Haut les mains! [John & Tenth]

La rue était plutôt calme, à l’exception du bruit des voitures et des commerces, encore que ces derniers n’étaient pas si fréquentés à cette heure de la journée. Le Docteur vadrouillait sans but, tranquillement, avec l’espoir que cette journée garderait cette faible dose d’adrénaline.

Hélas…

Le cri strident d’une femme le mit dans tous ses états et il fit demi-tour pour trouver la source de cette frayeur. Il courut, traversa une route puis faillit renverser une vieille femme tremblant de tous ses membres. Elle était sans aucun doute complètement apeurée. Les traits sérieux, l’homme posa ses mains de chaque côtés des épaules de la femme et les serra, se voulant rassurant.

- Calmez-vous, vous ne craignez rien. Je peux vous aider ?

- Mon sac… Mes clés sont à l’intérieur… Comment vais-je faire pour rentrer chez moi ? Dit-elle, désespérée.

- Je vous le ramène, ne bougez pas. Par où est parti le voleur ?

Alors qu’il partait déjà dans la direction indiquée par la femme, le Docteur aperçu une ombre semblable à deux hommes, l’un tenant l’autre au niveau de la gorge dans une ruelle peu passante. Ses sourcils se froncèrent et il fonça aussi rapidement qu’il le put vers le prédateur et sa victime. Ce qu’il détestait la violence… Il en avait trop vu, toute espèce confondue, tout temps, tout lieu… C’en était assez.

Sans plus réfléchir, et se plaça entre l’arme et la cible. L’autre en profita pour s’enfuir en courant. Aux pieds du forcené, un sac rose à fleurs est renversé. Il ne faut pas plus de temps à l’alien pour additionner deux plus deux.

- Voler une vieille dame est une chose, tuer un pauvre homme en est une autre. Pour qui vous vous prenez ? Rangez ça, vous pourriez vous faire mal. Cracha-t-il, cinglant.

Il avait toujours eu horreur des armes. Seuls les faibles en utilisent. Pour autant, il sait celles-ci mortelles, comme lui depuis qu’il a intégré le Tribunal. Va-t-il mourir ici, en pleine rue ? Pour un sac à main ?

Une mine de dégoût et de colère transforma les traits du Docteur. Il savait pertinemment qu’il se trouvait dans une posture peu recommandable et ce, en échange de la vie d’un homme qu’il n’avait jamais rencontré et qu’il ne rencontrerait sans doute jamais. Mais il vivait ainsi, peu lui importait les conséquences qui découleraient de ses actions sur sa personne. L’important, s’il l’autre faisait feu, était qu’il avait pu sauver la vie d’un homme. Peut-être aurait-il des regrets, mais c’était comme cela. Personne ne pourrait le changer.

- Eh bien tuez-moi, alors.

Cette rengaine, il avait l’habitude de la sortir à toutes les sauces, en colère, triste, ou assez peu certain de ce qu’il faisait comme maintenant. Devant des Daleks, généralement. Et il semblait que cette phrase ait un effet contradictoire sur ses ennemis assez remarquable, la preuve en était : après toutes ces menaces suicidaires, il était toujours bien vivant. Encore une fois, cette formule magique fonctionna : le bandit finit par baisser son arme vers le sol. Ses muscles se détendirent et il expira lentement, soulagé de la tournure que prenait les évènements.

Il leva un sourcil en entendant les révélations de l’homme et opina du chef. 

- Oh oui, je vois. Donc après avoir tué de sang froid le voleur, vous pensiez aller gentiment rendre le sac taché de sang à la dame, comme le brave héros que vous êtes ? Il fronça les sourcils. Il détesta cet homme en un rien de temps. Toutes mes excuses, et moi qui vous aviez confondu avec un vulgaire voleur.

Vulgaire voleur qui s’était maintenant totalement éclipsé de la scène et qui devait être à quelques rues déjà. Le Docteur n’irait pas à sa suite. S’en prendre à une pauvre vieille femme était certes très maladroit mais, les voleurs faisaient ce qu’ils pouvaient. Il ne l’avait pas acheté, son TARDIS, rappelons-le…

Sans perdre plus de temps, il se baissa sous le nez de l’autre homme et ramassa les affaires qui s’étaient déversées sur le sol. Ce fut lorsqu’il se releva que son regard s’arrêta sur le bracelet étrange que portait l’homme. Ce n’était pas le pad que tous les agents du TVA possédaient, mais un tout autre type de bracelet qu’il avait déjà vu à de nombreuses reprises. Plus précisément un manipulateur de vortex.

- J’ai déjà vu ça, c’est un manipulateur de vortex que vous avez au poignet pas vrai ? J’en ai déjà vu un, au bras d’un vieil ami. Il haussa les sourcils. Enfin, celui-ci est beaucoup plus petit.  

Le sac pendant à son épaule, il lui tourna le dos sans attendre de réponse. Il n’avait pas vraiment envie d’avoir une conversation avec ce malade.

Tenth leva les yeux au ciel face à la tournure que prenait la conversation. L’autre n’était tout de même pas en train de tenter de le convaincre que tuer un piètre voleur était une bonne chose à ne pas stopper ? Oui, évidemment, tuer de sang-froid est la résolution à tout type de problèmes. Tout le monde le sait.

