Bad time but good person. Ft. Derek Özkan [Terminé]

« Les gars, la bleusaille organise une petite soirée pour Halloween ce soir, et apparemment nous sommes conviés. » Derek leva le nez de l’écran de son téléphone en entendant ce que venait de dire l’un de ses collègues. Une soirée ? Pour Halloween ? Il jeta un rapide coup d'œil à la date du jour. Ce n’était pourtant que dans trois semaines. Dans tous les cas, il était loin d’être emballé par l’idée. « Mouais, sans moi… », grommela-t-il, avant de recevoir une grande tape dans le dos de la part de celui qui avait lancé l’idée. « Sérieux vieux, faut que tu apprennes à t’amuser, t’as cinquante piges ou quoi ? » Tss. Bien sûr qu’il savait s’amuser, mais il n’avait pas pour habitude de le faire avec les agents qu’il formait, d’autant plus que la majorité n’était qu’une bande de gamins immatures. De plus, il avait arrêté de fêter Halloween il y a sept ans de cela, à la mort de Charlotte. C’était en effet le moment de l’année préféré de sa femme, et il n’avait plus eu le coeur à s’amuser à cette période depuis qu’elle avait mis fin à ses jours. Même s’il s’était depuis remis de cette perte, certaines habitudes persistaient. « Allez Derek, on est même pas obligés de se déguiser, si c’est ça qui te chiffonne. », renchérit un autre de ses collègues. Il savait déjà qu’il était bloqué et qu’aucun des hommes présents dans la pièce ne lâcherait l’affaire au sujet de cette petite soirée. « Ok, c’est bon, j’en suis. »

Il ne devait pas être loin de vingt-deux heures lorsque le groupe d’agents superviseurs débarqua sur le lieu de la fête. Avant cela, ils avaient pris le temps de se retrouver au restaurant et la moitié d’entre eux avait donc déjà un petit coup dans le nez en arrivant. Derek, lui, s’était contenté d’un seul verre de vin et avait donc les idées parfaitement claires. Comme prévu, ses collègues et lui ne s’étaient pas déguisés, mais le turque avait tout de même fait un effort vestimentaire non négligeable en enfilant une chemise blanche, un veston noir et un pantalon de costume qui lui seyait à merveille. Ses cheveux étaient noués en un chignon qui laissait seulement échapper quelques mèches de cheveux et, autour de son cou, pendaient les plaques qu’il portait lorsqu’il était encore dans la Navy, et qu’il avait pour habitude de ne jamais quitter. Peut-être que c’était un peu trop pour une soirée de ce genre, mais il aimait être propre sur lui. Dans tous les cas, il détonnait légèrement parmi tous les aspirants déguisés. Scrutant la salle du regard, Derek reconnut certains d’entre eux, qu’il entraînait au quotidien. Mais il en cherchait un en particulier, qu’il n’arrivait pas à trouver. Il ne s’attarda cependant pas, ne souhaitant pas qu’on lui pose des questions, et se contenta de suivre ses collègues près du bar où étaient disposées tout un tas de boissons alcoolisées. C’est par là-bas, prostré dans un coin, que son regard intercepta celui qu’il voulait voir ce soir, vêtu d’une tenue des plus… surprenantes.

Surprenante, mais en même temps terriblement excitante. Pour cacher sa surprise, ainsi que la vague d’intérêt qui s’était emparée de lui, Derek le héla sur un ton moqueur : « Sexy cette tenue de lapin Matthews. Tu nous as prévu un strip-tease pour la fin de la soirée ? » Autour de lui, ses collègues, ainsi que les aspirants présents, éclatèrent de rire. Ce n’était pas son but de l’humilier ou de le mettre mal à l’aise, mais il se devait de brouiller les pistes, personne ne devait se douter des sentiments qu’il avait commencé à développer pour le jeune Cody Matthews. Et puis, ce n’était pas vraiment un mensonge, il le trouvait vraiment sexy dans cette tenue, même s’il avait du mal à concevoir qu’il ait pu l’enfiler de lui-même, étant bien trop timide pour ça. À tous les coups, il avait perdu un pari ou quelque chose dans ce genre-là. Après s’être assuré que personne ne les regardait, il lui adressa un petit sourire désolé, puis se tourna vers le bar pour se prendre un verre de vodka/jus de fruits, qu’il avala d’une traite. Ses quinze années dans l’armée l'avait doté d’une forte résistance à l’alcool et il n’avait donc pas peur de finir bourré ce soir-là, puisque pour ça il lui faudrait s’enfiler un bon nombre de verres, et ce n’était absolument pas dans ses projets. En revanche, s’il y en a un qui semblait déjà un peu amoché, c’était bien Cody. Étonnant, lorsqu’on avait déjà eu un aperçu du caractère plutôt réservé du jeune homme mais, après tout, Derek ne le connaissait pas depuis si longtemps que ça et peut-être s’était-il fourvoyé à son sujet. *Il faut vraiment que tu arrêtes de le regarder, ou tu vas attirer les soupçons.*, pensa-t-il en reprenant un verre. Il alla donc s’installer avec ses collègues, qui s’étaient assis un peu plus loin, et se mêla à la discussion, comme si de rien n’était, pour chasser l'agent aspirant de ses pensées.

