Ma route avait croisé celle de Violetta quand j’étais enfant, ou plutôt quand Alexander l’était. Mes souvenirs m’étaient revenus avec toute la violence de ce que j’avais pu vivre durant ma courte existence. Je savais que je n’étais pas le plus malheureux, que certains avaient eu une existence bien plus sombre que la mienne, que j’avais eu de la chance de finir par vaincre Voldemort et pouvoir enfin vivre ma vie sans craindre qu’on ne me l’arrache. Ma vie s’étendait devant moi, pleine de promesses et tout s’était arrêté. Cette île était différente de tout ce que j’avais connu et elle remettait toute ma vie en perspective, en particulier à cause des souvenirs d’Alexander, ils étaient là, présents, prenants. Ils s’étaient mêlés au mien et il me fallait parfois trier le faux du vrai. A force je commençais à les différencier, ceux que j’avais vraiment vécu étaient plus nets, plus brillants, ceux d’Alexander était plus ternes, moins saisissants et surtout, ils manquaient d’émotions, tout simplement parce que je ne les avais pas vraiment vécus.
Mon réveil était récent, quelques jours, même pas une semaine. Dès le lendemain, je m’étais rendu dans les bureaux du TVA, j’avais besoin de réponses et l’agent qui m’avait reçu m’en avait donné. Le truc, c’est que je n’étais peut-être pas en mesure d’accepter tout ce qu’il m’avait dit. Le multivers, mon monde écroulé comme beaucoup d’autres, l’existence d’autres Harry Potter… Ma singularité en avait pris un coup. Je n’étais pas unique… Ce n’était pas facile à encaisser, de se dire que je risquais de croiser mon double ou tout un autre Harry, comme celui du célèbre livre. Mon histoire était similaire à la sienne, quasiment la même à vrai dire, à part que mon père n’était pas James Potter, mais bien Severus Rogue. Pour le moment, je n’arrivais toujours pas à savoir si j’étais heureux ou pas de cette ascendance, ou si j’aurais préféré être le fils de James. Je l’avais cru pendant longtemps, puis la vérité était venue faire écrouler le pauvre château de cartes que j’avais construit pour grandir… Je ne pouvais m’empêcher d’avoir cette boule au fond de ma gorge, je m’en voulais de ne pas avoir pris le temps de mieux connaitre Rogue… Et encore plus attristé que nous n’ayons jamais pu partager si ce n’est de la haine… Même si j’avais aussi compris qu’il ne m’avait jamais détesté. Il avait joué un jeu depuis le début pour me protéger, par amour pour Lily. Sa vie ne lui avait jamais appartenue…. Je ne pouvais pas revenir en arrière, rien réparer, je devais juste accepter la vérité comme elle était. Le TVA m’avait donné le choix, reprendre mon ancien nom ou demeurait Alexander. J’avais opté pour la deuxième option, pas parce que je ne voulais pas redevenir Harry, mais parce que ce monde m’avait offert une chance unique : Celle de côtoyer ma mère : Lily. Bien sur ce n’était pas vraiment ma mère, c’était une autre Lily, mais je voulais apprendre à la connaitre… C’était pour ça que j’avais décidé de garder le prénom Alexander, par peur qu’en apprenant mon vrai nom, elle ne prenne la fuite.
