echoes of a life, echoes of an old friend • ft. sanji

Tu t’étais endormi très rapidement après avoir mangé tous ces bons petits plats préparés par Sanji. Il était doué ! Tu n’avais jamais rien mangé d’aussi bon jusqu’à maintenant et pour sûr, tu ne comptais plus le lâcher. Surtout qu’il t’avait fait la proposition de te préparer à manger tous les jours, tu ne peux pas cracher dessus. Ça te changera des sandwichs moyens préparés par Ed’ en douce, lorsque tu lui fais comprendre que tu comptes encore te sauver en douce.
Comment tu t’es retrouvé au beau milieu de la salle de réception ? Tu ne sais pas trop, mais tu as ta petite idée lorsque tu t’es réveillé avec la veste du cuisto sur les épaules. L’intention te touche, te fait même rire. Tu aurais donné cher pour voir la tête qu’il a tiré, et tu l’as très vite retrouvé en cuisine, une fois ta sieste éclair faite. Après tout, il avait l’air d’être très intéressé par les bateaux de ton papy et tu devais toujours l’emmener voir un truc. Pour une faire une pierre, deux coups, tu lui avais proposé de venir chez toi. “Proposer” est un bien grand mot, car tu étais plus proche de l’obligation que de la proposition. Tu lui as donné ton adresse et tu as ricané en disant que de toute façon, dans cette zone-ci il va très vite te trouver, puisque vous êtes la seule maison dans les alentours.

« À ce soir ! » Tu avais filé à la deuxième tentative.
La première ayant échoué, car tu allais partir sans les caisses vides, donc tu as opéré un demi-tour.

Tu avais attendu ledit soir sans grande agitation, puisque tu avais en grande partie terminée ta nuit. Celle-ci même entamée au restaurant de Sanji. Tu l’avais fait dans une cadre plus confortable, couché dans le hamac de ta chambre. Tu n’étais pas passé à côté d’un sermon de ton papy, bien entendu. Après tout tu avais déserté ton poste de travail pour aller t’en mettre plein la pense et lui rapporter les caisses vides n’avaient pas suffi pour calmer sa colère. Ce qui fût salvateur pour toi, c’est qu’il était tout aussi fatigué que toi et finalement, le calme est revenu très vite dans cette petite maison au bord de la mer.

Un espace de vie suffisant pour deux personnes, étalé sur deux étages et encombré de plusieurs souvenirs. Vous avez beau vivre isolés du reste de la fourmilière urbaine, vous n’en êtes pas pour autant déconnectés, puisque la radio et la télévision assurent l’acheminement des nouvelles chez vous. Un choix volontaire de ton grand-père qui, même s’il n’avait probablement pas prévu de t’avoir dans son petit cocon personnel au tout début, préfère un cadre réellement reposant qu’une boite dans un immeuble. C’est sûr qu’ici, vous n’êtes pas dérangés par le voisinage et leurs bébés qui hurlent à la mort.
Tu étais réveillé depuis un moment et tu n’étais pas sorti. Tu attendais Sanji en flânant à la fenêtre et lorsque sa silhouette était entrée dans ton champs de vision, tu as eu un regain soudain d’énergie. Tu étais si pressé de le rejoindre, que tu as sauté par la fenêtre et tu n’as même pas remis tes tongs. “Miguel, y’a une porte ! Et tes chaussures, oh t’es fatiguant…” Ton papy est bien calé dans son fauteuil et il a passé une heure où ; il ne lutte plus. Il ne cherche plus. Il veut juste se reposer. Il a beau être en forme, ça fait bien longtemps qu’il n’a plus ton âge ni ton énergie.

