Girls just wanna have fun ◈ Anna

Le concept de “soirée pyjama” avait toujours été un peu nébuleux pour moi. Contrairement à Bloom, mes colocataires d’Alféa et moi n’étions pas vraiment un groupe soudée, nous étions des camarades et des colocataires, sans plus. Mes amies étaient dans des dortoirs différents, alors nous ne pouvions pas vraiment nous rassembler ensemble et parler de tout et de rien en mangeant une certaine quantité de nourriture qui était tout sauf à classer dans la catégorie “saine”. Ma première expérience du genre avait été peu de temps après mon retour à Domino, ma sœur avait insisté pour que nous fassions une soirée entre nous et j’avais accepté. Bloom s’était fait un devoir de m’initier à tout ce que j’avais pu râté, le fait qu’elle ait été élevée sur terre, faisait qu’elle connaissait un certain nombre de choses qui pouvaient sembler totalement abstraites pour toute personne ayant toujours vécu dans la dimension magique. Je m’y était pliée de bonne grâce, sachant que tout ceci partait d’un bon sentiment, et qu’après avoir passé autant de temps à chercher ses racines, maintenant que nous étions tous réunis, elle souhaitait avant tout passer du temps entre soeur et rattraper le temps perdu. Ce temps perdu, avait d’ailleurs drastiquement réduit notre différence d’âge, je ne dit pas que sans les évènements tragiques ayant conduit à la perte de Domino et notre séparation nous n’aurions pas passé de temps ensemble mais les choses auraient été différentes.

Il est vrai qu'à choisir, j’aurais préféré la voire grandir ici à Domino, en compagnie de nos parents et qu’elle n’ait jamais à porter le fardeau qu’était la flamme du dragon. J’étais cependant reconnaissante à Mike et Vanessa, ses parents adoptifs, pour avoir pris soin d’elle durant toutes ces années. J’avais pu les rencontrer peu de temps après être revenue, ma cadette ayant absolument voulue que je vois Gardenia et là où elle avait grandi. J’en avais profité pour voir ses parents et leurs exprimer ma gratitude, quand j’avais ouvert un portail vers la Terre, j’avais espéré qu’elle tombe sur des gens comme eux.

Mais si je n’étais pas experte en “soirée pyjama”, je me devais tout de même en préparer une et bien vite, j’avais dût me rendre à l’évidence : je ne savais pas comment m’y prendre, c’est donc avec un soupire résigné que je m’étais orienté vers l’outil qui dépanait dans ce genre de cas : internet. Bloom aurait sans doute trouvé la situation drôle, elle ne se serait pas moquée mais m’aurait au contraire donné un coup de main, et il en serait de même pour Musa ou Flora. Cependant, je ne voulais pas les déranger, surtout que je trouvais cette situation parfaitement risible. Daphné, nymphe suprême de Magix et princesse héritière de Domino, celle qui avait volontairement donné son pouvoir à sa jeune soeur pour qu’elle soit sauve et s’était sacrifié en affrontant les trois sorcières ancestrales mise en échec par l’organisation d’une soirée pyjama. Si j’avais été quelqu’un d’autres, je me serais moquée de moi.

Mais j’avais sentie qu’Anna avait besoin de parler quand je l’avais eu au téléphone l’autre jour, et quand je lui avait proposé de passer chez moi pour qu’on se voit et peut-être lui remonter le morale au besoin, j’avais bêtement proposé ce que ma soeur faisait dans ce genre de cas. Même si en regardant sur internet, et en me notant les étapes que j’estimais être importante pour le déroulement de cette soirée, je me rends compte que je m’étais un peu faite une montagne de pas grand chose. Probablement le stresse, j’avais enchaînée pas mal d’heure dernièrement, qu’il s’agisse de recherche pour ma thèse ou bien de cours à dispenser, Valtor -qui ne s’était pour l’instant toujours pas réveillé- avait manifestement, préféré se concentrer sur les étudiants de master et doctorat uniquement, et c’était moi qui récupérait les licences, je supposais que pour l’année prochaine, ce serait comme cela de manière générale. Pas que je sois contre, j’aimais beaucoup enseigner, mais en tant qu’assistant professeur j’allais également devoir me rendre aux portes ouvertes organisées par l’université. Certains lycéens s’y rendaient dès la fin de leur année de seconde afin de mettre toutes les chances de leurs côtés d’être acceptés dans le cursus voulu, une fois leur diplôme en place. Tout ceci, ajoutait du stresse supplémentaire et ce qui devait être juste un moment entre amies, s’était transformée en opération commando dans mon esprit.

