Lorsque Diego avait repris conscience de qui il était, sa nature spontanée avait repris le dessus. Il n'y avait peut-être pas Bernardo pour l'aider et il n'était peut-être pas dans des conditions aussi idéales qu’auparavant sans la présence de Tornado, mais il fallait que le personnage de Zorro revienne sur le devant de la scène au cas où il y en aurait besoin. Pour le moment, il fait les choses de manière discrète et il n'est pas vraiment intervenu à proprement parler sur une affaire. Mais il sait qu'il est prêt à le faire avec n'importe lequel des chevaux élevés sur ses terres. Il ne s'agira peut-être pas de son cheval fétiche, mais cela conviendra bien pour un temps.

Le point commun qu'il a avec son ancienne vie, c'est la riche hacienda et les terres qui vont avec. Ces gens élèvent plutôt des bovins mais il y a aussi quelques chevaux qui ont été entraîné et mis à sa disposition. S’il doit être tout à fait sincère, il lui manque la présence de son père et de son meilleur ami, mais l'environnement familier de sa maison et de la nature de ces terres l’ont un peu aidé à accepter la place qu'il a dans cette nouvelle vie. D'après ce qu'il a compris, il n'est pas exclu qu'il retrouve ses proches plus tard et que ceux-ci ne soient pas réveillés.

Par souci de reconstruire sa famille, il a néanmoins fait une première recherche au sujet des De la Vega. Il a entendu parler d’une femme mariée à un homme d'un caractère des plus douteux et qui a récemment changé de nom pour celui qui est le sien. Tout autant afin d'enquêter sur sa véritable identité que pour savoir si elle a besoin d'être protégée, il lui a demandé par courrier de venir lui rendre visite, afin de découvrir qui elle est vraiment. Puisqu'elle a pris ce nom récemment, il y avait a lieu de penser que c’est un éveil à la conscience qui en est directement responsable et il se peut donc qu’elle appartiennent à sa famille.

Au moment où on sonne à la porte, Diego indique à un de ses serviteurs d’ouvrir et c’est alors qu’il se rend compte à quel point la nervosité le prend. Il ne sait pas qui est exactement cette femme, mais il espère secrètement un lien. Vivre seul dans cette hacienda sans son père, sans son meilleur ami, sans son père et avec aucune autre famille le fait se sentir très seul. Il rêve d’une famille. Connaître quelqu’un qui a le même nom de famille que lui est peut-être quelque chose qui lui permettra de prendre cette direction. Il s’avance, un sourire aux lèvres.

La jeune femme qui entre a tout de l’hispanique particulièrement gracieuse. Il n’y a aucun doute quant à ses origines dans son monde d’origine. Elle a l’air d’une femme de caractère en même temps qu’une personne de valeur, il en est persuadée à voir son allure noble et assurée. Quelque chose lui dit qu’elle ne doit pas être incapable de se battre. Il est curieux de savoir si son intuition est vrai. Mais il ne montre rien, s’avance et lui fit un baisemain dans la plus pure tradition noble des familles de Los Angeles. Pour le moment, il doit investiguer avant de tirer des conclusions.

« Buenos días, Señorita. Bienvenue dans mon hacienda. Je suis Diego de la Vega. Merci d’avoir répondu à mon invitation. »

Il lui cède le passage en direction de la pièce de réception, avec émotion. Il lit des choses dans le regard de cette femme. Elle a peut-être autant de questions que lui et se demande sans-doute si un lien pourra être trouvé. Il sourit doucement alors qu’il avance derrière elle. Une fois dans la pièce de réception, il s’avance vers l’endroit où se situent les boissons et commence à sortir les bouteilles en se tournant légèrement vers elle, la laissant prendre place dans le confortable canapé si elle le souhaite. Il est impatient d’entamer les échanges, mais il se doit de se montrer aussi gentleman qu’il convient de l’être pour un de la Vega.

« Désirez-vous boire quelque chose ? »

Elle a une voix douce et agréable à entendre et pourtant, Diego a la certitude que c'est une femme à laquelle il ne faut pas se frotter. Tout en elle à une prestance qui lui fait dire qu'elle est bel et bien une de la Vega. Son père avait beau penser qu'il n'était qu'un lâche universitaire, ça n'a jamais été le cas et Diego sait bien que dans son père brûlait la même force qui se trouve dans cette femme et en lui-même. Cela lui donne encore plus envie de la connaître. Il est certain que, sans aucune pensée autre que paternelles, il aimera cette jeune femme, dans sa façon d'être comme dans ce qu'elle est.

Même s'il aurait pu faire servir les boissons, Diego n'en a aucun envers qui il a la confiance qu'il avait pour Bernardo. En conséquence de quoi, il préfère s'occuper lui-même de la señorita. Cela permettra de converser sans avoir de témoin gênant, ce qui leur permettra d'échanger sur des sujets, même des plus secrets. Après tout, en la voyant, il ne peut s'empêcher de se demander si elle est une version de lui, mais en femme. Il a la certitude qu'elle en a, en tout cas, le plein potentiel. Il n'est juste pas certain de qui elle est exactement.