« T’es en avance ! Tant mieux, mais… » Tu t’arrêtes et tu reprends en chuchotant, pour être certain que papy ne t’entende pas. « Faut juste attendre qu’il s’endorme, regarde. J’ai déjà piqué sa clé. » Fier de toi, tu montres ladite clé en ricanant et ce gloussement, tu ne le caches pas. Tu ne caches pas non plus ton excitation à l’idée de réaliser ce “casse” familiale, car tu te demandes s’il a ajouté de nouveaux objets à sa collection. De nouveaux bateaux miniatures, de nouveaux drapeaux, de nouvelles cartes de navigation, etc… Tu te demandes parfois si cette collectionnite aiguë autour de la mer n’est pas causée par des regrets ou si c’est une forme de nostalgie. Tu ne l’espères pas, parce que tu trouverais ceci assez triste. Si en plus, c’est ta faute parce qu’il a tout arrêté pour s’occuper de toi, tu te sentirais mal à l’aise. Furieux contre lui, mais mal à l’aise. Ce ne sont que des hypothèses. Comme il ne te dit rien et qu’il ne parle pas beaucoup de votre famille, pour ne pas dire “jamais”, tu ne sais pas ce qui s’est passé.
« Tu viens ? » Bizarrement cette fois-ci, tu fais le tour pour aller jusqu’à la porte d’entrée. Il y a beaucoup d’équipements de pêche entreposé dehors, mais aussi d’équipement à but sportif. Disons que vous avez un deal ; sur les quatre murs, vous vous êtes réparti la place pour vos affaires. Celles qui ne peuvent pas entrer à l’intérieur et toi, c’est toutes celles qui touchent aux sports nautiques. Voilier, combinaison de plongée, planches de surf, etc… Papy, c’est plutôt outils de travails, outils de bricolage, canot à réparer, ce genre de choses.

Avec Sanji a ta suite, tu marches dans le couloir et tu essayes, pour une fois car c’est dans ton intérêt, de minimiser le bruit que tu fais. Tu jettes un coup d’œil dans le salon et tu ne l’entends plus. « J’crois que ça y’est, il s’est endormi. » Chuchotes-tu, mais cette fois-ci plus difficilement, car il y a l’excitation de la réussite qui monte. « Faut aller à l’étage. » Et tâcher de ne pas le réveiller. Le plancher en bois omniprésent en guise de sol ne va pas vous aider sur ce point, mais ça ; tu ne le sais pas encore.

La joie que tu exprimes te rend presque sourd aux dires de Sanji. Tu étais content de le voir, parce que tu commençais à t’ennuyer à attendre. Si heureux que tu sois imperméable aux sous textes de ses mots. C’est même totalement à côté de la plaque tu les écoutes, pendant que son patron avait décidé de le récompenser pour son bon travail avec une journée de repos. « Tu as pu avoir ta journée pour te reposer alors, c’est cool ! » Tu ne les comprends pas comme il faut ou alors, ton optimisme et ton énergie positive ont pris les devants pour soulager la conscience du cuisto. Tu lui adresses une légère tape amicale derrière son épaule, alors que tu reprends assez vite : « Plus besoin de toi, c’est un peu fort. Il a besoin de toi. Il le sait. C’est pas toi qui m’disais que nos vieux se ressembler ? Ça n’va pas s’enliser à ça, t’inquiète. » Tu sais de quoi tu parles et c’est aussi pour cette raison que vous deux, vous vous rabibochez aussi vite. Si le vieux de Sanji est fait du même bois, alors il n’a pas à s’en faire.

Tu joues avec la clé, tu fais tournoyez l’anneau sur ton doigt, indifférent et insouciant à l’idée qu’elle puisse se perdre dans le sable où vous avez les pieds, puis finalement tu t’arrêtes lorsque le signal d’approbation est donné par le blond. Tu hoches simplement la tête et tu t’exécutes. Tu passes devant. Tu avais déjà oublié son étonnement et ses moqueries quand tu lui as dit que tu savais nager. Cela aurait pu te choquer, mais c’est comme si tu ne les avais pas écoutés. Ça te parait évident de savoir nager, quand on embarque sur un bateau. Aussi évident que ce soit comme pour marcher. Tu le fais tous les jours et pourtant, personne ne s’étonne que tu saches marcher.

Les ronflements étaient l’indice qui vous a donné le signal pour partir à la conquête du bureau.

