Just one night || Leonidas

Agacée. C’était le mot qui définissait le mieux son humeur à ce moment précis. Accoudée au comptoir du bar, elle sirotait l’un des nombreux cocktails qu’on lui avait déjà offerts, alors que la soirée ne faisait que débuter. Bien qu’elle n’ait pas été traînée de force dans cet endroit, elle n’était pas particulièrement venue de bon cœur. À vrai dire, à l’origine, elle était surtout là pour faire plaisir à l’une de ses amies, qui n’avait pas voulu sortir seule. Compréhensible, au vu des spécimens qui traînaient dans le coin. Cependant, une fois arrivées, l’amie en question avait bien vite disparue, laissant Ammara seule, entourée de vautours affamés. Même si elle ne faisait pas particulièrement attention à leur présence, elle sentait les regards qui pesaient sur elle, remplis de convoitise et de désir. Même le barman l’observait avec insistance depuis déjà de longues minutes et ne se cachait pas pour lorgner sur son décolleté plongeant. De temps à autre, l’un de ces énergumènes s’avançait, tentant sa chance avec un verre en guise d’offrande. Dans cent pour cent des cas, il était rembarré, mais repartait cependant les mains vides. Après tout, il fallait bien qu’ils servent à quelque chose et, si elle pouvait boire à l'œil, elle n’allait clairement pas s’en priver.

Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle restait là, alors qu’elle aurait tout aussi bien pu rentrer chez elle et retrouver Salomé. Peut-être avait-elle encore un peu d’espoir que son amie revienne, même s’il y avait peu de chances que cela se produise. En effet, il lui semblait l’avoir aperçue quelques minutes plus tôt en compagnie d’un homme et, au vu des regards qu’ils se lançaient, ils n’étaient clairement pas là pour compter les marguerites. De son côté, Ammara aussi aurait pu profiter de cette soirée pour se trouver quelque chose, ou plutôt quelqu’un, à se mettre sous la dent. Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas partagé son lit mais, après un bref coup d'œil pour jauger les candidats potentiels, elle avait estimé qu’elle était bien trop parfaite pour s’offrir à cette bande de chiens galeux. Rien que l’idée qu’ils puissent la toucher lui donnait la nausée. Peut-être aurait-elle dû amener Salomé, afin d’avoir sur elle un élément vraiment dissuasif. « Bonsoir, puis-je vous offrir un verre ? » Tirée de ses pensées, elle releva la tête et poussa un profond soupir. Combien de fois avait-elle déjà entendu cette phrase en l’espace de seulement une heure ? Beaucoup trop à son goût. Sans se donner la peine de répondre à l’individu, elle se laissa glisser du tabouret sur lequel elle était installée depuis un petit moment maintenant, bien décidée à partir. Elle était sur le point de quitter les lieux lorsqu'elle s'arrêta, son regard s'étant posé sur un homme installé à l’autre bout du bar. En quelques secondes seulement, elle le détailla des pieds à la tête. Il dégageait quelque chose de différent de tous ceux qu'elle avait déjà vu ce soir, sans qu’elle puisse mettre le doigt sur ce qui changeait chez lui. Oh n’allez pas croire qu’elle était intéressée, Ammara n’avait toujours eu que du mépris pour la gente masculine. Néanmoins, cet homme venait de titiller son intérêt. Peut-être n'était-il pas encore l'heure de partir, finalement...

Alors qu’Ammara était toujours en train de détailler l’inconnu, celui-ci se retourna, ayant visiblement senti le poids de son regard sur lui. Ni une ni deux, il se leva et se dirigea vers elle, avec une démarche qui transpirait l’excès de confiance. Tout ce qu’elle détestait chez un homme. Pourquoi s’était-elle arrêtée sur lui déjà ? En quelques secondes il fut près d’elle pour lui murmurer quelques mots à l’oreille. Autant dire qu’il n’y était pas allé par quatre chemins. Du haut de son mètre quatre-vingt-onze, la jeune femme avait généralement l’habitude de toiser les gens mais cet homme là était grand, au moins quinze centimètres de plus qu’elle et elle dû relever la tête pour planter fermement son regard dans le sien et le soutenir sans broncher, absolument pas intimidée par un individu comme lui. « Toi. », lâcha-t-elle sans se donner la peine de tourner autour du pot. Il voulait être direct ? Pas de problème, c’était un exercice où elle excellait. « C’est toi que je veux. » Et lorsque Ammara voulait quelque chose, il était assez rare qu’elle ne l’obtienne pas. Elle n’eut cependant pas le temps d’observer sa réaction, puisqu’un autre individu se pointa peu de temps après, visiblement très en colère et usant d’un langage très fleuri pour parler d’elle.