Après sa petite remarque, le visage du jeune Cody vira au rouge pivoine, ce qui fit sourire Derek intérieurement. Extérieurement, il resta de marbre, comme à son habitude. Il aimait le voir rougir, il le trouvait tellement mignon. C’était aussi cette part de sa personnalité qui lui plaisait et qui lui donnait constamment envie de l’attraper pour lui pincer les joues ou simplement le serrer contre lui. Il ne pouvait cependant pas le montrer, ça n’aurait pas été acceptable, il était son supérieur tout de même. Et puis, après tout, il n’avait encore jamais eu de preuve concrète que l’aspirant avait une quelconque attirance pour lui. Certes, il avait surpris de nombreux regards un peu trop appuyés et avait bien remarqué que ses joues se coloraient lorsqu’il passait près de lui lors des entraînements quotidiens. C’est ce qui lui avait permis d’en déduire qu’il ne le laissait pas indifférent. Mais il n’en était pas certain à cent pour cent, peut-être se faisait-il simplement des films ?

Tout en sirotant son verre, il écoutait distraitement ses collègues, sans vraiment prendre part à la discussion. Il n’était pas d’un naturel très bavard, et avait de toute façon la tête ailleurs. Il aurait voulu se lever et aller voir Cody. Celui-ci semblait toujours être en proie à un profond mal être et avait l’air de s’être réfugié dans l’alcool pour oublier tout ça, puisqu’il tenait un nouveau verre entre ses mains. Mmmmh… Mauvaise idée. À vue de nez, sa résistance à l’alcool ne devait pas être très élevée et il risquait d’être mal assez rapidement. Derek n’était d’ailleurs pas le seul à l’avoir remarqué, puisque le collègue installé à sa gauche lui donna un petit coup de coude, à moitié mort de rire. « Je te parie qu’il gerbe avant la fin de la soirée. », dit-il en désignant Cody. Et il avait probablement raison. « Tu ne prends pas beaucoup de risques avec ce pari. », lui fit remarquer Derek sans même le regarder, puisqu’il cherchait quelqu’un du regard. Lorsqu’il eut repéré sa cible, à savoir Heyden,  il attendit qu’il passe près de lui pour lui attraper le bras et l’arrêter net. « Qu’est-ce qu’il s’est passé avec Matthews ? », demanda-t-il au gamin, qui était probablement la personne la plus proche de Cody parmi tous les aspirants. « Euh… Il a perdu un jeu, du coup les autres l’ont obligé à enfiler ce costume et là je crois qu’il est en train de mourir de honte. » C’était bien ce dont il se doutait. En poussant un soupir, il relâcha le jeune homme. « Essaie de le garder en vie, et dis-lui qu’il ne sera pas excusé s’il rate l’entraînement demain, peu importe l’état dans lequel il finit ce soir. », répondit Derek sur un ton relativement froid, tandis que le dénommé Heyden filait sans demander son reste. S’il avait pu, le turque se serait lui-même levé pour aller voir comment se portait ce petit gars aux cheveux roses, mais ça aurait été trop suspect, il n’était pas particulièrement connu pour se soucier de ses recrues.

Une demi-heure plus tard, l’état de Cody ne s’était pas particulièrement arrangé. À vrai dire, vu de loin, cela semblait même pire, ce qui était plutôt logique vu qu’il avait descendu un autre verre entre-temps. Prétextant vouloir aller aux toilettes - qui se trouvaient pas loin de l’endroit où se trouvait l’aspirant -, Derek finit par se lever et marcha vers Cody, du pas le plus naturel possible pour ne pas éveiller les soupçons. De toute façon, personne ne faisait vraiment attention à lui, ses collègues continuaient de boire et de rigoler, tandis que les recrues dansaient un peu plus loin, tous étant déjà assez amochés. Une fois arrivé à sa hauteur, il s’accroupit devant lui et planta son regard dans le sien. « Tu crois que tu vas survivre Matthews ? », dit-il en haussant la voix pour que le jeune homme puisse l’entendre malgré la musique qui était relativement forte.