Tu hoches la tête pour faire signe que tu avais bien compris, mais est-ce que tu réussiras à garder le silence ? Difficile à dire, tu es excité comme une petite puce. Tu as tellement hâte de redécouvrir le bureau de ton grand-père que, même si tu fournis des efforts pour rester discret et ne pas faire craquer le bois du plancher, tu contiens difficilement cet enthousiasme et tu piétines sur place.

Ta stratégie d’ascension est différente. Ce que tu préconises, c’est de ne pas trainer dans les escaliers, sous excuses que moins vous passerez de temps à gravir les escaliers, plus vous réduiriez les chances de l’entendre grincer. Ce qui est ; logique, d’une certaine manière. Pourtant force est de constater que vous avez beau avoir les intentions de discrétion les plus nobles, vous êtes cependant plus proche du Scooby Gang que du ninja actuellement.
La précipitation te fait appuyer un peu trop fort sur la quatrième marche et c’est comme si soudainement, tous les efforts de silence tombaient à l’eau. Même si tu n’en faisais pas beaucoup de ton côté, avouons-le. Tu poses ta main sur le poignet de Sanji, celui qui était sur la rambarde, pour lui faire comprendre d’arrêter et ton regard frétillant se fige sur l’encart de la porte menant au salon. Cette fois-ci, c’est toi qui fais signe de ne pas faire de bruit et tu n’auras jamais refléter une image aussi sérieuse de toi-même au cuisto qu’à cet instant. Probablement parce que tu sais que les colères de ton papy ne sont pas saines et que de tous les individus peuplant cette île, que ça soit dans cette vie ou dans ta vie d’avant, ça sera toujours ton grand-père qui te fera le plus peur. Qui réussira cet exploit à ébranler ta jovialité par sa simple présence.

Tu regardes le plancher et le faisceau de lumière en bas qui s’y étale. Il n’y a pas d’ombres gigantesques qui apparait et les ronflements reprennent. Tu soupires de soulagement, sans pour autant remercier le ciel, et tu reprends ton ascension avec les dernières marches. Tout aussi bruyante, mais tu te dis que la distance aide à les rendre moins audibles.

« À droite. » Chuchotes-tu en haut de l’escalier en faisant signe à Sanji la direction à prendre lorsqu’il l’atteindra à son tour. De toute façon, il va très vite te voir, car tu ne vas pas beaucoup plus loin dans le couloir. Tu insères la clé et tu étouffes le bruit de l’ouverture en superposant ton autre main sur celle qui trifouille la serrure. Tu grimaces en se faisant, n’étant vraiment pas habitué à ne pas faire de bruit. Tu cherches le sens et l’espace d’un instant, tu commences même à douter ; est-ce que tu as pris la bonne clé ? Oui. Techniquement oui. C’est quasiment la même que ta chambre, mais il y a un “B” à la place du “A” de marquer dessus.
Tu y parviens finalement et tu finis par y entrer en faisant signe à Sanji de te rejoindre le plus vite possible, afin que tu puisses refermer la porte derrière vous et vous y enfermer en cas d’urgence. Tu n’avais pas menti. Il y avait énormément de bateau miniature. Ton grand-père les collectionne bel et bien. Parmi ceux-ci, il y avait en effet un bateau à tête de lion en guise de proue, mais aussi accroché au mur, des armes, trois sabres colorés, des instruments de navigation, des boussoles sous verre, des étranges coquillages et surtout ; un chapeau de paille avec un pavillon accroché comme un vieux torchon.

Tu commences à faire le tour, à voir ce qu’il y a de nouveau et tu t’arrêtes sur la table-îlot au centre, où il entreposait de vieilles cartes maritimes. « Il en a trouvé d’autre, trop bien… » Dis-tu sans chercher à baisser le son de ta voie cette fois-ci. « Elles sont marrantes ces cartes, y’a des monstres marins dessus. J’savais qu’ils existaient ! » Si c’est sur une carte, c’est que c’est avéré !

Chaque pas dans ce couloir à l’étage te mettait en alerte. Parmi tous ceux-ci, un faux et s’en était fini de cette petite intrusion. Heureusement tu parviens à ouvrir le bureau et vous vous y engouffrez.

