We didn't deserve this

Je venais de sortir du tribunal à Novacrest et il fallait encore que je prenne la route pour rejoindre Alejandro à la montagne. Nous avions prévu de nous y rendre pour passer un peu de temps loin de tout afin de s’occuper seulement de Joaquin mais je n’avais pas pu louper cet entrevue avec le juge pour sauver les fesses de l’un de mes clients qui risquait la prison parce qu’il avait menacé d’une batte, un jeune qui avait tenté de cambrioler sa boutique. Étonnant qu’avec tous les super-héros présents, personne n’est réagit…mais bon.

« Super, il fait nuit en plus. »

Je pousse un soupir en grimpant dans ma voiture. J’avais emprunté le 4x4 qui était le meilleur moyen de rejoindre Alejandro qui s’y trouvait déjà depuis le matin. J’étais vêtue en conséquence avec des vêtements qui mettaient joliment mon ventre de femme enceinte en valeur. J’avais déjà senti le bébé bouger et disons qu’Alejandro avait été tout ému de le sentir aussi. J’avais bien senti le matin même qu’il était pas hyper serein que je prenne la route toute seule mais vu qu’on avait réservé pour deux jours et qu’il fallait arriver avant midi, c’était la seule solution.

Cependant, je ne me doutais pas qu’une pluie torrentielle s’abattrait sur la route à ce moment précis. Une pluie torrentielle qui m’empêchait de voir à cinquante mètres. Mon coeur commença à battre douloureusement dans ma poitrine à mesure que j’avançais. Empruntant la route de la montagne, ce n’est que trop tard que je remarque le cerf qui vient d’apparaitre sur la route. Mettant un coup de volant à droite, je perds le contrôle de la voiture qui part dans la fossé et fais plusieurs tonneaux avant de s’arrêter.

Lorsque je reprends connaissance, je me mords la lèvre jusqu’au sang en voyant l’énorme entaille sur ma jambe. Bloquée par ma ceinture, je réussis néanmoins à déchirer un bout de ma chemise pour faire pression sur la plaie. Ne me sentant pas bien du tout, j’ai juste le temps de m’extirper de la voiture à quatre pattes avant de tomber dans les pommes pour de bon. C’est le bruit des machines qui me fait émerger alors que je sens une pression sur ma main. Petit à petit, la silhouette floue d’Alejandro réapparait dans mon champ de vision alors que je comprends que je suis à l’hôpital.

« Alejandro ? » murmurais-je « Que…Qu’est-ce-que je fais là ? » demandais-je, ayant tout bonnement oublié que je venais d’avoir un accident de voiture.

We didn't deserve this

Il n’aimait pas ça… pas du tout même…. Debout devant l’énorme baie vitrée, Alejandro regardait la pluie mêlée à la neige qui tombait sans discontinuer tout autour d’eux. Il n’avait clairement pas choisi le meilleur moment pour profiter d’un week end à la montagne. Ils auraient mieux fait d’annuler dès qu’Elena avait reçu son planning. Il n’aimait pas qu’elle soit sur la route avec un temps pareil, encore moins pour venir ici, la route était dangereuse et franchement pas pratique. Alors si on rajoutait en plus de ça, de la neige fondue et du vent et la nuit qui était déjà tombée, le tableau devenait bien sombre. Alejandro détestait se sentir démuni, mais c’était bien ce qu’il ressentait. Il jeta un coup d’œil à son smartphone, il était tard, elle aurait déjà dû rentrer… Soupirant, Alejandro quitta son emplacement pour rejoindre son fils qui jouait paisiblement dans le salon. Il était en train de s’amuser avec une bouteille de lait. A croire qu’un rien amusé un enfant surtout de son âge. A la vue de son père, il secoua ses petits bras potelés et Alejandro l’attrapa pour lui faire faire l’avion, ce qu’il adorait… Il riait aux éclats et l’espagnol se réjouissait de pouvoir vivre ce genre de moments qui auraient été plus difficile à obtenir dans son monde. L’heure avançant et le stress avec, Alejandro se retenait de ne pas l’appeler pour ne pas déconcentrer Elena qui devait être sur la route. Il s’occupa de faire manger Joaquin et de lui faire prendre son bain avant de le coucher.

Il avait a peine réussi à l’endormir que son téléphone sonna. C’était surement Elena… Pourtant quand il vit le numéro apparaitre, Alejandro sentit toute son appréhension revenir à la course. La voix qui retentit dans le combiné lui coupa les jambes et il lui fallut de longues minutes pour comprendre ce qui se passait. Il s’agissait de la police, Elena était en ce moment même amené à l’hopital le plus proche. Visiblement il s’agissait d’un accident de la route, mais ils refusèrent de lui en dire plus et lui donnèrent seulement le nom de l’hopital. Perdu et rongé par l’inquiétude, son cerveau se mit en mode automatique. Il monta dans sa voiture avec son fils et appela Clark, leur nouveau voisin, qui en plus d’être un Superman, possédait pas mal de connaissances avec les enfants. Il leur arrivait parfois de lui faire garder le petit garçon. En entendant la détresse du brun, il accepta tout de suite et quand Alejandro arriva devant chez lui, Clark laissa Joaquin en compagnie de sa femme pour amener Alejandro lui-même à l’hopital, ce qui lui évita un long trajet en perspectif.

