Night of trouble ❄ Zangetsu

Devant le miroir de la salle de bain, je regardais mes cheveux pendant que je m’appliquais à les tresser, la teinture était pas mal pour quelque chose de bon marché acheté au centre commercial. En même temps, les services d’un professionnel s’avéraient beaucoup trop cher en comptant les tips qu’il fallait impérativement donner et comme j’avais tendance à me teindre les cheveux quand l’envie me prenait, je m’étais rendu compte que les acheter au centre commercial me revenait bien moins cher. Personne n’avait jamais su comment cela se faisait que ma couleur d’origine soit d’un blond presque blanc, tout ce que je savais c’est que les teindres étaient devenu une habitude car personne n’aimait ma couleur naturelle. Je supposais que cela avait joué sur mes 4 adoptions, mais aujourd’hui je ne m’en formalisais plus.

Ils étaient blonds, c’était la couleur que j’utilisais en ce moment, bien qu’une fois j’avais essayé le bleu pour voir ce que cela faisait. De toute façon personne ne me dirait rien au travail, tant que j'assurais mon poste et que tout se passait bien ils se fichaient bien que mes cheveux soient bleus ou noir. Peut-être était-ce pour cela que j’appréciais autant travailler là-bas, généralement on me laissait plutôt tranquille et personne ne trouvait rien à redire quant à ma manière de gérer les clients qui causaient des soucis. Je n’avais également pas nécessairement besoin de passer mon temps à discuter comme lorsque j’étais serveuse, et peu importe le statut des clients s’ils dérangeaient la tranquillité, la tolérance était de zéro.

Le chef de la sécurité était satisfait de ma manière de gérer, bien que n’aimant pas vraiment parler aux autres j’essayais d’abord d'intervenir verbalement pour voir s’il y avait moyen de calmer le jeu, je fonctionnais avec un système de trois avertissements si au bout du troisième le client ne souhaitait toujours pas se montrer raisonnable je le mettais dehors sans aucune autre forme de procès. Généralement, on me riait au nez lorsque j’annonçais cela personne n’imaginait qu’avec ma corpulence je puisse en être capable, et pourtant j’étais plus forte que la moyenne, de plus je prenais des cours d’auto défense sur mon temps libre car je savais que c’était utile pour mon travail. Un videur était avant tout un agent de sécurité, alors savoir me défendre était la première compétence que je devais avoir.  

Un coup d'œil à mon téléphone m’apprit que j’avais encore largement le temps avant de prendre mon service, je n’avais rien de spécial à faire chez moi, alors peut-être était-ce le bon moment pour me promener et prendre l’air. De toute façon, je n’avais pas envie de me rendre trop en avance au travail et de n’avoir rien à faire, je devais être présente dès 19h afin de participer à la réunion journalière, c’était en réalité plus un briefing sur les clients VIP, car s’ils posaient problème qu’importe qu’ils aient réservés ou non, il n’y avait aucun traitement de faveur et ils devaient tout autant déguerpir que des clients “normaux”. Il y avait aussi les clients réguliers et ceux sur qui l’équipe de sécurité gardait un œil, généralement il s’agissait de réguliers ayant déjà reçu un avertissement ou ayant été escorté vers la sortie. Sauf en cas de comportement réellement violent et dangereux on n’interdisait pas de revenir, cependant on pouvait considérer qu’ils étaient “fichés” chez nous. Et s’ils ne comprenaient pas les choses, cette fois-ci ils étaient définitivement bannis.

J’étais finalement arrivée plus tôt que prévu, toujours en train de boire une chose appelée “Bubble tea”, cela semblait être la dernière boisson à la mode si j’en croyais le nombre de personnes que je voyais avec ce rafraîchissement à la main. Ce n’était pas si mal, mais je ne voyais pas pourquoi c’était aussi populaire, au final ce n’était que du thé avec du sirop, des fois un supplément lait et des perles de tapioca ou avec un goût de fruit, pas de quoi révolutionner l’industrie. De toute façon les modes avaient toujours eu tendance à me passer au dessus de la tête.

Refermant mon casier, qui contenait ma tenue dite “civile”, je jetais un dernier bref coup d’oeil à ma silhouette pour être certaine que mon uniforme était bien en place, et commençait ma soirée. Tout semblait calme à priori, du moins jusqu’à ce que deux personnes dans mon champ de vision ne commencent à s’énerver :

- Il y a des esprits qui s’échauffent, je vais voir ce qu’il se passe. Annonçais-je simplement à l’oreillette me permettant de discuter avec mes collègues et le chef de la sécurité si besoin était.

D’un pas tranquille je m’avançais vers les deux clients les gratifiants d’un regard neutre, sans expression avant d’adopter un ton similaire :

- Auriez-vous besoin d’aide ?