Dans la pénombre du bar, la jeune femme mit quelques secondes avant de le reconnaître. C’était l’un des tocards qu’elle avait recalé sans état d’âme un peu plus tôt dans la soirée. « C’est effectivement ce que je crois. », dit-elle d’une voix glaciale en braquant un regard plein de colère sur lui. Elle était sur le point de renchérir, lorsque l’inconnu dont elle ne connaissait toujours pas le nom intervint. Tss… Non mais pour qui se prenait-il encore celui-là ? Elle n’avait absolument pas besoin qu’on vole à son secours, elle était assez grande pour se débrouiller seule dans ce genre de situation. Toujours est-il que les deux hommes en vinrent aux mains, le premier prenant rapidement le dessus sur le second, qui resta à terre après avoir reçu quelques coups de poing bien sentis. « Ne crois pas que je vais te remercier pour ça. Et ne m’appelle pas petite, gamin. » Elle observa avec dédain la main qu’il lui tendait et marqua une courte hésitation. Avait-elle vraiment envie de le suivre finalement ? Avec son sourire moqueur, il risquait de rapidement l’agacer. Elle se surprit pourtant à répondre : « Je viens. » Sans même lui jeter un regard et en ignorant totalement sa main tendue, elle passa devant lui et prit la direction de la sortie d’un pas impérieux. Elle ne prit pas la peine de prévenir l’amie avec qui elle était venue qu’elle quittait les lieux, puisque de toute façon celle-ci n’était probablement déjà plus là.

Une fois à l’extérieur, elle se retourna pour lui faire face. « Au fait, moi c’est Ammara. » Peut-être n’en avait-il rien à faire, mais elle aimait que les choses soient bien faites et elle n’aimait pas mettre un homme dans son lit sans savoir à qui elle avait affaire au préalable. Enfin, actuellement rien n’était sûr qu’en au fait qu’elle arriverait à ses fins avec lui, mais elle n’avait jamais douté de sa capacité à faire céder un homme. Ne restait plus qu’à savoir si elle le ramenait chez elle ou bien si elle l’emmenait à l’hôtel le plus proche. Ou peut-être pouvait-elle simplement faire sa princesse et se laisser surprendre ? Mmmh, non. Elle aimait avoir la main sur ce qu’elle faisait, d’autant plus qu’elle ne connaissait cet homme que depuis quelques minutes. Levant la main, elle héla un taxi qui passa, puis s’engouffra à l’intérieur lorsqu’il s’arrêta à leur hauteur. Sans jeter un seul regard au chauffeur, elle lui indiqua l’adresse d’un hôtel qui se trouvait à quelques rues d’ici, comme si elle avait l’habitude de faire ce genre de chose. Elle n’avait pas consulté l’inconnu avant, il n’était de toute façon pas stupide au point de croire qu’elle l’avait suivi juste par plaisir. « Alors comme ça tu te prends pour une petite frappe ? », dit-elle en se tournant vers lui, faisant référence aux coups qu’il avait infligé plutôt gratuitement à l’idiot qui était venu l’importuner. À vrai dire elle s’en fichait un peu, mais c’était juste histoire de faire la conversation en attendant qu’on les dépose devant l’hôtel.

Après environ quinze minutes de trajet, ils descendirent enfin du taxi et, sans même l’attendre, elle se dirigea d’un pas décidé vers la réception pour réserver une chambre. Elle se tourna ensuite vers lui et, plantant son regard dans le sien, lui dit avec un sourire provocateur : « Alors gamin, tu viens ? »