En venant à la rencontre de Cody, Derek ne s’attendait pas à une telle réaction de sa part. Lorsqu’il le vit, le regard de l’aspirant s’illumina et un grand sourire étira ses lèvres. Preuve qu’il n’était vraiment plus dans son état normal, puisqu’il n’aurait jamais réagi de la sorte s’il n’avait pas eu le cerveau complètement embrumé par l’alcool. Le plus marquant étant sûrement la familiarité avec laquelle il s’adressait désormais à son supérieur, ce qui ne manqua pas de faire tiquer celui-ci. Fort heureusement, il était peu probable que quiconque ait pu l’entendre, sa voix étant en partie couverte par la musique. « Matthews, tu… », commença Derek, soudainement interrompu par l’élan d’affection de Cody, qui se jeta dans ses bras. Complètement pris de cours, le superviseur faillit tomber en arrière, et eut comme premier réflexe de poser sa main gauche sur le sol pour ne pas perdre l’équilibre. De sa main droite, il réceptionna fermement le jeune homme. Ce contact entre eux ne dura que quelques secondes. Quelques secondes durant lesquelles Derek, quelque peu désemparé, se laissa aller à apprécier cette étreinte. Son torse contre le sien, son odeur qui, étonnamment, restait plutôt agréable malgré les relents d’alcool qui s’y mêlaient. Quelques secondes interdites, volées au monde, qui volèrent en éclat lorsque l’aspirant recula d’un bond, comme s’il s’était brûlé. Cela suffit à Derek pour reprendre ses esprits et se relever. « Reprenez-vous agent Matthews, vous vous égarez. », dit-il sur un ton beaucoup plus sec et froid qu’il ne l’aurait voulu. Il était repassé au vouvoiement, instaurant instantanément une barrière entre eux. Il ne pouvait pas faire preuve de faiblesse dans un moment pareil, pas alors qu’il était entouré de ses collègues et des autres recrues. Néanmoins, après avoir jeté un rapide coup d'œil autour de lui, Derek fut soulagé de constater que personne ne semblait avoir remarqué ce qui venait de se passer.

Face à lui, Cody se confondait désormais en excuses, les joues rouges écarlates. On aurait dit un chiot, conscient qu’il avait fait une bêtise et qui était sur le point de se faire réprimander. Bon sang, si on lui avait dit que la soirée se passerait de la sorte, Derek ne serait probablement pas venu. Voir l’aspirant lui faisait plaisir, ce n’était pas le problème. Mais il n’était pas particulièrement à l’aise dans ce genre de situation et il ne s’attendait pas à ce que Cody, d’ordinaire si discret, se comporte de la sorte. Dire que cet abruti de Heyden avait continué à le laisser boire, alors que le turque lui avait pourtant demandé un peu plus tôt de s’occuper de lui. Ces gamins étaient vraiment tous des irresponsables, ce qui ne laissait rien présager de bon pour l’avenir du FBI. « Attendez-moi là. » Les idées désormais un peu plus claires après ce léger incident, Derek se mit en quête d’un verre d’eau. Le trouver fut plus difficile que prévu, puisque le bar proposait une multitude d’alcools, ainsi que de diluants, mais rien d’autre. Il dut finalement se rendre aux toilettes pour pouvoir remplir un verre au lavabo. C’est à ce moment qu’il croisa l’un de ses collègues qui, contrairement à ce que Derek avait cru, semblait avoir remarqué l’attention qu’il portait à Cody. « Pourquoi tu te préoccupes de ce gosse Derek ? T’es pas aussi sympa avec la bleusaille d’habitude. » Si cela était dit sur le ton de la rigolade, le turque décela malgré tout une pointe de soupçon dans la voix de l’homme, ce qui le mit immédiatement sur le qui vive. « Il est vrai, mais étant un minimum responsable, je n’ai pas l’intention de laisser une de mes recrues mourir d’un coma éthylique ce soir. », répondit-il froidement, en gardant un air le plus détaché possible. Cette réponse sembla satisfaire son collègue, qui haussa les épaules et quitta les toilettes. Instantanément, Derek se détendit et poussa un petit soupir de soulagement. Il prit ensuite quelques secondes pour reprendre contenance, puis retourna auprès de Cody, qui n’avait pas bougé d’un pouce, semblant encore complètement hébété par ce qui s’était produit un peu plus tôt. « Buvez ça. », ordonna le superviseur en lui mettant le verre d’eau dans les mains. Il savait que cela n’aurait aucun effet sur son taux d’alcoolémie, mais cela lui éviterait peut-être d’avoir trop mal à la tête lorsqu'il se réveillerait le lendemain matin.