Il commençait sérieusement à en avoir marre de devoir remettre en rang les fauteurs de troubles. Si ç’avait été son boulot un jour, il était peut-être temps qu’il arrête. Et puis, à son avis, tenter de remettre cet homme complètement timbré sur le droit chemin était perdu d’avance. Et il n’avait pas de temps à perdre. Qu’il aille au diable.

Il choisit de ne pas répondre à cette remarque sans queue ni tête et lui tourna le dos, en direction de la vieille dame qui attendait toujours ses possessions.

Cependant, sa réponse à la remarque du Docteur le fit tiquer et se retourner, les sourcils froncés. Parlaient-ils réellement du même homme ? Il s’approcha de quelques pas du fou qu’il allait quitter.

 - Comment ça c’est moi ? Jack ? Vous connaissez Jack ? Jack Harkness ?

Comme s’il avait oublié tout ce qui venait de se dérouler, la mention de ce très bon ami qu’ils avaient apparemment en commun lui rendit son sourire qu’il exposa sans aucune gêne.

- Aaaah ce bon vieux Jack ! Et dire que ça fait plusieurs éternité que nous ne nous sommes pas croisé ! Comment va-t-il ?

Et puis, comme par le coup du sort, il fronça à nouveau les sourcils et retrouva sa mine de dégoût.

- Comment peut-il fréquenter quelqu’un comme vous ? J’ai toujours su qu’il avait des goûts assez… étranges, mais de là à faire copain-copain avec un gars comme vous ?

Sa mine s’assombrit à nouveau lorsque la réponse de l’homme concernant Jack retentit dans la petite ruelle. Il ne comprit pas grand chose à l’exception que son vieil ami n’allait pas fort et que celui qui lui faisait face était en partie responsable. Il n’en montrait pas grand remord, d’ailleurs. Il le laissa continuer même si l’envie de le sermonner à nouveau lui faisait de l’œil. Ses sourcils se levèrent dans une incompréhension non feinte. Grey ? Qui était-il ? Un membre de la famille de Jack s’il comprenait bien. Jamais il ne lui en avait parlé. À vrai dire, les moments de répit qu’ils avaient partagés se comptaient sur les doigts d’une main. Généralement, lorsqu’ils étaient ensemble, c’était pour éviter une catastrophe à échelle de l’univers. Le bon vieux temps…

Tenth ouvrit la bouche, légèrement surpris par la question. Rien n’en sortit. Il ne savait pas vraiment par où commencer ni de quelle façon répondre sans qu’il ne passe pour le pire des individus que le monde ait connu. En vérité, il n’assumait absolument pas tout le mal qu’il avait causé. Même si le bien pesait davantage dans la balance, il était à l’origine d’énormément de choses, toutes plus terribles les unes que les autres.

- Ce n’est pas la question, si vous me connaissez vous savez très bien, assura-t-il, un index moralisateur vers l’homme. Le monde se serait éteint plusieurs fois sans mes actes. Les choix sont douloureux et j’étais à l’époque le seul à pouvoir les faire. N’essayez pas de retourner la situation alors que vous vous apprêtiez à tuer un simple voleur de sang froid. Ce n’était pas un choix, là. C’était une exécution.

Il savait pertinemment que c’était peine perdue de lui exposer la vérité en face, surtout venant de lui. Il était plus gris foncé que blanc avant d’être transféré au tribunal, et il se doutait que ses remords le hanteraient jusqu’à la fin de sa vie éternelle. Beaucoup diront que lui, le valeureux Docteur, ne valait pas mieux que les pourritures qui tuent des innocents ou presque dans des ruelles sombres. Et il se demandait s’ils n’avaient pas raison.

- Mauvaise influence ? Répéta-t-il en grimaçant.

Ça pourrait le vexer, surtout venant d’un type comme lui. Il ne pensait pas avoir eu une quelconque influence sur Jack, à part évidemment le fait de l’avoir rendu immortel. C’était Rose, mais elle avait ingéré le vortex du TARDIS et si le Docteur n’avait pas été là, Rose ne l’aurait pas fait et Jack aurait été mortel comme tout le monde. À part ça…

- J’imagine que se voir mourir à plusieurs reprises sans véritablement mourir doit laisser quelques séquelles, oui… murmura-t-il en soupirant.

Ce n’était pas vraiment pareil pour lui, qui, quand il mourrait, ressuscitait sous une nouvelle forme.

Lorsque son ton monta, version moralisateur de haut niveau, ça n’eut pas l’air de faire le moindre effet à l’homme. C’était certain, il l’avait prédit. Mais il ne pouvait s’en empêcher, cela faisait partie de lui.

- Eh bien ça risque de me trotter encore dans la tête un bon moment, oui. On ne tue pas sans raison, c’est tout de même incroyable ! Bon, sur ce, permettez-moi d’aller rendre son bien à cette pauvre dame.

Le sac à main de la victime dans sa main, il se retourna et déguerpit en sens inverse, espérant que le tueur inarrêtable ait assez de jugeote pour ne pas lui tirer une balle dans le dos. Il ne pourrait pas se régénérer cette fois. Il savait que ce genre de type avec un flingue dans la main allait faire des misères, mais il ne voyait pas tant l’intérêt de lui confisquer son arme -d’autant plus qu’il ne se serait sans doute pas laisser faire- alors qu’il allait pouvoir en trouver une autre aussi vite. Triste vie.