Tu laisses Sanji aller où il veut dans la pièce. C’est ton invité et même si toi-même, tu n’avais techniquement pas le droit d’entrer ici, il avait le droit de faire comme chez-lui. Tu te perds à contempler ces cartes. Tu en déplies plusieurs et tu suis les routes du bout de ton doigt. Tu ouvres ton téléphone portable, tu essayes de localiser où elles se trouvent, à côté de quelle pays grâce à d’autres de ce monde-ci juste à côté et tu t’évades un court instant. Ton imagination prend le dessus et tu te demandes ce qu’il y a sur chacune d’entre elles. Sur toutes ces îles. Tant pis si tu n’arrives pas à les localiser. Tant pis si le nom de ces océans ne ressemble à aucun autre connu.
D’une oreille plus ou moins attentive, tu écoutes Sanji. Tu écoutes ses questions et tu sembles totalement imperméable à toutes ces émotions qui le traverse. Tu ne te rends pas compte du cadeau que tu viens de lui faire, ni de tout ce que représente pour lui ce qui est entreposé ici. « Non je ne sais pas grand-chose. Papy m’en parlait avant, puis il a arrêté. Il voulait que j’me concentre sur mes études. Tout ce que je sais, c’est que ça fait des années qu’il rassemble tout ça. En négociant avec le musée, avec des virées avec Ed’, parfois même il en ramène depuis le large. »

Cette manie de ramasser tout ce que tu trouves au fond de la mer, ça vient de lui. C’est aussi lui qui t’a inculqué l’importance des choses. Le fait qu’elles ne partent pas aux oubliettes, mais tu sentais bien au fond de sa voix que lorsqu’il te racontait tout ceci, il était personnellement touché et triste.

« Roi des mers … Ça sonne bien ! Tu connais ces cartes ? Elles mènent où ? » Tu veux savoir. S’il y a une carte, c’est qu’il y a une route et celle-ci promet d’être fabuleuse. Ton attention revient entièrement sur Sanji et ce n’est que maintenant que tu le voies. Tu perçois cette même expression que ton papy quand il ressort de cette pièce. Tu commences à ouvrir la bouche, puis tu la refermes. Tu ne sais pas quoi lui dire. Tu n’es même pas certains d’avoir bien saisi ce qui traverse ton ami en ce moment même. Tu te contentes de garder le silence. De lui offrir un temps de recueillement ou quelque chose comme ça. C’est une bonne chose. Tu t’efforces à le croire.
Puis il revient, en colère. « Aïe ! Aïe ! Doucement ! » Sanji vient de te visser ce vieux chapeau de paille sur ta tête et tu te sens penaud. Tu ne comprends pas, tu clignes plusieurs fois des yeux et tu n’oses pas le retirer. Tu n’oses pas non plus contester ou trouver des explications à cet élan. Tu te contentes de rester figer et d’écouter. Tes yeux frétillent d’incompréhension et en même temps, tu ne sens pas bien.

Tu es subitement mal à l’aise, et ça se voit.

Moins de questions, plus en retrait, tu attends que le grand blond ait le dos tourné pour laisser tes épaules s’affaisser. Tu retires le chapeau de paille sur ta tête, mais ce geste ; tu n’expliques pas ce qui te traverse. C’est comme si tu venais de recevoir un coup, mais tu ne sais pas si c’est l’attitude de Sanji à ton égard ou si c’est le fait d’enlever ce chapeau de paille de ta tête qui a provoqué cette sensation.

