Le réveil n’avait pas eu besoin de sonner, j’étais réveillé bien avant que la sonnerie ne retentisse. Mera dormait paisiblement contre mon torse, j’adorais la regarder et je ne me fis pas prier pour profiter de ces quelques minutes de dormir avant de m’extirper délicatement du lit. Mon premier réflexe depuis bientôt deux ans était de me diriger vers la chambre de Junior pour m’assurer que tout allait bien. Lui aussi dormait à poings fermés, bien loin de se douter de toutes les terreurs que cachaient ce monde. Il m’arrivait souvent de me demander quel serait son avenir, dans ce nouveau monde ou rien n’était certain. Comment ne pas s’inquiéter, quand on ne sait pas de quoi demain sera fait. Notre l’avenir l’était déjà dans notre monde, mais ici, ça l’était encore plus. On évitait de trop en parler avec Mera, ce n’était pas sain et le plus important finalement, c’était de profiter du moment présent. Je refermais délicatement la porte de la chambre de notre fils avant de sortir à l’extérieur. La maison se trouvait près du phare, on avait eu la chance de trouver quelque chose de très semblable à ma maison d’enfance. Nous étions loin de tout et des regards, ce qui me permettait de pouvoir rejoindre l’océan sans trop me poser de question. Les eaux étaient colériques ce matin, mais cela ne m’effrayait plus depuis longtemps. En quelques secondes, je disparaissais sous les eaux pour une petite balade matinale. J’étais un fils de l’océan et elle m’appelait, j’était incapable de vivre loin d’elle. Deux heures plus tard, je rentrais à la maison, les bras chargés de viennoiseries que je déposais dans la cuisine avant de poser délicatement mes lèvres sur le front de mon fils. Mes bras s’entourèrent ensuite autour de la taille de Mera avant de l’embrasser tendrement. « Je vais me doucher, et je pars au boulot, la journée ne devrait pas être trop longue… »


L’aquarium ne désemplissait pas depuis les vacances et c’était une bonne chose parce que l’entretien coutait très , très cher. Il aurait été impossible de continuer à le faire vivre sans les visites… Rapidement, je m’éloignais de la foule pour passer dans les allées réservées au personnel. « Hey , vous allez bien ! » Les soigneurs me saluèrent avant de partir vaguer à leur occupation, tandis que je me changeais pour opter pour une tenue plus adaptée à celui de vétérinaire. «  Arthur, tu peux venir avec moi à l’enclos des tortues, j’en ai une qui a un problème sur sa carapace. » « ça marche… » Mes journées ne se ressemblaient jamais, c’était ça qui était intéressant.  3 heures après, je me trouvais en haut du grand aquarium, là ou aucun visiteur n’avait le droit de venir. Ça permettait aux plongeurs de partir nettoyer les vitres, aux soigneurs de nourrir, ou même d’attraper un animal blessé. C’était un lieu essentiel qui nous permettait de vérifier énormément de choses. J’étais en train de faire l’échographie d’une raie pour vérifier l’état de son foie quand une tortue apparut devant mes yeux. « Arthhhhuuuuurr !!! » « Coco, pourquoi tu cries ? » Ah cette tortue…. « Tu peux y aller Lary, tout va bien. » La raie qui était sur le dos, se retourna et plongea. « Merci Arthur… » « C’est parce que y a une folle en bas ! » Coco était du genre à faire souvent des histoires pour rien, mais là il semblait vraiment stressé. « Elle veut nous parler, mais nous non, on ne répond qu’à toi, elle croit quoi elle, qu’elle va nous gouverner, on est pas ses sujets, d’abord on est les sujets de personnes. Tim a décidé de lui faire les yeux de tueur, mais elle reste, dis-tu m’écoutes Arthur…. » Mais j’étais déjà en train de descendre pour regagner le bas de l’aquarium là ou se trouvait les visiteurs. Il ne me fallut pas longtemps avant de remarquer une jeune femme rousse qui faisait face à l’Aquarium. Tim se trouvait face à elle, et sa position surprenante intéressait un peu trop les visiteurs. « Je m’en occupe Tim, tu veux y aller. » «  T’es sur ? Parce que moi je la croque la rouquine. » « Tim, l’autre fois que tu as croqué Coco, tu t’es cassé deux dents. Allez vas-y, laisse-moi gérer. » « Mouais…. Je reste dans le coin quand même… » Tim arrêta de nager en rond et repartit faire sa vie dans le bassin tandis que Coco arrivait pour prendre sa place….  « Tu vois, je te l’avais dit.. » « Merci Coco. » « Je t’aime pas ! » Balança t’il à la rousse avant de partir pour essayer de côté fleurette à une autre tortue qui s’éloigna visiblement agacée. « Excusez les, ils sont du genre fidèles. » dis-je en tournant la tête vers une jeune femme rousse. « Vous cherchez quelque chose en particulier ? » Oui parce que tout les visiteurs n’essayaient pas de rentrer en discussion avec les poissons de l’aquarium.

La petite sirène… Je connaissais son histoire, mais je ne m’y étais jamais vraiment intéressé. Peut-être parce qu’il s’agissait d’un dessin animé avant tout dédié aux petites filles et que je n’avais jamais accroché, si ce n’est à Sebastien qui m’amusait. En tout cas je ne m’attendais pas à la voir débarquer dans mon aquarium. En vérité rien ne me disait qu’il s’agissait bien de la petite sirène, mais le fait qu’elle puisse dialoguer avec les poissons signifiait qu’elle avait un lien particulier avec le monde aquatique. Disons que c’était une hypothèse possible.

Visiblement mes petits protégés n’avaient pas apprécié l’intrusion de son esprit dans leur petit paradis. Ils savaient tous qu’ils vivaient en captivité, et si certains rêvaient d’océan, ils appréciaient la sécurité que leur offrait leur aquarium. Ici aucune prédation, j’y veillais, enfin à part quand un certain requin décidait de taquiner une tortue, mais ça ne finissait jamais mal. Il m’arrivait bien souvent de me dire que ce n’était pas leur place, qu’ils auraient dû se trouver dans l’océan, jouer avec les courants, nager entre les coraux, ressentir les marées…. Ici leur environnement était reproduit au mieux, mais ce n’était pas l’océan et ça ne le serait jamais. C’était une cage dorée, mais une cage quand même et je détesterais me trouver à leur place. Pour autant, je ne savais qu’aucun d’eux n’était capable de vivre dans la nature, ils étaient en captivité et ne connaissaient rien à la vie sauvage.

Mon regard quitta l’aquarium pour se poser sur la jeune femme qui se trouvait à mes côtés, je ne l’avais jamais vu avant. La seule chose que je pouvais déduire d’elle, c’était qu’elle était connectée au monde marin. Du coup avec sa chevelure rousse, impossible de ne pas penser au dessin animé. « Elle n’est pas là. » dis je en me demandant pourquoi ma mère ne m’avait pas prévenu de sa visite. Cela ne lui ressemblait pas, bien souvent, elle me prévenait toujours, histoire que je ne me retrouve pas comme un con à devoir gérer une situation sans que je ne connaisse les tenants et les aboutissants. « Bonne pioche. Et vous êtes? » dis je pour lui confirmer qu’elle se trouvait bien en face de la bonne personne, tandis que je me retournais pour lui faire face. « Ma mère ne m’a pas prévenu de votre visite. » Il allait falloir que je lui en douche deux mots, histoire de comprendre, ou peut-être n’était ce qu’un oubli, même si cela ne lui arrivait presque jamais. « Que puis-je faire pour vous ? »