Mais maintenant, que j’avais terminé de me renseigner, et que je regardais les courses faites pour l’occasion, je me dit qu’au final je ne m’en sortirais pas trop mal, et puis l’important c’était de passer du temps avec Anna, le reste était un peu superflu, le mieux était encore de ne pas trop y réfléchir et de simplement rendre le studio agréable. Je n’y resterais plus très longtemps, et admettait qu’en dépit de sa taille et de son isolation au bruit plutôt précaire il allait me manquer. Et au bout d’une bonne heure, j’avais réussi à le redécorer temporairement. J’étais pile dans les temps, Anna ne devrait plus tarder à présent et d’ailleurs a peine cette pensée prononcé que la sonnette retentit, me dépêchant d’aller ouvrir je découvris mon invitée sur le pas de la porte :

- Est-ce que par hasard tu aurais le don de lire dans les pensées ? Plaisantais-je, je pensais justement à toi et voilà que tu apparais, admet que c’est plutôt une drôle de coïncidence.

Je l’invitais à rentrer, sans me départir de mon sourire et de mon air taquin.

Coleur dialogue:

Avec le temps, on finit par se faire à certaines choses, comme par exemple de partager exactement le même physique qu’une personne qu’on ne connaissait pas de base. Au début, voir Anna me faisait étrange, c’était comme se voir dans un miroir mais avec les cheveux roux, cependant avec le temps j’avais aussi appris à déceler certaines mimiques qui n'appartiennent qu'à elle, sans parler de nos caractères qui demeuraient différents. Passés la gêne des premiers instants, nous avions échangé sur pas mal de sujets et nous étions trouvé des points communs. A l’époque nous étions toutes les deux sous l’emprise de la malédiction, et à présent ce n’était plus le cas même si c’était encore récent. Ayant été occupée à chercher les personnes de mon monde, j’avais l’impression d’avoir négligé notre amitié ces derniers temps et c’était également une manière de m’excuser et de me racheter. Cette soirée était faite pour passer du temps entre amies, surtout que j’avais pas mal de choses à lui dire. Anna me connaissait en tant que Daphné, doctorante en histoire antique et assistant professeur dans la même matière, mais pas en tant que Nymphe de sirenix, ancienne fée de la flamme du dragon et princesse héritière d’une planète nommée Domino dans un monde qui répondait au nom de dimension magique. Et pour beaucoup de monde, cela faisait beaucoup à encaisser, aussi mieux valait y aller petit morceau par petit morceau, et puis me confier avait également un autre but, celui de l'amener à faire de même sur ce qui la tracassait. Evidemment, le but n’était pas de me montrer intrusive et de la forcer à tout prix à se confier. Non, Anna parlerait de ce qu’elle avait envie quand elle en aurait envie, mais étant une experte pour garder les choses pour moi et apprenant petit à petit grâce à Bloom à m’ouvrir un peu plus aux autres je savais que des fois un coup de pouce faisait du bien

- Rassure toi, tu es pile dans les temps. J’ai même pensé que ce serait moi qui aurait du retard en terme de préparation.

Probablement parce que j’avais passé je ne sais combien de temps à me prendre la tête sur l’organisation d’une soirée pyjama, c’était pourtant d’une simplicité enfantine et pourtant c’était comme si j’avais dû gravir une montagne particulièrement haute et escarpée. Était-ce ridicule ? Évidemment, mais il y avait tout un tas de choses sur lesquelles j’étais encore en apprentissage. Déjà Baiame était bien différente de mon royaume natale, et même au sein de la Dimension magique en 19 ans, les choses changeaient et évoluaient, contrairement à moi, le reste du monde ne s’était pas arrêté de tourner et lorsque Bloom avait réussi à trouver comment me faire revenir sous une forme humaine et non plus comme un spectre désincarné j’avais dû réapprendre à vivre en prenant en compte toutes les nouveautés que je ne connaissais pas.

- Figure toi que j’ai passé je ne sais combien de temps à me faire toute une montagne de l’organisation de cette soirée.

Autant tourner cela en dérision, ça ne méritait franchement pas de le prendre au sérieux, et puis je l’admettais sans problème que je n’étais pas parfaite, certaine choses me semblaient quasi inaccessible jusqu’à ce que je me rende compte qu’au final ce n’était pas grand chose, mais pour autant je choisissais de prendre cet aspect de ma personnalité avec humour et philosophie. Et puis je savais qu’Anna n’était pas du genre à émettre des jugements de valeurs, ça ne me posait donc pas de problème de partager cette anecdote avec elle.  