« Oh chaton, j’ai blessé ton petit ego ? », dit-elle en levant les yeux au ciel, un léger sourire amusé au coin des lèvres. Elle commençait doucement à voir le genre de personnage qu’était ce Leonidas. C’était un gamin arrogant, sûr de lui et insolent pour couronner le tout. Un jeune idiot qui pensait que quelques coups de poing pouvaient régler n’importe quel problème et qui passait probablement plus de temps à réfléchir avec sa queue qu’avec sa tête. Il aimait la violence, cela se voyait dans son regard. Typiquement le genre d’individu que Ammara avait tendance à fuir. Pourtant c’était sur lui qu’elle s’était arrêtée ce soir-là, parce que malgré tout, il dégageait quelque chose de plus que les autres, même si elle cherchait toujours à savoir quoi, tandis que le taxi les menait jusqu’à l’adresse indiquée. Ou peut-être était-ce tout simplement son physique qui, il fallait bien l’avouer, était loin de lui déplaire ? Malgré l’animosité qu’elle avait envers les hommes, Ammara savait apprécier un physique masculin lorsqu’il valait la peine qu’on s’attarde dessus. « Une femme ne dévoile pas son jeu si rapidement mon cher. », susurra-t-elle dans la pénombre du taxi, tout en braquant un regard intense sur lui. Il aurait bien le temps de découvrir plus tard tout ce qu’elle était capable de faire pour le mettre à genoux.

Elle le provoquait, encore et encore, et il fonçait tête baissée, renchérissant à chaque phrase qu’elle prononçait. Ils se toisaient désormais dans le hall de l’hôtel, chacun pensant avoir le dessus sur l’autre. « Oh crois-moi, je sais reconnaître un homme quand j’en vois un. » Et pour cause, Boa Hancock avait été marquée au fer rouge par la perversité des hommes dès son plus jeune âge, même si elle ne s’en souvenait pas dans cette nouvelle vie. Ou tout du moins, sa tête ne se souvenait pas. Mais son corps, lui, pouvait encore sentir leurs doigts s’aventurer à des endroits interdits, ainsi que leur souffle répugnant sur sa peau. Voilà pourquoi Ammara était bien trop souvent secouée par un frisson de dégoût lorsqu’elle posait son regard sur un homme, ou lorsque l’un d’entre eux s’approchait trop près d’elle, sans pouvoir expliquer pourquoi. Elle les détestait, c’est tout ce dont elle était convaincue. Mais de temps en temps, en de rares exceptions, elle conviait l’un d’eux à partager son lit car, malgré toute la haine qu’elle avait pour eux, elle n’avait pas plus d’attrait que ça pour la gente féminine et était bien consciente qu’elle avait des besoins à satisfaire. Enfin, tout ça pour dire qu’elle avait beau le traiter de gamin, s’il n’avait pas été majeur, elle ne l’aurait certainement pas amené ici. De toute façon, s'il ne l'avait pas été, il n'aurait certainement pas été capable de payer une chambre à ce prix-là, n'est-ce pas ?

Quelques minutes plus tard, elle avançait d’un pas souple vers la chambre qui leur avait été attribuée, le silence du couloir seulement brisé par le claquement de ses talons sur le sol. Une fois devant la porte, elle la déverrouilla avec la petite carte magnétique, et tous les deux pénétrèrent à l’intérieur. La suite était située au dernier étage du bâtiment et, grâce à la grande baie vitrée dont elle était dotée, ils avaient une vue magnifique sur la ville en contrebas et ses milliers de lumières. Seulement ce n’était pas ça qui intéressait Ammara actuellement. Une fois la porte refermée derrière eux, elle poussa Leonidas contre un mur et approcha son visage du sien, de sorte qu’ils ne soient plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre. Sa main gauche était posée sur son torse qui, à sa grande surprise, était plus musclé qu’il n’y paraissait, tandis que la droite glissait déjà silencieusement vers son entrejambe. Ammara n’était pas du genre à perdre son temps en futilités, surtout lorsqu’elle n’avait aucune attache affective avec son partenaire, ce qui était le cas ce soir-là. Elle avait faim et cela se voyait, elle ne cherchait nullement à le cacher. Pourtant, après quelques secondes, elle se détacha de lui et se détourna avec un léger sourire. Peut-être était-elle d’humeur un peu plus joueuse aujourd’hui. « Je prendrais bien un verre. », dit-elle en se débarrassant lestement de ses talons et en se dirigeant vers le mini-bar où une multitude d’alcools différents n’attendait qu’elle.

