Heureuse rencontre ou rencontre malheureuse? [Entreri&Maia]

La vie n'a jamais été une aventure des plus simples pour moi. Du jour de ma naissance, dans ce quartier miséreux de Memnon que je suis plus que ravi d'avoir quitté aujourd'hui, à cet étrange univers où je me retrouve aujourd'hui, avec des souvenirs qui me semblent tout à la fois totalement irréels et si présents. Je sais parfaitement que ma vie ici n'est que mensonges, un rêve éveillé, une illusion sortie de je ne sais où, et pourtant, j'ai l'impression que je me suis réellement pris la tête avec Luke trois fois par semaine au cours des dix dernières années, que j'ai réellement vécu dans cette communauté soudée qu'est un orphelinat (au moins jusqu'à ce que votre âge vous rende indésirable aux yeux des tuteurs), et que j'ai réellement éprouvé des sentiments pour la femme que je vois arriver en face de moi, trop proche pour que je puisse prétendre changer de trottoir sans l'avoir vue.

Je crains qu'elle puisse bientôt se vanter d'avoir trouvé Artémis Entreri suffisamment égaré avec lui-même pour que cela puisse, probablement, constituer une faiblesse qu'il juge pourtant pour le moins détestable. Parce que le fiasco de ma relation avec Calihye est encore bien présent dans ma mémoire, trop frais, datant de quelques semaines seulement pour la part principale de ce que je suis. Mais cette part de moi qui semble venir d'un rêve se souvient de la confiance absolue et des sentiments qu'il éprouve pour elle, Maia, alors même que cette relation me semble des plus distordues. L'orphelin et la mère adoptive de la moitié des orphelins de l'ile, si ça c'est sain, moi, je recommande chaudement Menzoberranzan comme destination de vacances...

"Maia. Content de te voir."

Peut-être que je n'y met pas autant d'enthousiasme que je devrais le faire, malgré le fait que je laisse volontiers quelques souvenirs remonter à la surface, ternis cependant par les souvenirs plus présents encore de la trahison de Calihye, à laquelle j'ai accordé bien trop de confiance, et face à qui j'ai bien trop relâché ma garde. De quoi me faire reculer par réflexe quand sa main vient gagner ma joue, ma discipline ayant pris du plomb dans l'aile avec tout ce méli-mélo de sentiments opposés dans mon esprit.

Je suis tiraillé, pris entre tant de feux que je ne parviens pas à les compter, une situation que je déteste au plus haut point. D'une part, l'existence que j'ai mené toute ma vie durant m'a enseigné que faire confiance à un autre que soi, ou attacher de l'importance à un autre que soi, est le premier pas que l'on fait vers la tombe. Et la seule et unique femme à laquelle j'ai accordé davantage d'importance qu'une simple histoire de sexe m'a donné raison en la matière, en tentant de me poignarder encore et encore avec tant de rage et de désespoir dans le regard que j'aurai probablement donné cher pour qu'elle ne parvienne à ses fins. Sans doute aussi parce que cette part imbécile de moi qui s'est permise de lui accorder sa pleine confiance aurait préféré mourir ce jour là plutôt que devoir vivre avec ce souvenir.
D'un autre coté, cette femme face à moi, Maia, rappelle d'autres souvenirs qui ne m'appartiennent pas, ou peut-être que si, si j'en crois la reconnaissance que je ressens à entendre ce nom avec lequel elle m'appelle. Oscar... Bien sur que je me rappelle de ce qu'ils... de ce que nous avons partagé, l'attirance, les sentiments peut-être, et pourtant cela me semble un rêve lointain, flou comme au sortir du sommeil.
Ce qui s'est passé avec Calihye me semble être hier. Avec Maia, le siècle dernier. Et pourtant, quelque part, elle touche une corde sensible de mon être. Celle, tant réveillée par la flute d'Idalia (ai-je encore le droit de maudire Jarlaxle pour ce cadeau empoisonné?) que présente dans cette autre vie dont je me rappelle sans avoir l'impression de l'avoir moi-même vécue.

Baissant le regard, incertain de savoir où je souhaite le poser réellement, je glisse ma main sur la sienne, laissant mes doigts caresser sa paume, avant de me saisir de son poignet, plus délicatement que je ne m'en serai cru capable. Les gestes d'affection n'ont jamais été mon fort, je ne m'en cacherai pas.

"Je crois... que je vois clair pour la première fois depuis bien longtemps."

Ma main lâche son poignet pour remonter le long de son bras, s'arrêtant à son coude alors que je relève le regard pour croiser le sien, heureusement si différent de celui de Calihye. Un regard sombre, franc, et si passionné à la fois. Cet autre moi y voyait un air maternel parfois, mais me concernant, je ne recherche pas d'autre mère que celle qui fut la mienne, une mère sur laquelle j'ai tiré un trait depuis le jour où elle me vendit à un marchand de Portcalim de passage à Memnon, jusqu'à ce que je découvre la vérité sur les raisons de son geste. J'ai fait la paix avec elle depuis, peut-être bien la seule chose positive que j'ai retiré de ma collaboration avec le drow et ses acolytes. Avoir eu le plaisir d'assassiner mon salopard d'oncle, également, libérant sans nul doute possible le monde d'une pourriture sans nom. Bref, j'ai réglé mes histoires de famille avant de laisser Memnon derrière moi pour de bon.

"Je crois que j'ai envie d'en parler, oui. Mais je crains que tu ne me prennes pour un fou. Et peut-être que je crains de l'être."

Maia, toujours si plaine de bonté pour tous ceux qui semblent en avoir besoin. Même la méfiance naturelle d'Artémis Entreri ne parvient pas à se dire que tout ceci n'est qu'un piège, une douce comédie ayant pour but de profiter des failles que je laisserais apparaitre dans mon armure.

"Si tu savais la moitié de la vérité à mon sujet..."

Ses paroles me donnent à penser que ce "réveil", si je peux appeler cela ainsi, elle l'a déjà vu chez d'autres personnes. Vécu elle-même? Ce n'est pas l'impression qu'elle donne. Ou elle est meilleure comédienne que je ne le serai jamais pour le cacher.

"Rares sont les personnes que je laisse m'approcher. Et pourtant, je crains de te perdre si je me montre honnête avec toi. Autant que si je prétends que rien n'a changé, parce que tu es bien trop perspicace pour ne pas remarquer le changement."

Et parce que je n'en ai pas envie. D'essayer de la flouer. C'est surement encore un peu trop le bazar dans ma tête pour que je sois certain de ce que je pense, mais quelque part, elle me fait penser à Dwahvel. Ma bonne amie Dwahvel. Qui savait exactement jusqu'à quel point elle pouvait se permettre de me tancer sans risquer de tester la pointe de ma dague. A ceci près que la relation que j'entretenais avec la halfeline était purement platonique, pour ne pas dire que nous étions sans doute davantage associés que amis, au moins aux yeux du monde extérieur.

"Va pour un chocolat chaud. Et une discussion. Même si ce devait être la dernière."