- Mais plus important, comment est-ce que tu vas ? Tu avais l’air…Un peu triste au téléphone, je n’irais pas jusqu’à dire déprimée mais ton entrain habituel manquait. Bien sûr, tu n’es pas obligée d’en parler si tu ne le souhaite pas, sache que je ne te force à rien. Et si tu veux juste, t’amuser et ne pas penser à ce qui te préoccupe, ça me va également. Mais étant donné qu'on est amies je me disais que je pourrais te prêter une oreille attentive si tu en éprouves le besoin.

Voilà, j’avais abordé le sujet comme je le souhaitais, sans arriver avec mes gros sabots et lui dire de forcément partager ses soucis avec moi, mais en laissant une ouverture si jamais elle souhaitait le faire. En attendant, j’étais parti chercher une grande tasse de chocolat chaud ainsi qu’un plateau avec diverses sucreries. Heureusement pour moi, j’avais acheté un kit à chocolat chaud format deluxe chez le chocolatier. Il préparait sa poudre lui-même à partir de fèves de cacao. Exactement comme tous les produits de sa boutique c’était réalisé de manière artisanale, et encore une fois la tradition du chocolat chaud venait de ma cadette, bien sur le chocolat existait dans la Dimension magique, mais je n’en avais jamais consommé de cette manière jusqu’à ce que Bloom ne m’y initie. Elle avait eu entièrement raison lorsqu’elle m’avait expliqué qu'au-delà de l’aspect gustatif, ça avait surtout un effet réconfortant. J’avais également prévu une bombe de chantilly au cas où.

Effectivement, j’aurais pu demander de l’aide mais je n’y avais pas vraiment pensé sur le coup, j’avais encore du mal à déléguer. Je supposais que c’était le genre de choses qui viendrait avec le temps, néanmoins à écouter Anna j’avais comme une impression de déjà vu. Même couleur de cheveux, mais avec un visage un peu moins identique tout en conservant une ressemblance, en résumé elle me faisait penser à Bloom. C’était pile le genre de discours que ma sœur aurait pu me tenir, il faudrait que je les présente un jour, elles s’entendraient bien toutes les deux. Bon les premiers instants seraient sans doute étrange, parce que ce n’était pas tous les jours que l’on rencontrait un sosie de sa grande soeur, mais nous n’étions de toute façon pas à une bizarrerie près selon moi. Quant au sentiment de solitude, je ne pouvais que le comprendre. J’en parlais peu mais durant toutes les années où j’étais resté un esprit désincarné et où mes parents étaient enfermés dans la dimension Obsidienne, j’avais attendu que les pouvoirs de Bloom s’éveillent et qu’elle revienne dans la Dimension Magique afin de tout lui expliquer, mais l’attente avait été longue, et extrêmement solitaire.

- Tu sais, c’est normal de se sentir seule. J’ai eu de la chance, j’ai retrouvé des proches assez rapidement mais le sentiment de solitude, je le connais très bien. Pour être honnête, cette malédiction qui quelque part nous a rapproché toi et moi, n’est pas ma première malédiction. Là d’où je viens, j’ai possédé un pouvoir convoité par des personnes malveillantes, afin qu’elles ne s’en emparent pas je l’ai donné à ma petite sœur, que j’ai mise à l'abri. Après quoi j’ai décidé d’affronter ces personnes avec l’aide d’une personne que je croyais être ma meilleure amie, mais elle a préféré retourner sa veste et en résultat, mon royaume fût détruit, et moi j’ai été maudite pendant 19 ans. Je n’étais plus qu’un esprit sans corps. Sur ces 19 ans, j’en ai passé 16 au fond d’un lac à attendre que les pouvoirs de ma sœur se réveillent et qu’elle parte en quête de son passé.

Donc, je pouvais parfaitement comprendre ce sentiment de solitude, tout comme cette impression que celle que l’on était pendant la malédiction s’effaçait, en fonction des personnes ça pouvait être plus compliqué à vivre. Je sais que retrouver mes souvenirs et me réinstaller dans ma vie d’avant n’avait pas été très compliqué de mon côté, principalement parce que à force de malédiction j’en avais un peu marre. Mais pour Anna, les choses devaient être différentes. Il ne fallait pas oublier que nous ne partagions qu’une ressemblance physique, nos personnalités et ce que nous étions demeuraient des choses séparés. Je lui tendis néanmoins un mug de chocolat chaud pour le réconforter.  

- Je ne sais pas si tu es déjà passé au bureau du RVA en ville, en tout cas ils ont expliqué que si nous avions du mal à retrouver certaines personnes ça devait être parce qu’ils étaient toujours maudits. Mais après, tu n’es pas obligée d’être seule dans tes recherches. Si tu veux je peux t’aider, maudit ou pas, si tu les revois je pense que cela te ferait quand même plaisir.