À en juger par le soupir qu’il poussa lorsqu’elle s’éloigna de lui, Leonidas était frustré. Mais ce n’était que partie remise, la nuit ne faisait que commencer et ils avaient tout leur temps pour passer aux choses plus sérieuses. Pour l’instant, elle avait bien envie de siroter quelque chose, ce qu’elle ne se priva pas de faire remarquer. Immédiatement, le jeune homme lui demanda ce qu’elle désirait boire, ce qui arracha un léger sourire satisfait à Ammara. Bien, il avait au moins quelques notions de savoir vivre, ce n’était pas uniquement un stupide animal paramétré pour frapper sur tout ce qui bouge. « Surprends-moi. », dit-elle calmement en haussant les épaules. C’était une chose qu’elle disait régulièrement, pas parce qu’elle n’était pas capable de faire un choix, mais parce qu’elle aimait réellement être surprise. De plus, cela lui permettait de cerner un peu mieux les gens qu’elle avait face à elle. Pas qu’elle leur accordait un grand intérêt, entendons-nous bien. Mais en savoir plus sur une personne pouvait toujours s’avérer utile à un moment ou à un autre.

Tandis qu’il s’improvisait barman, Ammara s'installa sur le lit king size qui trônait en plein milieu de la pièce, dans une posture des plus langoureuses. Elle suivait des yeux le va et vient de ses mains qui jonglaient entre les différents ingrédients avec une certaine habileté. *Au moins il a l’air de savoir s’en servir, c’est déjà ça.*, pensa-t-elle avec un sourire en coin. Quelques minutes plus tard, il vint s’installer près d’elle et lui tendit son verre, dont elle se saisit en le remerciant d’un hochement de tête. Lorsqu’il leva le sien, elle fit de même et les deux verres se rencontrèrent dans un tintement cristallin. Elle porta ensuite le liquide cramoisi à ses lèvres pour en boire une petite gorgée. Effectivement, il n’y était pas allé de main morte sur les doses, on pouvait parfaitement sentir la vodka qui prenait presque le pas sur le goût sucré et acide de la canneberge. Cependant, elle savait parfaitement que cela ne suffirait pas à la coucher. Cela pourrait tout au plus lui faire un peu tourner la tête, d’autant qu’elle n’en était pas à son premier verre de la soirée. « À moins d’en boire plusieurs, j’imagine que ça devrait aller. », dit-elle en reprenant une seconde gorgée, sachant pertinemment que cette option n’était pas à exclure. Après tout, elle ne comptait pas rentrer chez elle en voiture - voire même ne pas rentrer du tout - et puis ce n’était pas comme si elle n’était pas consentante pour qu’il se passe quoi que ce soit avec lui. Il ne faut pas oublier que c’est elle qui l’avait traîné jusque dans cette chambre d’hôtel. « Alors dis-moi, que faisais-tu dans ce bar ? J’imagine que tu n’étais pas là uniquement pour frapper des imbéciles grossiers. », rit-elle en faisant référence au type qui s’était permis de la traiter de pétasse, sans que cela ne lui fasse ni chaud ni froid. Elle avait l’habitude de rencontrer ce genre d’énergumène lorsqu’elle sortait dans les bars, des types qui pensaient avoir la moindre chance avec elle, alors qu’elle était une reine quand ils n’étaient que des moins que rien. Ces gens-là ne méritaient clairement pas qu’elle leur accorde la moindre attention ni la moindre importance, et elle se faisait un plaisir de les ignorer.

Rapidement, son verre fut vide. Il faut dire que boire n’était pas quelque chose qui faisait peur à Ammara, elle qui était dotée d’une bonne descente, il fallait bien l’avouer. Comme elle l’avait prévu, la dose de vodka contenue dans la boisson avait fait son petit effet sur elle, mais rien de bien méchant, elle avait toujours les idées claires. Suffisamment claires en tout cas pour savoir ce qu’elle voulait. Et ce qu’elle voulait à l’heure actuelle se trouvait juste devant elle. Se redressant sur le lit, elle posa son verre sur la table qui se trouvait juste à côté, puis, sans prévenir, attrapa Leonidas par son t-shirt pour l’attirer vers elle. L’instant d’après, ses lèvres rencontraient les siennes, dans un baiser tout d’abord léger, puis plus appuyé, plus langoureux. Encore une fois, elle n’y était pas allée par quatre chemins. Elle était comme ça Ammara, elle prenait ce dont elle avait envie, quand elle en avait envie, sans se poser la moindre question.