The Wonderland (Natsu)

« Mais puisque j’vous dit que c’vrai ! J’suis pas un menteur ! »  

Cette phrase, tu l’as dite mainte et mainte fois. Tu l’as répété, car tu ne voulais pas démordre. Tu sens ton sang bouillir, à chaque fois que tu entends des rires. Tu es un petit plaisantin. Un taré. Tu as bien ta place ici, pensent les soi-disant plus censés. C’est eux qui te rendent fou. Ils ne te croient pas, quand tu lui racontes tes histoires de dragons, de mages, de guildes ; de démons. Tu es un menteur à l’imagination débordante. Un fantasque impulsif et violent. “Tiens, prends ça.” Te demandes doucement une infirmière en sentant que tu commençais à monter en température. Un simple calmant, pour inhiber ta fureur. C’est dégueulasse. Ça te reste en travers de la gorge, mais tu dois te tenir tranquille si tu veux sortir de cet asile.
Tout te reste en travers de la gorge.

Tu étais retourné dans ta chambre, parce que tu n’avais pas envie de te mêler à ces nazes. Tu attendais plus ou moins sagement, mais tu ne savais pas quoi. Alors tu ne tenais pas en place et tu commençais à faire les cents pas, tel un lion en cage. Cet endroit est sympa. Le seul bémol, c’est que tu ne peux pas aller et venir comme tu veux. Tu ne peux pas faire tout ce que tu veux non plus.

Elle revient, l’infirmière. Elle te dit simplement : Tu as de la visite. … « Quoi ? » Toi ? De la visite ? De qui ? Tu ne connais personne en ville, tu viens juste d’arriver. Tu n’as pas vraiment eu le temps de faire le tour du voisinage. Tu as même une crainte qui vient te tirailler l’estomac. Si c’était Lui , ta visite ? Si c’était ton ainé, qui avait finalement trouvé un moyen de te rejoindre dans cet autre monde. Cette idée mue en obsession et l’obsession te paralyse. « Un type tout en noir ? Avec une gueule qui me ressemble ? » - Non, un grand blond.

Hm. Ça, c’est bizarre. Quel grand blond ? Ça t’intrigue, tu veux savoir et c’est pour cela que tu la suis. Elle n’aura ainsi pas besoin de te forcer à la suivre.

Tu arrives à cette salle et dès que tu vois sa silhouette au travers de la vitre, tu sens un choc qui te traverse, mais aussi un nœud au ventre. Comme si tu venais de voir un revenant, parce que pour toi, c’est le cas. « C’est pas possible… » Tu ne veux pas croire à ce que tu vois, mais en même temps tu en as envie. Tu as envie que ce ne soit pas une mauvaise plaisanterie ou les effets secondaires de ces médocs qu’ils te donnent pour calmer tes nerfs. Tu redresses le col de ta blouse en vitesse pour cacher l’emblème de Tartaros dans ta nuque, puis tu entres. Tu t’assoies, tu ne sais pas quoi dire, tu es encore en train de plisser les yeux et tu sens.
Tu sens son odeur, ce n’est pas un imposteur. Cette odeur électrisante, c’est bien la sienne. Quoi qu’elle soit légèrement différente. On te laisse seul avec lui, comme il l’a demandé tu supposes et tu sens des larmes commencer à monter aux yeux. Toi qui ne pensais plus en avoir, il t’en restait encore quelques-unes en réserve. « Salut Laxus. Je n’pensais pas te revoir, ha ha ! Ça fait du bien, de voir un visage fam- ! » Il fait signe de te taire et tu mets tes mains devant ta bouche pour empêcher tes mots de passer.