« Oui. Je m’en souviens. Je me souviens aussi que tu m’as parlé de ton équipage. » Tu reviens dans la conversation et tu poses ce chapeau sur la table, celle où tu avais déplié les cartes et laisser ton téléphone. Tu te rapproches de Sanji pour regarder le bateau qu’il a entre ses mains. Tu le regardes faire et tu souffles un sourire en entendant Monsieur Tournesol. « C’est pas fou comme nom, Monsieur Tournesol. C’est pas une plante verte. » Pourquoi tu te sens indigné d’un tel surnom. Ce n’est pas ton bateau. Pourtant ça t’apaise, de le voir face à mer. De voir le cuisinier aussi précautionneux avec celui-ci. Tu le sens, dans ses gestes et ses intentions, qu’il aime énormément ce navire.
Ton sourire revient et celui-ci gomme ces tourments qui avaient commencé à s’installer. Cette tristesse. Tu ouvres le second battant de la fenêtre et tu t’assois au bord de celle-ci. « J’ai jamais vu quelqu’un parler avec autant de bienveillance à un bateau. Tu dois vraiment beaucoup aimé être dessus et il doit énormément te manquer. J’suis désolé pour toi. » Il a agi sur le coup de l’émotion. Tu ne lui en veux pas de t’avoir secoué. Ça ne t’a même pas traversé l’esprit. Ça t’a fait juste tout drôle. Tu jauges la hauteur qui vous séparer d’ici au plancher des vaches, et tu glisses un peu à contre-cœur : « Tu peux le prendre avec toi, si tu veux. Y’en a tellement ici, j’suis sûr qu’il ne remarquera rien. »

Au pire tu trouveras un bobard pour couvrir ce cadeau.

Tu as été secoué, c’est vrai. Pourtant tu ne fais pas de commentaire. Pas même lorsque Sanji s’excuse auprès de toi pour son comportement. Tu te contentes de revenir parmi nous, de sourire, d’hausser les épaules. « C’est pas grave, t’inquiète. J’comprends. Vraiment, j’dis pas ça pour te faire plaisir. » Ce n’est pas le premier à te secouer les puces ou à surréagir face à ton comportement dans ton entourage. Ce ne sera probablement pas le dernier non plus. En plus de ça, tu peux comprendre que passer son temps à attendre, ça devient vite pesant. Cette impression de tourner en rond, de perdre son temps, de ne pas avoir l’action immédiatement. « J’ai l’impression de passer mon temps à attendre aussi et j’sais même pas après quoi. Au bout du compte, j’me demande si ce n’est pas une excuse pour … j’sais pas, aller de l’avant. Un truc dans le genre. Et ça me frustre. » À la différence près, c’est que tu n’obliges pas qui que ce soit à porter des trucs sur un coup de nerf. Disons plutôt que tu es comme une cocotte-minute. Tu laisses couler beaucoup de chose, la pression monte et il suffit d’une provocation mal placée pour que ça parte.

En tout cas, ce qui peut paraître étrange, c’est cette ouverture. Dans ta vie passée, tu ne t’ouvrais pas comme ça. Tu ne mettais pas de mots sur ce que tu pouvais ressentir, si bien que personne n’était capable de comprendre ce qui se passait dans ta caboche. En revanche toi, Miguel, tu y arrives. C’est un exercice compliqué, car tu rencontres toujours cette difficulté à choisir les bons mots, mais dans certaine condition, tu t’ouvres. Tu dis ce qui se passe à l’intérieur de cette caboche. C’est ta manière à toi de prouver que tu fais confiance à l’autre.
Sanji décline ton offre et tu le vois remettre le bateau de ton papy à sa place. Tu le regardes faire en souriant, tu l’encourages presque du regard, parce que tu sens que tu l’aurais mal vécu, si ce bateau était parti en dehors de cette pièce. Au-delà du fait que tu aurais pris une rouste de la part de ton grand-père. Puis il revient et t’explique la destination de ces cartes. Attentif, tu écoutes et à la mention de trésor, ça te donne un regain d’intérêt. « C’est quoi comme trésor, le One Piece ? Ça ressemble à quoi ? A une couronne ? Si c’est pour devenir roi à la fin, ça doit donner du pouvoir. » Autant tu avais plutôt bien cerné ce qu’était All Blue, puisque sa description te faisait imaginer une mer où toutes les autres se rejoignent. Même si tu ne l’avais pas vu sur la carte.

Est-ce que ton grand-père était au courant de tout ça ?

