerre et créer une île Baiame dirigée par le Quatrième Reich ! Gronda Miss Minute.

Kronos leva les yeux au ciel. Tu es tellement dramatique. Et puis j'ai déjà évidemment essayé, la fin de la guerre n'est pas un point de séparation, cette Terre a définitivement gagné la seconde guerre, sans aucune possibilité contraire.

TU AS DEJA ESSAYE DE FAIRE GAGNER LES ALLEMANDS ICI ? S'offusqua-t-elle.

Tu n'écoute pas l'essentiel, je te dis qu'ils avaient aucune chance. Je m'y connais là dessus. Dans mon futur j'aurais du manger mes enfants pour survivre et échouer lamentablement.

Kronos, soupira-t-elle, tu es juste frustré parce qu'il n'y a aucun dieu dans cette réalité qui peut répondre à tes questions.

Kronos agita sa fourchette en levant les sourcils. Il fallait que la seule réalité qui survive ça soit un de ces nombreux univers qui sont nés du "Big Bang", dit-il avec une mimique ridicule en prononçant ces deux mots. Y a rien de Big dans ce Bang. Ca n'a rien d'aussi incroyable que l'effort incommensurable qu'a fait la conscience de Chaos pour donner naissance à l'existence, c'est juste des petits atomes qui se sont cognés pour devenir plus grand. Et à cause de ça, quand leur univers s'effondre, aucune conscience divine qui régit les règles du monde ne peut répondre ou aider. Estime toi heureuse que j'ai de la considération pour cet univers et essayer de sauver ce qu'il reste du Multivers avec tout le dégout que j'ai pour son histoire.

Miss Minute mit les mains sur ce qui lui servait certainement de hanche. Justement, elle vient d'où cette considération ? T'es drôlement motivé à résoudre ce problème, Kronos.

Pour toujours, à jamais, c'est le serment qu'on a fait en travaillant pour le TVA, non ? Se défendit Kronos.

Y a plus que ça, je pense surtout que pour la première fois, tu es encore moins puissant que lorsque tu étais un titan. Tu n'as plus qu'une seule réalité dans laquelle voyager, et tu as moins de pouvoirs.

Kronos haussa les épaules. Quelque soit mes raisons, soit contente que l'intention soit bonne, non ? Et tu me vexe, tu connais le nombre de Thanos et autres Palpatine que j'ai arrêté parce qu'ils voulaient anéantir d'autres univers que les leurs ? J'en ai sauvé des trilliards, de vies, ma poulette.

Et au fond, même s'il ne le verbalisait jamais, même si le pouvoir multiversel du TVA était vraiment grisant pour Kronos, il était devenu sincèrement investi de la mission du tribunal. Il se sentait bien meilleur homme en tant qu'agent qu'en tant que divinité déchue condamnée à absolument rien, à l'éternité.

Miss Minute soupira, semblant abandonner. Je veux juste que tu ne perde pas le sens des priorités et de la prudence à cause de ta précipitation.

Kronos se leva, alors qu'il avait fini son cheesecake, avant de faire un clin d'oeil à la petite horloge. Tu me connais. Les allemands ne regneront pas sur cette réalité, je te le promets.

Miss Minute lui accorda un dernier regard peu rassuré mais malgré tout confiance avant de se volatiliser dans une pirouette fugace. Il ouvrit alors un portail pour trouver une partenaire qui ne douterait certainement pas autant que le petit hologramme orange. Bonjour Martha ! Est-ce que ça te dit de découvrir l'Amérique ? Introduit-il sa nouvelle idée.

Je pense qu'on peut y trouver un point de séparation probable. Si les espagnols se trompaient, où s'ils arrivaient au mauvais endroit, où s'ils étaient retardés... peut être qu'on peut provoquer une séparation avec un univers moins américain sans changer le cours des choses.

C'est avec cette nouvelle idée farfelue que l'ex titan qui n'avait pas froid aux yeux s'embarqua aux côtés d'une collègue avec qui il avait déjà travaillé sur le navire espagnol de Christophe Colomb.

Kronos plissa les yeux, un sourire malicieux étirant ses lèvres alors qu'il observait Martha. Il pouvait sentir l'hésitation dans ses paroles, mais cela n'avait pas d'importance. Elle allait le suivre, elle n'avait pas vraiment le choix. Il adorait quand ses petites idées farfelues trouvaient écho, même si c'était dans le scepticisme d'une compagne de voyage.

Bien sur que "le simple fait que celui-ci existe est suffisant pour en générer des nouveaux", répondit-il en citant directement sa question. Sauf que ça ne le fait pas, pour une raison inconnue. C'est comme une vieille machine rouillée qui refuse de démarrer. Tout ce que nous avons à faire, c'est de trouver le bon coup de clé pour la remettre en marche.