La vie d’Alexander impactait désormais ma vie… Des personnes que je n’avais jamais rencontré dans mon monde faisait désormais partie de ma vie, c’était le cas de Violetta ou de Gabriel. Violetta était plus jeune que moi, Alexander l’avait rencontré dans la salle d’attente de son psy, quand il n’était qu’un gamin de 10 ans. Violetta, elle en avait 6. Ils avaient passé pas mal de temps à discuter tout les deux et à force, ils étaient devenus amis. En vérité, Alexander la considérait un peu comme sa petite sœur et moi je m’y étais attaché aussi. On s’était promis de faire un tour à la petite fête foraine de quartier et j’étais bien décidé à respecter mon engagement. Je ne pouvais m’empêcher de me demander qui elle était vraiment, car chaque personne présente sur cette île venait d’une petite partie du multivers. Je me doutais qu’elle ne venait pas du mien, je n’avais jamais vu, mais peut-être que cela ne voulait rien dire. Après tout, bien que je sois célèbre, je n’avais pas rencontré tous les habitants de mon univers. Arrivé à notre lieu de rendez-vous, soit à l’entrée de la fête foraine, je jetais un rapide coup d’œil à mon téléphone pour regarder l’heure. J’étais un petit peu avance, mais Violetta n’allait pas tarder. Pendant un temps mon regard s’attarda sur une famille, des parents, des enfants… Je cherchais encore à savoir ce qu’on pouvait ressentir à se sachant aimer… Par réflexe ma main frôla ma poche pour vérifier la présence de ma baguette que j’avais par chance réussi à retrouver. Pensif, je relevais la tête et aperçus une tête bien connue. Un sourire se dessina sur mon visage tandis que je me rapprochais d’elle. « Salut Violet', comment tu vas ? Prête à en découdre aux machines à pinces ? » On avait cette habitude depuis qu’on y allait, on essayait d’attraper ces foutues peluches, mais le plus souvent elles nous résistaient…
Cela faisait quelques jours qu’Ofelia s’était réveillée (et avait donc retrouvé ses véritables souvenirs, récupéré son vrai prénom) lorsqu’elle se rendit à la fête foraine pour y retrouver son grand-frère de cœur, Alexander. Elle comptait bien lui donner son vrai prénom. Par contre, raconter ses souvenirs, c’était une autre paire de manches… Elle avait suffisamment confiance en Alexander, ce n’était pas le fond de la question. Seulement, en parler signifiait revoir comme s’ils se déroulaient au présent les événements… Et ça… Elle ne s’en sentait pas la force. Déjà que depuis son réveil, la plupart de ses nuits étaient peuplées de cauchemars… Elle commençait d’ailleurs à avoir des cernes sous les yeux. Ni le jour de son réveil ni depuis elle n’avait pleuré. Elle se sentait comme anesthésiée. Ce alors même qu’elle mesurait la violence de ce qu’elle avait traversé. Ofelia avait rencontré Alexander en tant que Violetta à l’âge de six ans. D’après ce qu’elle avait compris, c’était un « faux » souvenir, il n’en restait pas moins qu’ils vivaient tous les deux à Baïme désormais et que pour elle, le lien n’en était pas moins authentique. Après tout, leur personnalité n’avait pas changée, donc pour elle, ça ne changeait rien. De même, elle était restée vivre avec Emily – qui n’était pas Emily – puisqu’à sa connaissance, aucune personne de sa vraie vie d’avant ne se trouvait ici. Ou alors, elle ne les avait pas rencontrés. Et pour certains, c’était sans doute mieux. Elle espérait de toute ses forces que les Mangemorts ou même les moldus entre les mains desquels elle était passé étaient absents de cette réalité-ci. Pouvoir ne plus jamais les revoir autrement qu’en souvenir. Malheureusement, sa cécité et son incapacité à parler n’étaient pas, eux, de faux souvenirs… Juste ça avait commencé quand elle était entre les mains des mages noirs…
Du fait de sa cécité, elle circulait avec une canne blanche, cherchant à être le plus autonome possible. Lorsqu’elle arriva à la fête foraine, elle reconnu le pas d’Alexander et donc identifia sa position avant qu’il n’eût pu la saluer. Elle lui répondit en langue des signes, appréciant le fait de ne pas avoir à utiliser avec lui son smartphone pour communiquer. Et la télépathie, non seulement, il ne savait pas qu’elle en était capable – et elle ignorait encore qu’il s’était lui aussi réveillé – et en plus, elle préférait la garder pour des situations de force majeure, des urgences ou des entraînements à mieux la maîtriser, car elle trouvait qu’elle lui prenait encore pas mal d’énergie. Du moins, par rapport à quand elle était plus jeune, était-elle capable de ne plus « entrer dans la tête des gens » par surprise, en tous cas, la plupart du temps.
« Coucou Alex. Comment vas-tu ? Tu me guideras, comme d’habitude, hein ? » lui répondit-elle avec les mains, épelant le diminutif qu’elle utilisait lorsqu’elle s’adressait à son interlocuteur.
Après tout, elle ne pouvait pas voir où était chaque peluche et donc avait besoin d’indications vocales pour tenter de vaincre la machine à pinces.