Ton rire avait quelque chose de triste et de joyeux à la fois. Tu ne sais pas si tu es en train de rêver ou non, mais dans tous les cas si tu dors, tu ne veux pas qu’on te réveille. « Oui ! Ils pensent que je mens, que j’invente tout, mais c’est vrai. Tu vas leur dire, hein ?! » Tu t’emportes et tu claques les mains sur la table en te levant : « Leur dire qu’elles sont toujours là, les fées. Que le dragon de l’apocalypse, il a … Il a … Brulé… Les fées. J’ai rêvé. J’ai fait un drôle de rêve, où mon chez moi à bruler. Il y avait une guerre entre mages et mes amis, ils se sont battus. Ignir, il a repoussé Achnologia, avec tous les autres dragons, il m’avait mis en garde contre E.N.D. » Plus tu racontes, plus tes souvenirs te font défauts. Enfin non ; pas réellement défaut. Bien au contraire, tu le vois, tu t’en souviens, mais tu ne veux pas y croire. L’énergie baisse et tu te rassoies. « Je ne mens pas. »

Tu t’emportes et tu ne fais pas attention. Tu t’emportes parce qu’une joie sincère te traverse. Une satisfaction également de constater que tu as eu raison de t’accrocher. Que tes dires peuvent être concrétisés. Tu n’es pas juste un illuminé impulsif, tu sais ce que tu racontes. Tu essayes de t’accrocher à cette confiance du moins. Tu n’avais jamais douté jusqu’à maintenant, mais tu ne comprends pas tout ce qui se passe autour de toi. Tu n’as pas tous les éléments, tu sors d’un somnambulisme qui a duré trop longtemps. Tu essayes de ne pas laisser la rationalité s’inviter dans ces retrouvailles, mais elle pousse. Elle pousse, parce que tu es conscient que si cela est possible, c’est parce que ce n’est pas vraiment ton Laxus à toi. De chez-toi. Tu t’efforces de te dire que ce n’est pas grave, que ça ne change rien, que même si c’est d’autres mondes, vous appartenait à la même guilde. Tu t’accroches à ça, reniant le fait que non. Tu ne les as jamais quittés.

Cette excitation, cette joie, elle t’enflamme ! Un brasier réconfortant qui t’envahie et dont les flammes débordent à chacun de tes mots, provoquant de petites étincelles à chaque fois que tu ouvres la bouche.

Tu te rassoies, tu écoutes. Tu ne cherches pas à canaliser ce flot, parce que tu ne sais pas comment faire. Ça fait bien longtemps que tu ne te sois jamais senti aussi joyeux, aussi naturel. Pour toi, cette histoire de tournoi entre membres, c’est de l’histoire ancienne. Tu l’as oublié il y a longtemps, car tu es persuadé que ce n’était pas motivé par de mauvaises intentions. Tu étais même triste et choqué par la décision du vieux de bannir Laxus. C’était injuste. Ce n’était qu’une grosse bêtise. Vous en avez fait bien d’autres, comme démolir des bâtiments entiers. Tu étais content de le voir revenir pour vous aider contre ; tu reviens sur terre. Tartaros. Les démons.
Tu clignes plusieurs fois des yeux et tu écoutes. Ton ouïe surdéveloppée te permet d’entendre très clairement les mots du grand blond, alors que le ton est celui de messe-basse. Ta raison te rattrape, parce ce qu’il te dit te confirme que ce n’est pas vraiment lui. Enfin si ; ça reste Laxus, mais pas le tiens.

Cette jovialité dans ton regard s’étiole, doute, mais naïvement tu ne peux pas ignorer ses paroles. Il te pardonnera, hein ? « Merci. J’allais finir par croire que j’étais vraiment taré. » C’est vrai. Ils ont bien failli te faire changer d’avis, te faire douter. Tu en ries, parce que tu veux t’accrocher à la joie d’avoir eu raison. Tu hoches la tête, oubliant un instant que tu n’y échapperas pas. Que tu devras lui expliquer certaine chose, mais pour le moment tu te laisses galvaniser par ses propos. « T’as pas besoin de me l’demander. J’te fais confiance. » Ça t’avait manqué. Cette unicité si particulière que vous aviez entre vous, à Fairy Tail. Même éloigné, même s’il y a des mondes qui vous séparent, vous restez soudés. Ça t’avait manqué au point que tu gardes cette fébrilité dans ta voie. Tu cesses de soutenir son regard au bout de quelques secondes, tu baisses la tête et tu regardes sa main posée sur la tienne. Tu clignes des yeux, elle change. Plus féminine, avec un tatouage rose sur le dessus. La réalité ne cesse de te donner des claques, alors que tu t’efforces de l’ignorer, mais là c’est top.