De mon côté, j’avais quand même réussi à me réjouir de la présence de Valtor, alors qu’on ne pouvait pas dire que je l’appréciais plus que cela. Simplement, cela m’avait permis de me dire que je n’étais pas la seule de mon univers et qu’il y avait de l’espoir. Et effectivement, il y en avait eu puisque j’avais retrouvé Bloom, Musa et Flora juste après. C’était la raison pour laquelle j’essayais de remonter le morale d’Anna et que je lui proposais mon aide dans ses recherches. On pouvait peut-être poster des avis de recherches, ou bien demander à des passants s’ils avaient vu ses proches. C’était une idée comme ça, mais j’admettais que les détails mériteraient d’être peaufinés.

La tristesse d’Anna était compréhensible, et à travers elle je ne pouvais m’empêcher de voir Bloom. Elle aussi avait dû énormément souffrir en arrivant dans la Dimension Magique, les révélations s’étaient enchaînées sans qu’elle ne puisse avoir ne serait-ce qu’un instant de répit. Et je n’avais pas pu lui apporter d’informations concrètes au sujet de nos parents, ignorant totalement ce qui avait pu leur arriver après avoir été maudite. Je ne voulais pas lui donner de faux espoirs et en même temps, tout comme elle, je sentais qu’ils étaient encore en vie. C'était la raison pour laquelle je l’avais encouragée dans la quête de ses origines et que je lui avais fait part des informations en ma possession concernant notre royaume et sa chute. Je ne voulais pas faire espérer Anna pour rien, mais je ne voulais pas non plus qu’elle abandonne et se retrouve “condamné” à la solitude.

- En quelque sorte, ils sont là pour faire un point sur la situation et donner un coup de pouce dans les recherches. Quant à ta soeur, quand j’étais maudite cette fois ci, en arrivant à Baiame je n’avais pas conscience de qui j’étais et de mes pouvoirs. Ce n’est qu’en regagnant ma mémoire que j’ai pu à nouveau les utiliser. Si elle n’a plus sa mémoire, elle ne peut pas non plus utiliser les siens parce qu’elle ignore qu’elle les a. Je ne sais pas si c’est très clair ce que je dis. Admis-je

Ce que j’essayais de faire comprendre à Anna, c’est qu’en gros sans souvenir de qui on est, on agit comme une personne “lambda” de ce monde. Et de ce que j’ai compris, la magie n’est pas monnaie courante ici, donc nos pouvoirs si on en a sont en quelque sorte “scellé” ce n’est qu’en regagnant pleinement sa mémoire que l’on débloque à nouveau ses capacités surnaturelle, qu’elles soient magiques ou autres. Donc s’il n’y avait pas de traces de glaces menant à sa sœur, cela voulait peut-être dire qu’elle était actuellement dans l’incapacité d’utiliser son don. Enfin cela ne restait qu’une supposition, et je n’étais pas une experte sur le sujet, loin de là même. J’essayais juste d’aider une amie au mieux de mes capacités, c’était aussi mon rôle d’amie d’aider dans les moments difficile, quand on est ami avec une personne notre rôle était de la soutenir dans les bons comme dans les mauvais moments, de lui remonter le morale au besoin et de l’aider à remonter la pente.

- Restons positive, et partons du principe qu’elle n’a aucun souvenir et par la même occasion pas de pouvoir, si tu fournis un descriptif de ta sœur au bureau du RVA, ils pourront t’aider dans tes recherches. Au final j’ai retrouvé la mienne par hasard, mais ils m’ont quand même contactée pour dire qu’ils avaient retrouvé sa trace. Après nos retrouvailles certes, mais si au moment où ils me l’avaient dit, j’étais toujours en train de la chercher j’aurais été contente d’avoir une piste à suivre.

Concernant mes parents pour l’instant, c’était choux blanc. Ils m’avaient fourni plusieurs descriptif de personnes pouvant correspondre mais il s’était avéré que ce n’était pas eux au final. Je n’étais pas le genre à me décourager cela dit, nous allions bien finir par tous nous retrouver, comme nous l’avions déjà fait auparavant. Si mes parents avaient survécu à la destruction de Domino, ce n’était pas celle de notre univers qui viendrait à bout d’eux.

- Si tu le souhaites, on peut y aller ensemble demain ou un autre jour. Je dois y aller de toute façon pour leur indiquer qui sont les gens que j’ai déjà retrouvés et inversement.

Bien sur, je ne comptais pas la forcer à quoi que ce soit tout ceci restait une proposition.