Kronos était habitué à ce que ses réflexions laissent sceptique mais il était certain de tenir quelque chose, et si ce n'était pas la bonne réponse c'était au moins une piste de reflexion intéressante a minima, et il devait en convaincre son entourage de travail. Le passé, le présent, le futur, tout est une toile tissée. Chaque événement est un fil d'une toile qui ne se tisse plus, donc nous devons réarranger quelques-uns de ces fils. Un ajustement ici, une poussée là-bas, et bientôt nous verrons la mosaïque du multivers se reconstituer.

Kronos ouvrit donc un portail et s'y engouffra sans attendre de réponse, n'ayant pas de doute quant au fait que Martha viendrait aussi. Lorsqu'ils émergèrent de l'autre côté, l'atmosphère avait changé. Ils étaient sur le pont d'un navire, une mer indigo s'étendant à perte de vue.

Ils étaient en 1492, à un moment critique de l'histoire. Colomb entreprennait un voyage qui changera le monde. Ca, ils le savaient, et il n'était pas utile de le répéter à nouveau. Mais, tout en se faisant discret, étant arrivés tout au fond du bateau, Kronos commença déjà à réfléchir. Qui sait, peut-être que nous pouvons apporter une petite modification, stimuler une nouvelle réalité.

Ils observèrent le tumulte sur le navire, l'équipage s'affairant, Colomb discutant avec ses officiers. Kronos, cependant, cherchait quelque chose de différent, quelque chose qui pourrait dévier légèrement de l'histoire connue. On cherche un choix, expliqua Kronos toujours tout bas. Une décision qui pourrait diverger l'histoire. Il pourrait s'agir d'une simple variante dans la route prise par le navire ou une interaction inattendue avec les autochtones.

Ainsi, tout en se faisant tous petits et très discrets, il se mit à déambuler sur le pont, Martha à ses côtés, alors qu'ils observaient attentivement chaque détail. Soudain, Kronos s'arrêta, son regard fixé sur quelque chose à l'horizon.

Vois-tu cette formation nuageuse là-bas ? demanda-t-il en pointant du doigt. Elle ne représente rien de spécial pour l'Histoire telle que nous la connaissons, l'équipage la contourne, mais qui sait ce qui pourrait se passer si nous nous rapprochions finalement un peu plus. Il sourit, puis s'avança vers l'équipage du navire.

Il approcha de l'équipage, se fondant dans le décor pour parvenir à déplacer subtilement une personne ici, suggérant une légère modification à un ordre là-bas. Rien de majeur, mais suffisant pour semer une graine de divergence.

Il revint alors vers Martha après quelques déplacements. Et maintenant, nous attendons. L'histoire va réagir à nos petites interférences, et qui sait ce qui pourrait en découler.

Kronos regarda le navire, l'océan et les nuages avec fascination, se demandant quels rouages du temps venaient d'être légèrement décalés. Il retint de crier victoire alors qu'il sentait la proue du navire virer un peu plus près de là où se trouvait la tempête. Ca a marché ! On a créé un nouvel itinéraire, vérifie le Multivers !

Ils sortirent leurs pads pour vérifier le schéma du Multivers, mais celui-ci n'affichait toujours que tristement une ligne, la 1218ème observée, dernière survivante qui refusait de s'ouvrir à des alternatives. Quoi ? Comment ça se fait, il peut y a avoir une dizaine de conséquences à un changement de cap de quelques degrés ! Ragea Kronos.

Mais en regardant dans le détail, ils virent qu'après avoir changé du cap prévu dans l'Histoire originale, le navire était revenu, par hasard, sur celui-ci pour reprendre la bonne route. C'est pas vrai, cette réalité est tellement fermée aux possibilités qu'elle réajuste toutes les modifications ! S'énerva-t-il sur son pad, sans voir l'homme de ménage qui nettoyait le pont.

Il l'esquiva à temps, mais le pauvre homme qui avait les yeux rivés vers le sol percuta Martha, ce qui fut assez pour enfin être remarqué par le reste du navire. Ils se retrouvèrent tous deux subitement au centre de l'agitation. L'équipage du navire, désorienté, les regardait avec méfiance. Kronos réalisa qu'ils étaient piégés : les agents avaient interdit d'user de tout ce qui sortait de l'ordinaire pour une réalité, et des portails spatio-temporels controlés par un petit écran de poche sortait définitivement de l'ordinaire. Alors maintenant qu'ils étaient remarqués par tout l'équipe, Kronos et Martha ne devrait pas dévoiler leur clé de voyage, et parvenir à se dépétrer de cette situation par eux-même.

Le défi n'était plus de manipuler l'histoire, mais de vivre avec ses conséquences. Kronos, déconcerté, jeta un regard à Martha, réalisant qu'ils venaient de s'attirer des ennuis bien plus grands que ce qu'il avait prévu.