Quand il arriva à l’hopital, il lui fallut encore de longues minutes pour obtenir des nouvelles de sa femme qui se trouvait en salle d’opération. Quand le médecin arriva enfin, le sourire qu’il esquissa rassura l’espagnol. « Monsieur De La Vega…. Votre femme va s’en sortir, elle a eu une fracture ouverte de la jambe, nous sortons du bloc et l’opération s’est bien passé. » Alejandro s’apprêtait à poser l’autre question, mais le médecin le devança. « Pour le bébé nous n’avons rien pu faire, le choc a déclenché une fausse couche… je suis désolé. » Alejandro resta sans voix, il sentit une profonde tristesse l’envahir, mais il demeurait assez terre à terre. Le plus important pour lui, c’était qu’Elena soit en vie, que son fils ne soit pas orphelin. Il s’était déjà attaché à ce futur enfant, mais comme pour la première grossesse de sa femme, cela demeurait pour lui assez difficile à comprendre, ou du moins à conceptualiser.

Alejandro retrouva Elena dans une chambre, elle était branchée à plusieurs machines, mais elle respirait seule et semblait même paisible. Il passa tendrement sa main sur le visage de sa femme et lui attrapa la main avant de lui dire à quel point il l’aimait. Bordel, qu’est-ce qu’il avait eu peur de la perdre. Il fallut de longues heures avant qu’il ne sente une pression s’exerçait sur ses mains. Ses yeux se posèrent alors sur ceux d’Elena qui s’ouvraient enfin. « Mi amor, je suis là. » Il se rapprocha d’elle pour qu’elle puisse le voir et ne pas trop s’inquiéter. « Tu as eu un accident… tu es à l’hôpital de Baiame… » lui précisa t’il avec douceur lui laissant le temps d’enregistrer ce qu’il était en train de lui dire.

We didn't deserve this

J’avais l’esprit confus. La lumière de la chambre me faisait mal aux yeux et je sentais que j’avais mal de partout. Ma main dans celle d’Alejandro, je respire profondément.

« Un accident ? » balbutiais-je « je…je me rappelle de rien. » lâchais-je alors.

Je porte ma main libre jusqu’à l’une de mes pommettes avant de sentir la douleur sous ma main. J’avais dû me cogner durant l’accident. Étonnement, je ne sentais rien de la blessure de ma jambe. Avant même que je ne prenne totalement conscience de ce qu’il se passait, mon regard croise celui de mon père et ma petite soeur.

« Papá ? Analia ? » compris-je avant d’hausser les épaules « Je crois…je sais pas… la dernière chose que je me rappelle, c’est le cerf que j’ai voulu éviter, puis plus rien. » expliquais-je avant de croiser le regard d’Alejandro « Chéri…qu’est-ce-qu’il y a ? » demandais-je, me rendant compte qu’il était tout bizarre « Où est Joaquin ? » demandais-je, soudainement.

Je sentais que quelque chose n’allait pas.

We didn't deserve this

Alejandro détestait les hôpitaux… il détestait cette odeur, ces murs blancs, le regard perdu de ceux qui comme lui avait perdu quelqu’un. Il ne s’était jamais vraiment remis de la mort de son frère, il l’avait toujours trouvé injuste et barbare… Puis il y avait eu la mort de Don Diego… La seule chose qui lui avait permis de faire son deuil, c’était de le savoir apaisé. Il avait réussi à récupérer sa fille, sa vengeance était terminée, il pouvait enfin gouter à la paix. Alejandro aussi juste aimer qu’il puisse en profiter avec eux, qu’il puisse lui aussi profiter de Joaquim. Ici sur cette île, ils s’étaient trouvé une autre famille et Alejandro était heureux de les compter parmi eux, même s’il n’avait pas vraiment eu la chance de les rencontrer autant qu’Elena. C’était encore assez récent, mais il les salua avec un sourire entendu quand ils arrivèrent dans la chambre. Ils étaient visiblement aussi paniqués l’un que l’autre, raison pour laquelle Alejandro prit rapidement la parole pour apaiser leur crainte. « Elle va s’en sortir, l’accident aurait pu être plus grave. Ils ont dû l’opérer de la jambe, mais ça s’est bien passé. Il va juste falloir qu’elle marche avec des béquilles pendant quelques temps, ils ont dû lui mettre un plâtre… » Il connaissait assez Elena pour savoir qu’elle allait détester sa convalescence, mais elle n’allait pas avoir le choix. Il serait là pour l’épauler comme il le faisait à chaque fois. Tendrement, il passa sa main sur son visage, attentif à chacun de ses mouvements, il attendait son réveil avec impatience. Il préféra ne pas évoquer la perte du bébé face à Diego et Analia, ne sachant pas si Elena leur en avait parler. Ils avaient évité de trop ébruiter le sujet.

Tout doucement, Elena revint à elle. Ses yeux s’ouvrir et elle commença à reconnaitre les gens autour d’elle. Ce qui soulagea énormément Alejandro. « Je suis là… » dit-il pour la rassurer en lui serrant la main. Elle était encore dans les vapes, surement à cause de l’anesthésie, elle allait tout doucement reprendre du poil de la bête. Il craignait vraiment le moment ou il allait lui avouer la vérité… Elle allait être anéanti… Alejandro était triste, mais contrairement à Elena, il ne vivait pas la grossesse de la même manière… Lui devenait père le jour de l’accouchement, Elena elle était devenu mère le jour ou elle avait appris sa grossesse. « Tu as eu une fracture ouverte du tibia… ils ont dû t’opérer, ils t’ont mis des broches et un platre. » avoua t’il en taisant bien la mort de leur enfant. Il voulait y aller étape par étape. « Je l’ai laissé chez Clark, il peut pas être plus en sécurité qu’avec Superman. » dit-elle dans l’espoir de détendre un petit peu l’atmosphère.