You can be my doctor (Anthony)

Tony était rentré très tôt de l’université aujourd’hui, chose plutôt étonnante en sachant qu’il était en études de médecine. En temps normal, il pouvait rester à la bibliothèque jusqu’à tard le soir, considérant qu’il était plus simple pour lui de se concentrer dans un lieu neutre, plutôt qu’à l’appartement. Pas que Takeshi le dérangeait tant que ça mais, lorsqu’il était présent, Tony aimait bien passer du temps avec lui et avait donc moins tendance à se focaliser sur ses cours. Au début cela n’avait pas été simple pour le jeune homme, qui se sentait gêné que l’agent de sécurité s’occupe de lui. Après tout, ils ne se connaissaient pas tant que ça et ne se devaient donc rien. Mais les semaines passant, il avait appris à apprécier sa compagnie et, aujourd’hui, Takeshi était comme un grand frère pour lui. Voilà pourquoi il avait décidé de passer sa soirée avec lui, enfin s’il était d’accord bien évidemment.

Afin d’avoir tout son temps le moment venu, le jeune homme passa donc une bonne partie de l’après-midi à plancher sur ses cours, jusqu’à ce que son cerveau se mette à surchauffer, aux alentours de dix-sept heures trente. « Ok, bon, changement d’occupation. » dit-il en se levant de sa chaise de bureau et en s’étirant longuement. La faim commençait à se faire sentir et il avait bien envie de quelque chose de sucré, c’est pourquoi il prit la direction de la cuisine. Il n’était pas très doué pour cuisiner, mais il savait quand même préparer quelques petites choses, et notamment les crêpes. Après avoir préparé sa pâte, il sortit donc une poêle de l’un des placards et commença à faire cuire son goûter. Rapidement, une délicieuse odeur se répandit dans l’appartement, pour son plus grand bonheur, lui qui avait toujours été très gourmand. Il était encore aux fourneaux lorsque la porte s’ouvrit et que Takeshi fit son entrée. « Hé, j’ai fait des crêpes, t’en veux ? » Non, ce que voulait surtout l’agent de sécurité, c’était sa bière quotidienne. Comme d’habitude, Tony fronça les sourcils en le voyant ouvrir le réfrigérateur, mais il ne dit rien. Il s’était d’abord battu contre lui les premières semaines de cohabitation, en lui rabâchant sans cesse que c’était mauvais pour sa santé, mais il avait fini par jeter l’éponge en voyant que ça ne changeait pas grand-chose. Désormais, il râlait uniquement lorsque Takeshi se lâchait un peu trop sur la bouteille. « Journée pas très palpitante de mon côté également, les cours, les révisions, tout ça tout ça. » Tout en parlant, il attrapa son assiette de crêpes et vint s’installer près de son ami pour bavarder.

Une bonne heure s’était écoulée lorsque Takeshi renversa sa bouteille de bière vide. Jusque là, rien de bien grave. C’est ce qui se produisit ensuite qui fit paniquer Tony. En quelques secondes, le t-shirt de l’agent de sécurité se teinta de rouge, ce que l’étudiant remarqua immédiatement. « Comment ça un petit imprévu ? Tu te moques de moi ? » Remarquant que son colocataire commençait à pâlir et à tituber, il l’attrapa par le bras pour le faire asseoir. « Oh mon dieu, vite, il nous faut un médecin ! » s’écria-t-il, avant de s’arrêter net, comme si quelque chose venait de faire tilt dans sa tête. « Ah euh… C’est moi le médecin. Enfin, le bébé médecin. », dit-il en se passant une main dans les cheveux d’un air gêné. Comment pouvait-il espérer devenir un vrai professionnel s’il se mettait à paniquer à la moindre goutte de sang ? Ok, il fallait qu’il se reprenne. « Bon tu bouges pas, je reviens ! » Sur ces mots, il se précipita dans la salle de bain pour attraper la trousse de premier secours, puis revint auprès de Takeshi. Sans même lui demander son avis, il souleva son t-shirt pour regarder la plaie. Elle n’avait pas l’air trop profonde, mais elle saignait abondamment et allait probablement nécessiter des points de suture, chose que Tony ne savait absolument pas faire. Chopper aurait su lui, mais l’étudiant n’avait pas encore retrouvé les souvenirs de sa vie d’avant. « T’es vraiment un idiot ! », dit-il en commençant à appliquer du désinfectant sur la blessure sans ménagement. Il était en colère que Takeshi ne lui ait pas parlé de ça plus tôt. Et si ça avait été plus grave ? Il ne préférait même pas penser à ce qui aurait pu se passer dans ce cas.