Désormais installé près de Cody, Derek remarqua sans difficulté les larmes qui brillaient dans ses yeux, et son cœur se serra. Recroquevillé sur lui-même avec son verre d’eau dans les mains, il avait l’air plus fragile que jamais, prêt à s’effondrer à tout moment. Ses paroles étaient confuses, tandis qu’il continuait de s’excuser, mélangeant à la fois le tutoiement et le vouvoiement. Il ne savait décidément plus où il en était. « Arrête de t’excuser et bois ce foutu verre d’eau. », grommela Derek. Il était lui-même repassé au tutoiement, ne souhaitant pas non plus trop le brusquer. Si Cody se mettait à pleurer pour de bon, il n’aurait pas d’autre choix que de le laisser faire sans pouvoir intervenir, et ce n’était pas ce qu’il souhaitait. Il fallait cependant qu’il règle ce problème au plus vite, il n’allait pas non plus passer sa soirée avec l’aspirant, ça aurait vraiment été trop étrange aux yeux des autres. De toute façon, il ne pouvait pas faire grand chose de plus que de lui faire boire de l’eau, pas vrai ? « Bon, t’es grand, j’imagine que tu peux te débrouiller tout seul. » Il était sur le point de se relever, lorsqu’il sentit la tête du jeune homme se poser sur son épaule, tandis que ce dernier marmonnait quelques mots à peine audibles pour Derek. Eh merde, il ne manquait plus que ça. Instantanément, il se crispa et arrêta de respirer quelques secondes, comme un lapin qui aurait été pris au piège des phares d’une voiture. Puis il recommença à penser et attrapa vivement la jeune recrue par les épaules pour la redresser. S’ils n’avaient été que tous les deux, il n’aurait jamais refusé un tel contact entre eux. Mais ils n’étaient pas seuls, ils étaient au beau milieu d’une salle pleine de monde et ce comportement n’était absolument pas acceptable. « Je sais que l’alcool t’embrouille les idées Matthews, mais tu me feras une centaine de pompes et d’abdos demain pour manque de respect à un supérieur. » Il ne pouvait pas lui accorder de traitement de faveur sous prétexte qu’il avait un faible pour lui. Au moins cela paraîtrait moins suspect si jamais quelqu’un les avait vus.

La détresse du jeune homme se lisait désormais clairement dans son regard, et Derek se sentait totalement impuissant. La meilleure des choses à faire en cet instant aurait été de le ramener chez lui, mais encore une fois cela aurait éveillé trop de soupçons. De la même manière qu’il ne pouvait pas courir partout pour interroger les gens et tenter de retrouver les vêtements de Cody. Il n’avait même pas de veste à lui proposer, puisqu’il était simplement venu avec son veston. « Toi, à l’armée ? » Le turque haussa un sourcil en le dévisageant, surpris par la déclaration de l’aspirant. Il avait plutôt du mal à l’imaginer entrer dans les forces armées du pays, il n’avait pas vraiment le profil. Mais après tout, il avait lui-même croisé des gars comme Cody lorsqu’il était dans la Navy, alors pourquoi pas. Au moins cela leur faisait un point en commun, même si leur expérience devait être franchement très différente. « Bien, je suis désolé, mais je ne peux pas rester. » Avant que Cody ne puisse de nouveau faire quelque chose qui les aurait mis tous les deux dans l’embarras, Derek se releva précipitamment et alla rejoindre ses collègues. « Ça y est, t’as fini de jouer à la maman avec Matthews ? », le héla celui qui l'avait surpris dans les toilettes un peu plus tôt. Levant les yeux au ciel, Derek ne prit pas la peine de répondre à cette petite pique et se rassit à sa place initiale. Il reprit ainsi le cours de sa soirée comme si de rien n’était, tout en jetant parfois des regards à Cody pour s’assurer qu’il n’était pas trop dans le mal.