Elle cherchait en même temps le moyen de lui annoncer qu’elle avait retrouvé ses souvenirs de sa vie d’avant et qu’elle s’appelait en fait Ofelia. Elle ne se voyait pas le faire comme ça de but en blanc en guise de salutation avant même d’avoir pris de ses nouvelles. Elle n’allait pas encore assez mal pour cela. Elle avait failli oublier de lui répondre comment elle allait, elle, et elle trouvait la réponse plutôt… complexe. Surtout que dire « non ça ne va pas » n’était tout simplement pas dans sa nature, même quand c’était la réponse la plus honnête. C’était à peine si elle se l’avouait en elle-même à elle-même, mais elle ne voulait pas se plaindre et réussissait à se convaincre que certains pouvaient avoir une vie encore pire qu’elle.
« La semaine… a été… assez difficile » finit-elle par admettre, se refusant à lui mentir.
C’était une occasion pour rebondir en lui expliquant qu’elle se souvenait de son passé, pire que celui que lui connaissait, mais elle hésitait encore sur ce qu’elle allait dire en dehors de son vrai prénom. Après tout, en plus elle ne savait ni s’il avait conscience de l’existence de la magie ici ni s’il y en avait dans le monde dont il venait lui.
Je jetais un rapide coup d’œil à ma montre. Violletta n’allait pas tarder à arriver. Le plus souvent, c’était moi, enfin plutôt Alexander qui allait la chercher en bus et l’accompagnait ensuite jusqu’à leur lieu de rendez vous afin de lui faciliter la tâche. Aujourd’hui, cela m’avait été impossible à cause des mes horaires à l’épicerie. Violetta devrait donc se débrouiller toute seule pour arriver et cela me déplaisait. Je craignais qui lui arrive quelque chose, qu’elle se fasse agresser ou tout simplement bousculer, mais je savais aussi qu’il n’y avait pas plus courageuse que la jeune femme et qu’elle arriverait sans mal à me rejoindre. Mon inquiétude n’avait pas vraiment lieu d’être, mais je n’arrivais pas à la faire taire. Je m’étais attachée à elle via Alexander, elle était comme une petite sœur pour moi. Dans ce monde aussi, j’étais un orphelin ou plutôt Alexander l’était. Ici aussi, je recherchais sans le vouloir de l’attention et de l’amour et Violetta m’en donnait. En y réfléchissant, je n’avais jamais été aussi seul, même durant mes années à Poudlard. Il y avait toujours eu Ron et Hermione, mais aussi Luna, Neville, Cho, Dean Seamus. Tout les membres de l’ordre du phoenix : Tonk, Lupin, Sirius, Kingsley, Hagrid, Severus. A la pensée de mon père, mon regard se troubla. Ma vie était faite de rendez-vous manqués. J’avais passé des années à haïr cet homme, à vouloir qu’il disparaisse de ma vie pour ne plus jamais à avoir à entendre le son de sa voix. Et aujourd’hui, j’aurais tout fait pour l’entendre me dire « Qu’est ce que vous faite encore Potter ! » Pourtant cela ne servait plus à rien car je savais que mon père était mort, il avait rejoint ma mère et peut-être qu’ils s’étaient enfin retrouvés après toutes ces années. Le constat que je dressais de ma vie était assez amer, mais j’étais encore jeune et mon histoire était encore à écrite, mais par où commencez quand votre vie entière bascule, catapulté dans un monde étrange qui n’a rien à voir avec celui dans lequel vous existiez.
J’étais désormais seul, bien sur il y avait aussi Gabriel, mais c’était aussi une connaissance d’Alexander. De mon monde, je n’avais retrouvé personne pour le moment. Je détestais la solitude, elle me plongeait à chaque fois dans un profond désarroi, surtout que j’avais quand même passé beaucoup d’année de ma vie en compagnie de Ron et Hermione. Les choses avaient quand même évolué après la fin de la guerre contre Voldemort. On était tous parti dans des études différentes, on se voyait moins mais notre amitié brillait toujours. Je m’étais renseigné au près du RVA, il y avait bien une Hermione Granger recensait, cela signifiait qu’elle aussi savait, mais je ne me voyais pas comment l’aborder. Surtout que je savais désormais que mon histoire divergeait sur certains points. Dans les livres qui se vendaient dans les libraires de la ville, Harry Potter était le fils de James et de Lily, pas se Severus… Rien ne me disait donc que je rencontrais la Hermione de mon univers, il pouvait s’agir d’une autre Hermione ayant vécu des choses totalement différentes, peut-être même qu’elle ne connaissait pas de Harry Potter.