Comment ça, « c’est le moment de t’entraîner pour de vrai » ? Tony ne trouvait pas ça marrant du tout, réfléchissant à toute vitesse pour savoir comment il allait bien pouvoir faire pour régler ce problème. Le plus simple aurait été de l’emmener directement à l’hôpital, mais le jeune étudiant savait parfaitement que Takeshi n’accepterait jamais cette solution. Tout reposait donc sur ses épaules désormais. Sans même le ménager, il commença donc à désinfecter la plaie pour ne pas qu’elle s’infecte, appuyant parfois plus que de raison sur celle-ci pour lui faire comprendre qu’il avait été idiot. « Y’a pas de quoi être fier de ça ! », cria-t-il en lui mettant une petite tape derrière la tête. Il se fichait bien de savoir dans quel état était l’autre gars, tout ce qui lui importait actuellement c’était la santé de son ami. Puisque l’option hôpital n’était pas envisageable, il n’allait pas avoir le choix. Heureusement pour Takeshi, Tony était un élève tellement studieux qu’il avait pris un peu d’avance sur ses prochaines années d’études. Même s’il n’avait jamais fait de points de suture lui-même, il s’était déjà longuement documenté sur le sujet et avait regardé des vidéos sur YouTube. Alors certes, ce n’était clairement pas le meilleur moyen d’apprendre s’il n’y avait pas de pratique derrière, mais c’était toujours mieux que rien, non ? « Je t’en foutrais moi de la pratique. Si tu arrêtais de faire des choses stupides, ça ne serait pas nécessaire ! Je te signale qu’on apprend pas ça en première année ! », grommela-t-il, toujours mécontent, avant d’ajouter : « Et puis je ne suis pas sûr que Sanji apprécierait si je te ratais. » Même s’il n’était pas certain de la nature de la relation entre les deux hommes, Tony était loin d’être stupide, Takeshi parlait bien trop souvent de lui pour que ce ne soit qu’un simple ami. Et franchement, qui aimerait que son amant se fasse charcuter par un jeune médecin incompétent ? Personne probablement.

Une fois la plaie propre, l’étudiant fit une pause de quelques secondes pour réfléchir. Il lui fallait un kit de suture et, en toute logique, il devait en avoir un dans ses affaires. La grande question restait de savoir où exactement. Sans dire un mot, il quitta la cuisine et gagna sa chambre, où il fouilla ses placards pendant quelques minutes avant de mettre la main sur ce qu’il cherchait. De retour dans la cuisine, il sortit tout le nécessaire pour faire ses points, puis attrapa un torchon propre qu’il tendit à son ami. « Même si je sais que t’aimes bien jouer les gros durs, mord là-dedans. » Le regard qu’il lui lança indiquait clairement qu’il n’avait nullement le choix et qu’il n’avait pas intérêt à discuter. Bien, il était temps de se lancer désormais. Après avoir aspergé son aiguille de désinfectant, Tony prit une grande inspiration, puis commença à percer la peau pour recoudre. Ses mains tremblaient légèrement et il se força à respirer calmement, tentant de se souvenir de ce qu’il avait lu dans ses manuels et vu dans ses vidéos. Au début très hésitant, ses gestes devinrent de plus en plus fluides, comme s’il avait déjà fait ça dans une vie antérieure. Mais c’était impossible, n’est-ce pas ?

Pendant toute la durée de l’opération, l’étudiant garda le silence pour ne pas briser sa concentration, essayant de ne pas faire attention aux soubresauts de douleur qui secouaient parfois Takeshi. Il fit au total près d’une dizaine de points, ce qui lui prit énormément de temps, mais il parvint finalement à en venir à bout. Lorsque le dernier point fut fait, il poussa un profond soupir et eut l’impression de pouvoir enfin recommencer à respirer, comme s’il avait retenu sa respiration tout du long. « Bien, ça devrait faire l’affaire. », dit-il en reculant légèrement pour avoir une vue d’ensemble sur ce qu’il venait de faire. C’était loin d’être parfait, mais ce n’était pas aussi désastreux que ce qu’il avait imaginé. Si son ami ne refaisait pas l’idiot prochainement, cela devrait tenir. « T’as intérêt à faire attention pour ne pas que ça saute, je ne compte pas refaire ça tout de suite. Alors pendant un certain temps pas de bagarre, pas de course poursuite à travers la gare, pas de sport, pas de… » Il marqua une courte pause et se mit à rougir légèrement avant de dire, un peu plus faiblement : « Pas d’activité sexuelle. » Il se racla la gorge pour reprendre contenance, puis se détourna pour désinfecter une nouvelle fois son matériel et le ranger. Malgré la peur qui lui avait pesé sur l’estomac pendant tout le temps où il était en action, il était assez fier de lui. Il venait de faire ses premiers points de suture et ça, c’était quelque chose dans la vie du jeune médecin.

