Après 2800 ans passés d'existence et presque autant d'années passées à chevaucher sur la Terre du Milieu, je peux dire que j'ai eu de nombreux compagnons équins pour accompagner mes pérégrinations. A mes yeux d'elfe, la vie d'un cheval est bien trop courte, un clignement de paupières, et pourtant, il ne faudrait que peu de réflexion de ma part pour me rappeler de chacun d'entre eux. Baiame n'est pas un environnement propice à un cheval, à mon humble avis, mais depuis que je suis arrivé à Eldoria, l'envie de retrouver un compagnon de chevauchée me taraude l'esprit.
C'est ce qui m'a conduit à me rapprocher des écuries qui se sont récemment installées aux alentours de la cité, en premier lieu pour simplement partager la compagnie de ces nobles bêtes. C'est là que j'ai rencontré le Dragonnier. Je crois que nous avons au moins autant parlé de Dragons (et de nos approches différentes de ces créatures) que de chevaux, et même si j'ai bien senti son regard méfiant sur mes oreilles pointues, sans doute souvenir de ses rencontres passées avec d'autres de ma race issus de son univers. Dans notre discussion, un nom est revenu. Scapin. Etrange nom pour un cheval, mais les humains sont bien souvent parfaitement incapables d'entendre le véritable nom de leur monture, alors ils improvisent. Ce pourrait être pire. Selon le Dragonnier, ce cheval pourtant promis à la compétition n'a besoin que d'une chose, être un cheval. Un cheval qui galope, qui renâcle, qui n'a pas envie certains jours et devrait avoir la possibilité de se lier avec son partenaire avant de n'être considéré que comme un véhicule ou un moyen de gagner des prix. Il m'a fait promettre d'y réfléchir, alors, c'est ce que j'ai fait. J'ai réfléchi. Et j'y suis revenu.
Et si aucune trace du dragonnier n'est visible dans les lieux, je n'en ai cure. Ce n'est pas lui que je viens voir. C'est d'abord Scapin. Et si l'étalon renâcle d'abord à me voir si près de son box, il ne peux dissimuler l'intérêt qu'il montre aux quelques mots que je murmure dans ma langue natale, pas alors que l'une de ses oreilles pointe dans ma direction, lui donnant davantage l'air d'un poulain curieux que d'un de ces chevaux de travail blasés. Et pourtant, si blasé il ne l'est peut-être pas complètement, je n'aime pas l'expression que je lis dans son regard. Je finis par m'adosser à la porte de son box, faisant mine de l'ignorer tout en continuant à murmurer dans cette langue que les chevaux comprennent ( c'est du moins ce qui se dit parmi les Rohirrims, ou bien n'est-ce qu'une excuse pour nous en emprunter quelques mots). Qu'il vienne à moi s'il le souhaite, une chose est certaine, son box est son territoire, je n'y pénètrerai pas même d'une main passée à travers la grille s'il ne le désire pas.