[roulette#1] [fb] i just wanna go to the bed • ft.sophie

Quelques mois auparavant, en début d’année.

Tu avais gagné gain de cause, grâce à ton caprice auprès de tes supérieurs. Tu avais obtenu le droit de vivre à Baïame. Tant mieux. L’odeur de renfermer du bureau des archivistes t’insupportait. Tu n’arrivais plus à faire l’impasse dessus et même jusqu’à l’infirmerie, tu avais l’impression qu’elle te suivait. Ou alors tu te faisais des idées et tu étais en train de vriller. Tu ne sais pas. Des conditions ont été posées et tu les as acceptées. Elles n’étaient pas insurmontables, juste un rapport à faire toutes les semaines et à déposer aux RVA. Cela a étonné d’ailleurs, que tu ne saisisses pas l’opportunité qu’ils t’offrent, mais tu n’en as cure.
Tu avais besoin d’une occupation qui te permettait de raccrocher à ce que tu étais originalement, avant tout ce bordel spatio-temporel, mais pour la trouver tu avais dû te débrouiller. Après tout, ils n’allaient pas te faire trop de fleur. Tu n’avais ni appartement, ni travail, un peu d’argents sur toi. Assez pour te payer une chambre d’hôtel, en attendant d’avoir un toit à toi et un travail pour le payer. Payer ; Ta fierté de pirate est entachée, mais bon.

Pas de piraterie ici.
Tu ne tiens pas à te fâcher avec une loi qui te dépasse. Les caprices de celles universelles à gérer suffisent déjà à te donner des migraines.

Tes allures de baroudeuses dans un hôtel trop luxueux pour tes pompes crades ont attiré l’attention de la réceptionniste. Plus les jours passaient, plus elle te prenait pour un squatteur de bas étage abusant de leur charité. Tu avais du retard sur le paiement de ta chambre, mais tu venais tout juste de décrocher ton boulot au Métro-General Hospital. Une avance a bien été négociée, mais elle n’allait pas être créditée sur tes comptes avant la semaine prochaine. C’était chiant, mais tout vient à point à qui sait attendre.

Proverbe qui n’était pas aux gouts de tout le monde ici, puisque plus le temps passait et plus on te regardait de travers.

Un énorme quiproquo s’était mis en place donc, mais tu étais surtout victime de discrimination de la part du personnel. C’était un hôtel plutôt chic, pas le Formule 1 type banlieue sud. Tu ne sais pas si c’est le fait que tu ne portais pas de talons aiguilles ni de robes courtes qui les dérangeait, ou que tu rentres à des heures pas possibles complètement défoncées par la fatigue, mais tes allures de garçons manqués tatoués de partout n’arrangeaient en rien. Tu le savais, mais tu t’efforçais de faire comme si de rien était. Tu avais suffisamment à faire avec les patients, parfois extrêmement désagréable, des urgences. Sans compte sur ce futur chef de service prétentieux, qui adorait te donner des ordres et tout t’apprendre. Combien de fois tu l’as envoyé promener ? Cinq ou six fois, déjà.

La septième était pour l’un des employés en tout cas. Ce soir-ci, celui sur lequel on va se concentrer, tu étais rentré dans les alentours de vingt-trois heure. Ça faisait déjà deux heures que tu aurais dû être rentrée, mais ton service ta retenu. Tu n’avais qu’une hâte, c’était de prendre un bon bain et t’allonger pour comater sur ton lit, mais lorsque tu as mis la clé dans la serrure de ta chambre, la mauvaise surprise a surgi.
Elle ne s’est pas ouverte.

« Putain, fais chier… » Pestes-tu en marmonnant, avant de redescendre à l’accueil.

À ce même accueil, tu retrouves cette femme qui te toise de haut en bas avec mépris tous les matins. Elle fait genre qu’elle ne t’a pas vu, mais tu sonnes à la cloche tellement de fois que tu lui casses les oreilles et par extension, attire son attention sur toi. « Ma clé n’fonctionne pas, chambre 22. J’peux savoir pourquoi ? » - “Le service de réparation est fermé à cette heure-ci, je ne peux pas répondre à leur place. Je ne peux que vous conseiller d’aller voir ailleurs en attendant et d’attendre demain matin. Chez les ploucs par exemple…

Tu inspires, tu expires.
Tu te répètes de garder ton calme.

Tu en as ras-le-bol qu’on essuie son égo sur ta fierté à répétition, donc tu craques. Tu ne passes pas par-dessus le comptoir, mais tu l’attrapes par le col de son petit chemisier à trois-cents balles pour la ramener vers toi. « ÉCOUTES MOI BIEN ! J’viens de me farcir douze heures de garde non-stop à essuyer la bave de vieux connard grabataire qui n’sont pas foutus de dire merci, sous prétexte que leurs petites habitudes soient chamboulées et à me faire cracher d’ssus par des putains de gosses malpoli, mais pas autant que toi, alors J’AIMERAIS, si c’est pas trop d’mandé, POUVOIR ALLER DORMIR SANS QUE DES CUL-PÉTEUX COMME LE TIENS VIENNENT ME CASSER LES COUILLES À CETTE HEURE-CI ! » Si tu étais vraiment une léopard des neiges, tu l’aurais déjà mordu à la jugulaire. Or ce n’est pas le cas. Tu es dotée d’un cœur, à ton plus grand damne, et donc d’un minimum de raison. Cette même raison qui te pousse à ne pas la violenter, même si tu en meures d’envie. Ton regard la perfore cependant de toutes parts et elle se met à trembler, regrettant probablement de t’avoir fait sortir de tes gongs. « Donc ; tu vas m’appeler quelqu’un pour ouvrir MA PUTAIN DE PORTE DE CHAMBRE ! »