« Hm … » Tu croises les bras, tu fermes les yeux et tu appuies ta tête contre le pourtour de la fenêtre, sur laquelle tu t’étais assis sur son rebord. Tu fouilles dans tes souvenirs, ceux où tu avais encore le droit d’aller dans cette pièce, et tu essayais de te rappeler ce qu’il te disait quand il te montrait ces bateaux, ces objets ou qu’il t’apportait des explications quand tu lui posais des questions, alors qu’il te portait dans ses bras et que tu étais encore suffisamment léger pour lui. « Je crois que … Il m’a parlé une fois de cette histoire de roi des pirates. Ça fait un moment maintenant et j’crois que ; il arrêtait après ça. Il ne voulait plus en parler quand il a vu que ça intéressait énormément Erik. » C’est flou. Tu n’es même pas certain que Erik était là, en fin de compte. Son absence te pèse tellement, que tu as commencé à avoir des doutes sur tout vos souvenirs en commun.
« J’y penserais ! J’espère que tu vas suivre la cadence, c’est un gros mangeur aussi. » Par “aussi”, tu sous-entends que toi-même, tu as conscience de vider un peu trop vite les frigos. Ça ne te perturbe pas plus que ça en revanche, puisque tu estimes qu’avoir bon appétit, c’est une façon d’honorer le travail d’un cuisinier. « Ah oui, c’est vrai ! J’ai failli oublier avec tout ça ! » T’exclames-tu, trop fort même. Si bien que ta voix porte, traverse les murs et peut-être même les étages. Sauf que vous, où vous vous trouvez, vous êtes incapables de dire si tu as réveillé ton papy ou non, à gueuler de la sorte.

Tu ne t’en inquiètes pas pour le moment et tu reprends ; « J’voulais t’emmener à la Grotte du Mouton. Tu connais ? » Très peu probable, mais qui ne tente rien n’a rien. C’est possible en revanche que Sanji en ait entendu parler, mais de la manière que toi. Les marins voient un coupe-gorge dans cette grotte, car elle est un véritable piège pour les insouciants qui ne font pas attention aux marées.

Son incapacité à répondre à ta question te rend d’autant plus perplexe quant à la nature de ce fameux trésor. Ce “One Piece”. Tu l’imagines sous différentes formes, toutes plus exubérantes les unes après les autres. Il doit être impressionnant ou très puissant, pour que tous les pirates lui courent après. Peut-être que d’autres personnes pourront te répondre, si tu les interroges ? Si tu n’oublies pas entre temps. En tout cas tu n’es pas mieux lotis de ton côté, car tu es tout aussi incapable de répondre à ses interrogations. Tu lui apportes quelques éléments, mais rien de fou. C’est toujours mieux que rien et puis, ça te donnera l’occasion de creuser ce sujet. « Ouai, c’est … » Compliqué. Tu es chafouin à chaque fois que tu en parles. Tu lui en veux, un petit peu, d’être parti comme ça en te laissant sur le rivage comme un voleur. Papy était tellement furieux, qu’il lui a interdit de revenir chez vous, mais bon ; tu sais qu’il ne le pense pas. Qu’il a juste essayé de le secouer. « Un bon ami de la famille. Il vivait parfois ici, parfois chez Ed’, puis il s’est cassé sans prévenir personne. » Tu es amer en disant ça. Voir assez froid, cru. Tu n’es pas rancunier, tu sais que tu lui pardonneras assez vite, mais tu ne comprends pas toujours sa logique et sa façon de penser.

Tu te confortes dans l’idée qu’il devait avoir ses raisons.

La nourriture, ça te remet de bonne humeur. Tu l’écoutes et tu rigoles : « Tu auras l’occasion de les écouler, ne t’en fais pas. Il adore ça, le poisson ! La viande rouge aussi. En revanche, il déteste les légumes. » Tu as très peu vu ton papy manger des légumes. Alors que le comble, c’est qu’il te force à manger les tiens. Ce que tu fais, parce que toi à partir du moment où c’est comestible, tu le manges.