Quand Violetta apparut dans mon champ de vision, j’abandonnais mes réflexions pour me rapprocher d’elle. « Hmmm je ne sais pas, je vais y réfléchir. » dis-je d’une voix amusée avant de laisser ma main glisser autour de son bras pour la diriger. « Il y a du monde, tu penses que ça va aller ? » lui demandais-je, conscient que cela ne devait pas être facile pour elle d’affronter la foule avec deux sens en moins. Elle me disait toujours qu’elle y était habituée, mais cela ne m’empêchait pas de craindre pour sa santé et de se méfier des autres. Certains ne se généraient surement pas pour la bousculer, les gens ont souvent des œillères quand ils le décident. « Allez go, allons voir ces fameuses machines à fric qu’on aime tant. » Nous savions aussi bien l’un que l’autre que c’était une belle arnaque, que la pince ne serrait qu’une fois sur 50, mais c’était un peu ça le challenge, réussir à l’attraper malgré tout. Et puis maintenant que j’étais en possession de ma baguette risquait de changer pas mal choses. Je m’étais isolé pour lancer des sorts, histoire de vérifier que je n’avais pas perdu la main, mais non, dès que ma main avait senti ma baguette, tout m’était naturellement revenu. « Toi aussi ? » lui demandais-je l’air surpris. « Je me suis dis que tu avais l’air fatigué quand je t’ai vu arrivé. » Cela s’expliquait donc par ce qu’elle venait de vivre. « J’ai appris pas mal choses sur qui j’étais… Mais ce n’était pas vraiment les réponses que j’attendais. » lui avouais-je tout en continuant à avancer. « Tu veux qu’on en parle avant d’aller aux pinces, on peut toujours s’arrêter boire un truc à un stand avant. »
Ofelia avait à cœur de se débrouiller autant qu’elle le pouvait par elle-même, voulant dépendre le moins possible de ses proches. C’était certes plus difficile pour elle avec son double handicap, mais elle n’était pas du genre à baisser les bras pour cela ni à s’y arrêter. Enfin, elle retrouva Alexander. Elle était finalement arrivée à bon port toute seule, par ses propres moyens. Elle sourit, amusée par la taquinerie de son aîné, car elle savait bien qu’il s’agissait de cela. Elle avait apprit à décrypter plus finement les intonations là où elle ne pouvait pas voir les expressions du visage sans passer par le toucher. Ofelia n’aimait pas trop se trouver dans des lieux où il y avait du monde, sa réserve et sa timidité n’aidant pas dans ces moments. Et puis, elle n’avait que trop constaté que les gens ne faisaient pas forcément attention à leurs prochains. Seulement, si on lui fonçait dessus, elle ne pouvait éviter la collision que si elle entendait à temps ce qu’il se passait. Si on lui marchait sur le pied, elle ne pouvait se manifester que par une expression de visage… En somme, elle pouvait se retrouver assez facilement dans des situations désagréables. Pour autant, elle faisait avec. Et maintenant qu’elle avait retrouvé la mémoire de son passé, elle mesurait mieux encore qu’avant qu’il y avait pire que ce genre d’incident, bien pire. Elle répondit à Alexander d’un petit hochement de tête qui voulait dire que ça irait. Elle raffermi cependant sa prise sur le bras de son grand-frère de cœur, attestant du fait qu’elle était plus nerveuse qu’elle ne voulait bien l’admettre.