« Voici ! » dit-il en lui servant le verre avant de s'en servir un pour lui-même. « Et j'ai préféré donner congé à mes serviteurs pour la journée, afin que nous puissions discuter plus tranquillement. J'espère que ça ne vous dérange pas. Je vous promets que je n'ai aucune mauvaise intention. »

Elle lui répond en se présentant officiellement. Il connaissait déjà son nom, puisque c'est pour cette raison qu'il l'a fait venir. Mais il n'avait pas ce rapport au fait qu'elle n'était pas sa variante, mais la fille de son variant. Sa fille. Il ne peut s'empêcher de le voir comme cela, lui qui a toujours rêvé d'être père. Elle n'a pourtant pas l'air beaucoup plus jeune que lui. Et de plus, il n'a jamais eu l'occasion de trouver quelqu'un qui puisse être pour lui cette femme qui lui donnerait un enfant. Quelque chose en lui a alors envie d'être le véritable père de cette personne là. Cependant, il lui est difficile de savoir si elle serait capable de l'envisager.

Le trouble doit se voir sur son visage, l'émotion de se dire que quelque part, il a une fille. Il la regarde comme on regarderait un trésor inaccessible, mais elle est là et il ne peut pas savoir si elle est réellement inaccessible. Peut être qu'elle ne serait pas contre l'idée d'avoir un père, ou quelqu'un se rapprochant de ce rôle s'il s'avère que le sien n'est pas ici. Il laisse passer un moment, en essayant de faire en sorte d'empêcher sa voix de trembler, mais c'est difficile. Il finit quand-même par pouvoir exprimer ce qu'il a sur le cœur.

« La fille de Don Diego… je n'ai jamais eu de fille, d'enfant de manière générale. Je n'ai même jamais été marié. Mais c'est quelque chose qui a toujours fait partie de moi que d'avoir envie d'être père. Êtes-vous… êtes-vous très proche de celui qui vous a mis au monde ? »

En la voyant boire délicatement, avec toute la grâce et toute la délicatesse d'une femme faisant partie des hautes sphères de la société, Diego sent qu'il y a quelque chose chez elle de si familier et de si proche qu'il ne peut pas faire autrement que de vouloir la connaître encore davantage. Elle se dit en confiance avec lui, et il sait qu'elle l'est, mais il est étonné qu'elle puisse ainsi lire dans ses yeux la bonté de ses intentions. Elle aussi doit se reconnaître dans ce regard familier qui s'approche de celui d'un père. Parce que le sentiment qu'il éprouve en ce moment ressemble plus à de la paternité qu’à quelconque autre type d'affection.

« Vous êtes une femme clairvoyante. »

Montero. Il est particulièrement étonnant de se rendre compte que le fait de passer d'un univers à l'autre ne change pas forcément les ennemis qu'on y a. Il a vaincu sa version de lui, mais est-ce beaucoup mieux, puisqu'il n’a jamais pu se marier ou avoir un enfant ? En tout cas, pour cette jeune femme qui a grandi dans le mensonge avant de se retrouver confrontée à un père qu'elle n’a jamais pu vraiment connaître, puisqu'il est mort trop rapidement, c'est un destin bien cruel, un tourment passé dans la peur et la colère. Tout cela lui semble bien trop douloureux pour se justifier.

« J'ai connu un Montero. Nous n'avons pas partagé l'amour d'une femme, et il n'a pas réussi à m'arrêter, mais je ne suis pas certain que cela rende mon sort plus enviable. Je pense que mon alter ego doit estimer que tout ce qu'il a enduré ne pouvait que valoir la peine s’il a pu admirer même l'espace d'un instant la grâce et la beauté de l'enfant qu'il a mis au monde. Je suis certain qu'il devait être fier de vous. »

Il ne sait pas comment il le sait mais il en est sûr. Elle a accompli des choses qui ont rendu son père fier. Il peut le sentir rien que par sa présence, forte et courageuse, pleine d'une énergie qu'il se reconnaît un peu. Elle lui ressemble. Et si elle lui ressemble, c'est que cet autre lui devait lui ressembler aussi. Et s'il lui ressemblait, il peut estimer être capable de comprendre ce qu'il a pu ressentir pour elle. Il en a la conviction et quand elle dit qu'il l’est, son cœur se met à battre plus vite et une larme coule au coin de son œil qu'il ne parvient pas à retenir. C'est son émotion qui parle.

« Je n'ai de plus grands souhaits que ce soit vrai. Je serai particulièrement honoré que ma fille vous ressemble, ne serait-ce qu'un peu. »