« Si je te dis que c’est non, c’est non ! Tu peux bien te passer de sport pendant quelques semaines, non ? Tu ne vas sûrement pas en mourir. », dit-il en faisant les gros yeux à son ami, tout en esquissant un léger sourire amusé. Il espérait que Takeshi prendrait ses recommandations à la lettre, ne souhaitant pas que sa blessure se rouvre. Il avait de toute façon plutôt intérêt à l’écouter car s’il faisait sauter ses points, sa guérison n’en serait que retardée et sa reprise de l’exercice également, peu importe de quel genre d’exercice il s’agissait. « Mouais, j’imagine que ça aurait été mieux fait par un vrai médecin. Mais bon, c’est vrai que j’ai plutôt assuré sur ce coup-là. » Anthony n’était pas du genre à se jeter des fleurs, c’était même plutôt le contraire en temps normal. Cependant, aujourd’hui, il était vraiment fier d’avoir réussi à aider son ami. C’était un petit pas de plus vers sa grande carrière de médecin.

Après l’avoir remercié, Takeshi revint vers sa vieille amie : la bière. Évidemment, Tony aurait dû s’en douter. Si le fait de le voir boire lui fit de nouveau froncer les sourcils, il se garda bien de lui faire un commentaire. Disons que c’était un jour exceptionnel et qu’il l’avait mérité pour avoir souffert en silence. « Non je pense que ça ira, merci. » La dernière fois qu’il avait touché à l’alcool, ça ne s’était pas très bien passé. Il avait fini allongé au milieu de la cuisine à insulter l’amant de son colocataire - et peut-être même lui avait-il vomi dessus, il ne se souvenait pas très bien -, un souvenir honteux qu’il préférait enfouir très loin au fond de sa mémoire. Même si ce jour-là il s’était enivré sans le savoir et qu’il ne risquait pas d’être saoul avec une seule bière, il était plus prudent pour lui de s’abstenir. Il se contenta donc d’attraper une chaise et de s’installer près de Takeshi, se tournant ensuite vers le plat de crêpes pour s’en préparer une au Nutella. Chacun son addiction. Son ami aimait l’alcool, tandis que le jeune étudiant carburait au sucre. Dans les deux cas, ce n’était pas vraiment bon pour la santé, mais c’était aussi son moyen de tenir face au stress généré par ses études. « Hein, quoi, moi ? » Il s’était figé en entendant la question de Takeshi, un morceau de crêpe toujours dans la bouche. Pourquoi s’intéressait-il soudainement à lui ? Il leur arrivait parfois de discuter des états d’âme du japonais, mais il était très rare que le sujet dérive sur Tony. Il n’avait pas l’habitude que l’attention soit portée sur lui et il n’aimait pas ça. Tout en se tortillant sur sa chaise, il déglutit difficilement pour avaler sa bouchée, avant de répondre : « Oh euh, tu sais, rien de bien palpitant… J’ai quelques amis sympas, oui. Un peu cons sur les bords, mais sympas. », dit-il en haussant les épaules. Quant à ses amours… Disons qu'il n'était pas très doué avec les filles et il était vraiment gêné à l’idée de parler de ça avec Takeshi. À tel point qu’il vira rapidement rouge écarlate. « J’intéresse pas vraiment les filles tu sais. C'est toi le tombeur entre nous deux. » C’était faux, bien évidemment. Avec ses abdos, sa bouille d’ange et son air de cocker, de nombreuses demoiselles dans son université se retournaient sur son passage et auraient tué pour qu'il leur jette ne serait-ce qu'un regard. Il n’en avait juste pas conscience, peut-être parce que ça ne l’intéressait pas ou qu’il n’avait tout simplement pas encore trouvé celle qui ferait battre son petit cœur. « Et toi, Takeshi ? Tu as l’air plus heureux en ce moment. » Hop, il avait habilement détourné la conversation pour se concentrer sur son ami. Ce qu’il avait dit était d’ailleurs assez vrai, Takeshi semblait plus épanoui ces derniers temps, et Tony n’avait aucun doute sur le fait que ça avait un rapport avec Sanji. Seulement il ne voulait pas aborder le sujet, ne souhaitant pas brusquer son ami s’il n’avait pas envie d’en parler. Il lui laissait simplement l’occasion de le faire s’il en ressentait le besoin. Il savait de toute façon que le jeune étudiant était doué pour écouter, jamais dans le jugement et toujours dans la bienveillance, et qu’il pouvait parler sans crainte si le cœur lui en disait. Bon par contre, peut-être devrait-il trouver un moment pour lui parler de ce qui s’était passé l’autre jour, et du comportement déplorable qu’il avait eu envers le cuistot. À moins que ce dernier n’ait déjà abordé le sujet avec Takeshi, ce qui risquait de mettre Tony dans une sacrée sauce.