Elle releva le toi aussi en réponse au fait que sa semaine avait été difficile et prêta d’autant plus l’oreille à son interlocuteur. Elle sentait qu’il avait besoin de parler et elle pouvait bien se montrer attentive à ses problèmes même si elle ne pourrait pas forcément l’aider à les résoudre. Elle était intriguée par ce qu’il disait et voulait le pousser à poursuivre. Et puis, il lui offrait une occasion en or de lui expliquer qu’elle s’appelait Ofelia. Mais, elle n’avait pas envie de faire tout cela dans une allée entre deux attractions de la fête foraine, dans la foule. Alors, elle sauta sur la proposition d’aller boire quelque chose :
« Oui, je veux bien en parler et aussi savoir un peu plus ce que tu as découvert, si tu veux bien en parler. Aller boire quelque chose un stand avant d’aller à la machine à pinces me paraît une bonne idée »
Elle avait plusieurs questions à lui poser, sans doute autant de de choses à lui dire.
« Et puis… j’ai découvert des choses ces jours-aussi… D’où en partie ma semaine difficile. Mais, on sera mieux posés pour en discuter que dans une allée au milieu de la foule »
Et encore, avec Alexander, elle avait la chance de pouvoir parler le langage des signes et partir du principe que pas grand monde ne comprendrait ce qu’elle disait à part lui. C’était bien pratique pour ne pas étaler sa vie aux oreilles du premier venu.
Je n’avais jamais été confronté au handicap, ni de près ni de loin, mais cela ne m’avait pas dérangé. Le jour ou nous nous étions rencontrés avec Violetta, j’étais un gamin qui recherchait de l’affection, qui cherchait à se créer des liens et elle était là. Petite, presque recroquevillée dans son coin et pour une fois je compris que sa vie semblait bien plus difficile que la mienne. J’étais peut-être un orphelin, mais elle, elle venait de perdre beaucoup plus. On s’était finalement rapproché à cause de nos failles respectives… Et ce n’était pas si mal… Ou plutôt, ils s’étaient rapproché grâce à ça. Il m’était encore difficile de me différencier d’Alexander, nous étions liés même si je n’arrivais pas vraiment à tout saisir. C’était différent de cohabiter avec la vie d’un autre. Une vie que vous savez ne pas avoir vécu, mais qui est là, comme marqué au fer rouge dans votre esprit et dont vous ne pouvez pas vous débarrasser. Je n’avais rien vécu de la vie d’Alexander, lui non plus d’ailleurs, car il était moi et j’étais lui, sauf que cette île nous avait offert des souvenirs lors de notre arrivée. Personne ne savait pourquoi et je ne savais même pas si j’avais envie d’en connaitre la raison. C’était juste comme ça et j’avais appris d’une certaine manière à accepter la fatalité. De la même manière que j’avais accepté de mourir des mains de Lord Voldemort, j’acceptais les souvenirs d’Alexander et cette existence qui n’était pas vraiment la mienne. Je ne savais pas de quoi demain serait fait, mais cette vie ne me déplaisait pas. J’étais pourtant loin de chez moi, loin de tout ce que je connaissais et pourtant cette île m’offrait déjà beaucoup de choses que je n’aurais jamais espéré vivre. Ma mère était là… Lily Potter était ma professeure, elle était douce, souriante et pleine de tendresse et rien que pour ça je n’avais pas envie de partir. J’avais envie de rester sur cette île et profiter de sa présence, pouvoir enfin apprendre à connaitre ma mère. Mais elle n’était pas la seule raison, je m’étais attaché à d’autres personnes, comme Gabriel, Margareth ou bien Violetta. Elle venait tout juste de refermer sa main sur mon bras et je me décalais pour la laisser se placer comme elle le désirait. Je ne savais pas comment lui avouer la vérité, je ne pouvais pas lui dire « hé en fait je suis Harry Potter, enfin pas vraiment parce que mon père n’était pas vraiment James… » Franchement ce n’était pas le genre de discussions qu’on pouvait aborder facilement, surtout avec des personnes qui n’avaient pas retrouvé leurs souvenirs. En ce qui concernait Violetta, rien de ce que nous avions vécu ne me permettait de dire qu’elle était éveillée…