Pour confirmer ses dires, tu hoches la tête avec un grand sourire. Toi, elle ne te terrifie pas, cette grotte. Elle est même plutôt reposante, justement parce que peu de monde vient la visiter. Surtout en pleine nuit. « Elle n’est pas si dangereuse. Faut juste pas s’y blesser, parce que y’a pas de routes et c’est pas facile d’apporter un brancard là-bas. Mais oui ! La nuit, c’est mieux. Parfois, la mer s’illumine, à cause des bestioles et des poissons dans l’eau. » Tu pourrais aussi lui dire qu’il y a une histoire de fantôme autour de cette grotte. D’esprit qui hante les eaux, de rires qui ricochent sur les parois, entre terre et mer. Mais tu n’y penses pas ! Ce n’est pas la première chose qui te traverserait l’esprit en tout cas, si tu veux présenter cet endroit.
Tout en expliquant, tu t’es mis à faire de grands gestes. Tu as même manqué de passer par la fenêtre à cause de ton propre élan, mais tu t’es très vite rattrapé. Tu t’es agité, en oubliant que vous n’aviez pas le droit d’être ici. Toi particulièrement, parce que tu n’as même pas prévenu Papy que tu avais invité Sanji à venir à la maison et comme il dormait quand tu as accueilli ce dernier…

En tout cas, tu n’as rien entendu. Tu n’as pas de pouvoirs, ni de Haki. Tu ne peux que te fier à tes oreilles et tes yeux d’humains parfaitement normal, complètement banal. Tu penches un peu ta tête sur le côté en voyant Sanji ne plus répondre et fixer la porte d’entrée. « Hm ? » C’est en le regardant faire que tu te décides de te concentrer un peu plus. Tu tends l’oreille et tu entends qu’effectivement, les escaliers craquent. Quelqu’un est en train de monter et il n’y a personne d’autres dans cette maison que vous deux et ton grand-père.

« Oh non, pas d’jà. » Lances-tu en grimaçant et en commençant à paniquer. Tu ne pensais pas qu’il se réveillerait si vite. La porte, c’est cuit. Il va vous voir en ressortir. Tu te pousses alors de la fenêtre, tu fais quelque pas, tu poses ta main dans le dos de Sanji et tu l’entraines vers la fenêtre. « J’pense que t’a besoin de t’reposer. Elle n’va pas s’envoler ni s’effondrer, on ira un autre jour. Passes devant, j’te suis. » Le blond va gouter à ton petit plaisir de passer par les fenêtres. Après tout, c’est extrêmement facile, puisque dans tous les cas si vous sautez, il y a du sable à la réception, donc ce n’est même pas douloureux. Même si le mieux reste de se servir de ce poteau pour l’antenne, afin de se laisser glisser jusqu’en bas. Tout est à portée pour facilement comprendre pourquoi tu aimes passer par là, plutôt que par les portes.

Cependant !
À croire que tu sais mentir parfois.

Tu as fait exprès de le laisser partir devant, puisque dès que Sanji arrive sur la plage, à l’extérieur, tu refermes la fenêtre et tu restes à l’intérieur. Le timing était presque trop parfait pour que cela soit totalement une coïncidence. Elles ne sont cependant pas bien épaisses et il est facile d’entendre que ton papy est furieux contre toi. Il est en colère, et ce n’est pas une colère “gentillette”, un caprice un peu fort en gueule. Non ; c’est une véritable colère, noire et violente. Tu ne restes pas inactive devant celle-ci. Ta silhouette repasse parfois devant la fenêtre, ce qui laisse à croire que tu es en mouvement. Que tu évites quelques choses, avant que très vite ton papy entre dans le champ de vision. Un bordel à l’intérieur qui s’estompe d’un coup. Il a crié une dernière fois, avant qu’un calme tombe. Comme une chappe de plomb et que plus rien ne se passe devant cette fenêtre. La lumière s’éteint, on n’entend plus rien.
Après quelque seconde, la lumière s’allume, mais à une autre fenêtre. Des choses sont jetés, avec violence et là, cette fois ; c’est toi qui cries de colères. Une seconde, puis à nouveau plus rien.

Plus rien ne se passe. Tu t’es probablement endormi.