Toi, tu les as abandonnés.

« Ok. » Dis-tu après avoir pris une bonne inspiration pour faire du clair dans ton esprit. « Après que tu es tombé dans le coma, on a pris d’assaut Tartaros. Les autres guildes nous ont prêté mains-fortes et je me suis détaché du groupe. J’ai foncé, quoi ! » Tu te frottes l’arrière du crâne et tu te mets à rigoler. Comme à ton habitude, tu n’as pas fait attention. « J’ai fini par atteindre le cœur de leur Q.G. Ça ressemblait à une grande bibliothèque et … Il était là. J’savais pas au début, il m’a dit que j’étais pas prêt et il avait c’bouquin contre lui. J’pensais que c’était leur maître, mais pas du tout. Il s’est barré et on a continué. On n’a fini par vaincre tous les démons, même leur maître, mais ça a attiré Achnologia. Alors Ignir, Grandine, Metalicana et les autres dragons disparus, ils sont réapparus d’un coup. Ils ont mené un assaut frontal contre Achnologia et… » Et tu revoies ton père empalé par les griffes du dragon apocalyptique. Tu le revoies chuter du ciel, toi qui le pensais invincible. « Ignir est mort. Il l’a tué. »

C’est très étrange pour toi de raconter ceci. Tu ne ressens pas de tristesse, tu sens surtout de la colère. Une haine insatiable contre ce foutu Achnologia. Tes poings se serrent et une amère sensation d’inachevée, de défaite, te prend alors. C’est vrai que maintenant que tu y penses, tu n’en as pas fini avec lui. « Après ça, le maître a décidé de dissoudre la guilde. On n’a été séparé pendant un an pour s’entrainer, parce qu’il ne le sentait pas. Au bout de ces uns ans, on a été rappelé parce que des mages d’un pays étranger avec déclarer la guerre à Fiore. Il est revenu à leur tête et ce bouquin. Il m’a dit que je ne devais pas être triste. Qu’il allait m’aider. Que j’étais son petit-frère. Qu’il m’attendait. Il m’a tendu ce bouquin et j’ai … Je ne sais pas, c’est comme si je m’étais endormi. »

Tu t’arrêtes et tu jauges. Est-ce que ce soutien, il sera encore là ? Tu étais tellement en train de chercher tes mots pendant ton récit, que tu as oublié de mentionner le principal. Le nom de ce grand-frère. Tu l’as oublié ou ton subconscient l’a volontairement fait, tu l’ignores. « La dernière chose dont je me souviens, avant de me réveiller dans cet hôpital, ce sont les cris de Lucy. Des cris de douleurs et une odeur de soufre. Je pensais qu’en me réveillant, ouai ; J’allais vous voir. J’allais être chez moi. Au lieu de ça, j’me suis retrouvé à devoir rendre des comptes à des gens qui ne croyaient pas en la magie. Qui ne croyaient rien de ce que je racontais. »
C’était extrêmement frustrant, au bout du compte. Cette impression constante de passer pour un menteur. Imbécile, tu t’en fous. Ça ne t’a jamais intéressé de chercher plus compliquer que cela ne l’était déjà. Mais menteur ; tu l’as plutôt mauvaise. Tu serais incapable de sortir des bobards aussi énormes, surtout quand tu es persuadé de dire la vérité. « J’suis même pas sûr que j’devrais te dire tout ça. En faites, quand Arbaless nous a attaqué, tu étais rétabli. Tu étais avec nous. »

« Merci. Je … Je me réconforte en me disant qu’il est parti comme un roi. » Dignement, au combat, pour tous vous protéger. Pour forcer le dragon de l’apocalypse à battre en retraite et vous permettre de savourer votre victoire sur Tartaros. Tu as hérité de son feu, il coule dans tes veines. Alors tu te confortes en te disant qu’il ne t’a pas réellement quitté et que son esprit est toujours là, à bruler en toi. Que c’est peut-être même lui qui a rompu le lien et qui t’a permis de revenir à toi.