Elle avait toujours été une amie avec une oreille attentive, toujours là pour épauler Alex et le rassurer. J’avais envie de lui parler de ce que je savais, et même si je ne pouvais pas lui dire la vérité, je pouvais toujours broder pour m’en rapprocher. « C’est parfait faisons ça, j’ai soif en plus, je n’ai pas vraiment eu le temps de boire à la superette. » Ma bouteille d’eau était restée dans ma chambre et je m’étais transformer en chameau pour la journée. Boire un verre en terrasse ne serait donc pas de refus. « Toi aussi ? » lui demanda t’il avec curiosité tout en l’amenant vers la terrasse d’un café. « On dirait que c’est le jour des révélations. » dis-je d’une voix amusé avant de m’arrêter devant une table. Ma main glissa le long de la sienne pour lui indiquer où se trouvait sa chaise. « On sera bien ici. » Je la connaissais assez pour savoir qu’elle aimait se débrouiller toute seule et la laissait donc prendre place sans l’aider. « Tu veux boire qui ? Du chaud, du froid ? alcool ? ou pas ? Que je te dise ce que la carte propose. » Je ne m’étais jamais rendu compte que rien n’était vraiment adapté aux personnes en situation de Handicap, mais depuis que je sortais régulièrement avec elle, ça m’avait sauté aux yeux. Comment une personne aveugle pouvait-elle commander un plat ou un truc à boire avec une carte qui ne comprenait rien en braille. « Je suis content qu’on prenne le temps de discuter, j’ai vraiment besoin de parler… » Avouais je, je ne pouvais pas vraiment me confier à quelqu’un d’autre et elle m’avait toujours semblé être la meilleure personne pour ça.
Ofelia était donc accrochée au bras d’Alexander et cherchait toujours comment lui annoncer qu’en réalité elle s’appelait Ofelia, même si la conversation prenait la bonne tournure pour cela. Pourrait-elle lui parler de son vrai passé ? Il était suffisamment de confiance, là n’était pas le problème, mais d’abord, elle avait besoin de savoir s’il était lui aussi éveillé, comme il semblait vouloir le dire pour savoir jusqu’où elle pourrait aller dans ses confidences. Et puis… Il y avait ce qu’elle serait capable ou non de dire, ce qu’elle aurait la force ou non d’affronter pour la énième fois comme images. Même si elle n’y voyait pas, elle pouvait parfaitement imaginer une lueur d’horreur s’allumer dans les yeux de ceux qui découvraient ce que les Mangemorts lui avaient fait. Elle ignorait que si tous deux ne venaient pas du même monde, ils venaient cependant d'univers où la magie et les Mangemorts existaient, soit pas si éloignés l’un que l’autre de cela. Ou du moins plus proches que celui d’où venaient Euterpe et ses sœurs muses, par exemple.
« Alors, c’est d’autant plus important qu’on prenne le temps de boire » fit-elle, tenant à ce que son interlocuteur ne se déshydratât pas.
« Oui, visiblement » fit-elle, sobrement, concernant les révélations.
Elle avait parfaitement perçu l’amusement dans la voix d’Alexander, mais ce qu’elle avait à lui révéler, au-delà de son prénom… n’avait rien qu’on pût qualifier de réjouissant. Ils arrivèrent alors à une table et Ofelia s’assit, gagnant du temps grâce aux indications de son grand-frère de cœur.
« Pas d’alcool en tous cas. Soit un thé, s’il y en a un dans mes goûts, sinon, un jus de fruits » lui répondit-elle.
En lui demandant ce qu’elle voulait, il lui simplifiait les choses, non seulement par rapport à sa cécité – donc son impossibilité de lire le menu -, mais encore plus par rapport au fait qu’elle était muette. Il était d’ailleurs un des rares, avec Euterpe, avec qui elle pût soutenir une conversation de façon qui paraissait presque « normale » ou en tous cas, sans avoir besoin de son téléphone ou d’un ordinateur pour intermédiaire et sans recourir à la télépathie. Lorsqu’il mentionna qu’il avait vraiment besoin de parler, Ofelia se tînt encore plus prête à l’écouter, lui adressant un sourire encourageant, qui voulait tout à la fois dire, vas-y, je t’écoute, que se passe-t-il, je suis là. En langage des signes, elle rajouta :
« Raconte-moi »
Elle souhaitait lui parler aussi, mais choisit délibérément de lui laisser la priorité, autant parce qu’il en avait besoin que parce que peut-être, elle saurait s’il était éveillé et donc ce qu’elle pourrait lui dire au-delà de son vrai prénom.
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