Plus le temps passait, et plus Derek assistait de loin au déclin du jeune homme, le voyant progressivement s’enfoncer dans son mal être. Au bout d’une heure, il n’y tint plus et décida qu’il était grand temps de faire quelque chose pour lui, peu importe ce que pourraient penser les autres. « Bon, c’est pas que je m’ennuie, mais je vais me rentrer. », lança-t-il à la cantonade, tout en se levant. Il ne devait pas être loin d’une heure du matin, et il estimait que c’était une heure acceptable pour s’éclipser. « Je vais ramener les plus mal en point, et je vous laisse gérer le reste des bleus. », annonça Derek avant de se diriger vers le groupe de recrues, repérant rapidement ceux qui n’étaient déjà plus en état de faire quoi que ce soit. « Toi, toi et toi, vous venez avec moi sans discuter. », ordonna-t-il en désignant trois gamins. Il n’avait pas particulièrement envie de se coller à cette tâche, mais c’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour pouvoir ramener Cody sans que cela ne paraisse trop étrange. Après s’être assuré que les trois loustics étaient bien derrière lui, il marcha vers celui qui le préoccupait et, une nouvelle fois, s’accroupit devant lui. « Allez Matthews, c’est l’heure de rentrer, bouge toi. »

Et voilà qu’il argumentait, alors que ce qu’on lui demandait était pourtant relativement simple et ne nécessitait pas de réflexion : lève-toi et marche. Derek n’avait de toute façon pas le temps de le prendre par la main, il avait quatre gamins complètement arrachés à ramener chez eux, ce qui lui prenait suffisamment la tête. « Je doute que tu croises l’amour de ta vie au détour d’une ruelle à une heure du matin, donc ta tenue n’a pas vraiment d’importe. Maintenant bouge si tu ne veux pas que je te laisse là. », lâcha-t-il sur un ton toujours aussi sec, avant de tourner les talons, ses trois recrues toujours derrière lui. Une fois sur le parking, il marcha jusqu’à sa voiture et fit en sorte d’entasser tout ce petit monde à l’arrière. « Je vous préviens, le premier qui gerbe sur mes sièges ira récurer les toilettes pendant un mois, c’est clair ? », dit-il en claquant la portière d’un geste vif. Il se tourna ensuite vers Cody, qui était resté un peu en retrait, l’air pensif. Après s’être excusé une énième fois, l’aspirant le salua et commença à s’éloigner. Derek le regarda faire pendant quelques secondes, l’air interdit. Aurait-il dû être plus clair sur ses intentions ou bien Cody était-il stupide au point de n’avoir pas compris qu’il allait le raccompagner chez lui, au même titre que les autres ? D’un pas rapide, il le rattrapa et l’attrapa par le bras pour qu’il fasse volte face. « Tu n’es clairement pas en état de rentrer tout seul, alors tu viens avec moi. » Sans lui laisser le temps de répondre, il l’entraîna à sa suite et le fit asseoir à l’avant de sa voiture. Bien, il ne restait plus qu’à raccompagner tous ces sales gosses désormais.

Après avoir réussi tant bien que mal à récupérer les adresses de chacun, Derek prit la route. Il lui fallut près d’une heure pour déposer chacune des recrues à son domicile, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que Cody, qui semblait avoir un peu retrouvé ses esprits. Avait-il vraiment envie de le ramener chez lui ? À vrai dire, pas tellement. Maintenant qu’il n’était plus que tous les deux, il avait envie d’en profiter sans avoir peur que quelqu’un les voit. Mais l’aspirant en avait-il seulement envie lui aussi ? Après ce qui s’était passé lors de cette soirée, Derek n’avait plus vraiment de doutes sur la nature des sentiments de Cody à son égard. Il ne se serait jamais montré aussi tactile s’il n’avait pas eu ne serait-ce qu’on once d’attirance pour lui. Cependant, il y avait une nette différence entre faire des choses lorsqu’on était sous l’emprise de l’alcool, et trouver le courage de les réitérer une fois sobre. Et la dernière chose qu’il voulait, c’était de le brusquer ou de lui faire peur. Mais dans tous les cas, il fallait qu’il dise quelque chose et vite, puisqu’un silence de plomb s’était désormais installé à l’intérieur du véhicule. « Vu qu’on est à l’opposé de là où tu vis et qu’il commence vraiment à être tard, tu peux passer la nuit chez moi si tu veux. » Il n’habitait qu’à quelques minutes de là, ce serait donc beaucoup plus simple d’y aller directement plutôt que de devoir se farcir encore une bonne demi-heure de route pour rejoindre l’appartement de Cody. D’autant plus qu’avec son salaire d’aspirant, son logement ne devait pas être bien fou. « J’ai une chambre d’amis. », s’empressa-t-il d’ajouter pour ne pas mettre l’aspirant mal à l’aise, même si, dans le cas présent, c’était surtout lui qui était légèrement embarrassé. Pour ne pas avoir à le regarder, il se reconcentra donc sur la route, jusqu’à ce qu’il se gare enfin devant le bâtiment où il vivait. Après avoir coupé le moteur, il se tourna vers Cody. « C’est comme tu le sens du coup. Si tu préfères que je te ramène, pas de problème. »