Ce n’était pas une vraie question, cela me permettait juste de jauger la situation et de voir s’il y avait moyen de les calmer ou si j’allais devoir recourir à des méthodes plus musclées.

La proposition était tentante, j’avais écouté en arrivant le langage fleuri de l’autre type et je savais d’avance que toute forme de discussion serait impossible. J’ignorais s’il était éméché ou s’il faisait partie de cette catégorie de personne qui ne pouvait pas s’empêcher d’être agressive dès que mise dans une position de faiblesse. En tant que videuse, observer les personnes qui entraient faisait partie de mon travail, je devais veiller à la sécurité des clients et faire en sorte que les éléments perturbateurs ne causent pas trop de soucis, mais c’était également un très bon aperçu de comment se faisaient les interactions sociales.  Si j’en avais la possibilité, je me contentais d’un contact minimum avec les gens, je n’avais pas envie de donner de mauvais signaux aux autres, je ne souhaitais ni sympathiser ni me créer un entourage. D’après mon thérapeute c’était liés à mes traumas dus à mes adoptions et abandons successifs, moi j’appellais simplement cela se préserver chacun sa définition.

- Monsieur, veuillez le lâcher repris-je d’un ton égale tout en sachant pertinemment que ce n’est pas parce que je le lui demandais qu’il le ferait.

Il se contenta de m’ignorer dans un premier temps, avant de reprendre avec tout autant d’agressivité :

“Ce connard va d’abord me présenter des excuses, et après p't'être que je l’envisagerais”

Avec des cas comme ça, je comprenais parfaitement l’envie de le frapper. Je ne voulais pas savoir qui avait raison ou tort, voir qui avait commencé en premier, c’était des attitudes puériles et je n’avais pas de temps à perdre avec. Moi j’effectuais mon job et ça n’allait pas plus loin, hors il en était au premier avertissement qu’il venait d’ignorer, j’allais donc passer au second. Si cela ne tenait qu'à moi je l’aurais déjà mit dehors, cette interaction ne mènerait qu'à une conclusion possible et le plus tôt elle aurait lieu le mieux ce serait. Simplement, si je me montrais un peu trop enthousiaste à l’idée de lui indiquer la sortie, le chef allait sûrement me réprimander pour “excès de zèle”. Je n’y accordais pas une très grande attention, mais le côté répétitif de la chose était plutôt pénible.

- Là pour l’instant de la vue d’ensemble que j’ai de la situation, c’est vous qui le provoquez. Je me fiche de savoir qui a fait quoi, et l’origine de cette altercation ou vous faites ce que je vous demande, ou je vais devoir recourir à d’autres méthodes.  

L’avertissement me paraissait clair cette fois-ci, quand bien même je me doutais parfaitement que c’était insuffisant pour le faire arrêter, si je gaspillais encore mon temps en paroles ce n’était pas pour l’arrêter, c’était pour justifier ce qui allait immanquablement arriver. Ce genre d’individus j’en voyais tous les soirs, à force je savais comment ils fonctionnaient, si tout pouvait se régler juste avec des paroles je ne ferais certainement pas ce métier. D’ailleurs, exactement comme je l’avais envisagé, il se désintéressa de l’autre homme, pour tenter de se défouler sur moi. C’était exactement le genre de réaction que j’attendais. Sans lui laisser le temps de répliquer, je lui attrapait le bras que j’immobilisais derrière son dos. Il me gratifia d’un bon nombre d'insultes que j’ignorais pour en avoir entendue beaucoup trop de fois pour les compter, pour faire ce genre de métier le mieux était encore d’être hermétique à ce genre de choses et cela tombait plutôt bien car moi je l’étais complètement.
[color=#99bfe4
- Vous allez m’accompagner on va faire un petit tour dehors chez mon collègue le temps de vous calmer.[/color]

Pas que je lui laisse le choix, s’il voulait que j’arrête de faire pression sur son bras il allait devoir me suivre. J’avais déjà informé le dit collègue à l’oreillette, il allait s’occuper de récupérer le paquet. Dommage que je ne puisse pas simplement lui casser le bras, la solution pouvait paraître plus radicale, mais ça avait au moins le mérite de ramener la paix.  

- Vous aussi d’ailleurs, dis-je à l’autre homme. On va avoir besoin de votre témoignage, c’est la procédure je n’y peux rien. Mais un petit conseil, la prochaine fois que vous envisagez de frapper quelqu’un faites-le dans un angle mort et là où il n’y a pas de caméras.

“Mais elle est complètement barré celle là !”

Pour faire bonne mesure, je serrais un peu plus son bras

- N’aggravez pas votre cas avec des insultes sur un agent de sécurité je vous prie. Si vous n’étiez pas aussi agressif je ne prodiguerais peut-être pas ce genre de conseil.

Je supposais que mon absence d’émotions devait l’agacer, mais en même temps des altercations de ce genre j’en gérais tellement souvent que c’était presque une routine.