Tout sort. Enfin, presque. Tu racontes et masques une part de vérité, mais tu ne mens pas. Tu ne te souviens pas de tout et tout ce que tu viens de dire, c’est ce dont tu es sur.  Ton subconscient en revanche est prudent lui. Il ne mentionne pas Zereph, E.N.D, la fin. Un part de toi, silencieuse et inconsciente, garde en tête que ce n’est pas ton Laxus. Que tu dois être méfiant, parce que tu ne sais pas comment il va réagir face à ton récit, comme une sorte d’instinct animal. Tu te tais à la fin de ton récit. Tu peines à croiser son regard, parce que raconter ces souvenirs, tes souvenirs, permet également à cette honte de ressurgir.
Laxus finit par le dire. Par dire que tu n’es pas le Natsu qu’il cherche et ça te fait mal. Tu le savais, mais tu voulais y croire un peu. Tu inspires en faisant une grimace. Une sorte d’esquisse interrompu par la perplexité. « Je sais. Je m’en suis douté. » Un rire amer s’échappe et alors que tu fuyais son regard pour garder ta dignité, tu redresses aussitôt la tête en l’entendant.

Tu clignes plusieurs fois des yeux et tu te mets à sourire comme un idiot. Un sourire joyeux, radieux, plein d’espoir. « Merci ! Merci beaucoup ! J’veux simplement rentrer chez moi, chez nous. J’veux plus être tout seul. » Tu es tellement reconnaissant que tu veux t’incliner. Mais tu es assis et qu’il y a une table dans la trajectoire de ton front. Une table à laquelle tu mets un bon coup de boule. Que tu fissures, à cause de la force et de la vitesse d’exécution. « Aïe-aïe-aïe … » Ça t’échappe et tu frottes ta tête, qui n’a qu’une rougeur bien marquée en guise de trace. Casser le matériel ne t’inquiète pas, car ce n’est pas la première fois. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle on te traite de garçon à problème dans ce monde, car tout autour de toi semble fragile et friable. Tu casses tout, parce que tu ne maîtrises pas tes flammes et ta force lors de tes coups de colère, ce qui commence à avoir un coût non-négligeable pour l’hôpital.

« Oui, mais ils ne veulent pas que je m’en sers. D’ailleurs, ça m’fait penser ! Quand on sortira, faut que j’te demande un service ! »

Le bouquin. Ton bouquin.
Il est là, quelque part dans cette ville, mais tu ne sais pas où. Tu le sais, parce qu’il est tombé en même temps que toi dans cette brèche. Tu as bien trop peur qu’il retombe entre de mauvaise main, maintenant que tu as compris comme cette merde fonctionnait. Il faut que tu le retrouves et que tu gardes la main dessus. Ainsi tu seras assuré que personne ne s’amusera à jouer avec ta vie et ton esprit.

Contrairement à Laxus qui essaye d’être discret, tu ne fais pas beaucoup d’effort de ton côté. Tu es tellement regonflé par ses encouragements et sa bienveillance à ton égard, que tu oublies que vous êtes sous-surveillances. Heureusement de loin, la conversation n’est pas claire. Laxus n’est pas audible et donc, ils n’ont pas connaissance des questions qu’il te pose. « Quand j’suis tombé ici, y’avait le bouquin. Il était là, mais j’sais pas où il est. Faut le récupérer, c’est très important. » C’est tout de même ironique. Le seul objet de ton monde d’origine qui t’a suivi et donc, qui a survécu à la destruction de ton univers, c’est celui-là même qui est à l’origine de ta manipulation. Tu aurais aimé avoir autre chose. Une clé d’or, par exemple. La besace de ton chat. Le collier de ton rival. Même un verre de ta guilde. Non au lieu de ça, tu as eu cette merde, comme un ultime crachat du destin. Tu pourrais le mépriser, mais tu y as une certaine forme d’attache. Ça reste un souvenir matériel, aussi déplaisant est-il. « J’peux faire fondre les murs, s’il faut, ou les exploser ! Je sais réutiliser la combinaison de tes éclairs et de mes flammes à volonté maintenant, mais on m’a dit de pas m’faire remarquer, alors … » Tu hausses les épaules. Ce serait parfaitement dans tes cordes, mais tu aimerais éviter de démolir le seul toit sous lequel tu es sûr de pouvoir retourner pour le moment.