I am a slave to love!! ∞ Nami

Aujourd'hui encore, après son service du midi, Sanji a apporté un repas à Takeshi. Au menu : du poisson, de la viande, un peu de riz comme bien souvent, et, pour une fois, une douceur sucrée en dessert. Il ne manque jamais ce rendez-vous improvisé, car si personne ne prend soin des Mugiwaras amnésiques, qui le ferait ? Chacun semble pourtant bien s'en sortir sans les attentions de Sanji, mais il insiste, pour des raisons qu'une personne extérieure ne pourrait sans doute pas comprendre. Vers quatorze heures, il repart en train vers le nord. Le vieux lui a réservé une agréable surprise : Sanji est réquisitionné pour le reste de l'après-midi pour un nettoyage complet du restaurant, de la salle à la cuisine. "Ça empeste la clope, j'vais te faire passer l'envie de fumer dans mes cuisines, Sanji !", avait-il aboyé ce matin. Et il n'avait pas tort...

Le train file à toute allure, bondé de passagers, et Sanji doit supporter d'être collé à des inconnus. Une main agrippée à une barre centrale, il utilise l'autre pour discrètement faire défiler son téléphone, répondant à quelques messages. Quel outil pratique ! Cela l'aide notamment à résister à l'envie de s'allumer une cigarette ici, au milieu des autres civils. Les nombreuses amendes qu'il a déjà payées lui ont bien appris la leçon. Quant au vieux, qui l'a condamné à astiquer tous les recoins du foutu restaurant, c'est exactement pour la même raison : lui faire comprendre qu'on ne fume ni dans une cuisine ni devant les clients en plein service. Mais là, il pourra bien aller se faire voir, celui-là...

Dans le train, Sanji ne remarque pas immédiatement qu’on lui fouille les poches, ou plutôt, il décide de ne pas s’alarmer même s’il sent bien ses vêtements se froisser à certains endroits. Après tout, il y a beaucoup de monde, quelques turbulences où chacun frôle les autres. Lui-même, sans le vouloir, donne un léger coup de coude à son voisin. Mais ce qui l’interpelle au bout d’un moment, c’est la poche de son pantalon qu’il sent étrangement légère. Là où devrait siéger son portefeuille, il ne sent que du vide. Il relève enfin la tête. « Hm ? » Tout en rangeant son téléphone, il tâte la poche en question.  « Tiens ? » Vide. Eeeeeeh ? Impossible!! Du regard, il questionne ses voisins d’infortune avant de se retourner instinctivement. C’est là qu’il la reconnaît.
Sa petite voleuse rousse.

Il devrait s'énerver, crier, faire un scandale ou protester! Mais il s’agit d’une femme, et d’un seul regard Sanji succombe. Et ce n’est pas n’importe quelle femme. « Nami chérie!! » Les yeux en cœurs et les larmes coulant à torrent, il attrape les mains du chaton chapardeur dans les siennes. « Tu vas bien, j’étais si inquiet!! » Le train s’arrête, et certaines personnes descendent, leur laissant plus de place. La joie qui envahit Sanji lui fait oublier son portefeuille : son argent, l’argent du restaurant, sa carte bleue, tout. Elle peut tout prendre. Il n’y a rien de plus important que Nami à ce moment-là.

Sanji avait omis un détail crucial en retrouvant la navigatrice de leur équipage, aveuglé par la joie de la revoir après tout ce temps, saine et sauve. Mais elle de son côté n’avait pas retrouvé ses souvenirs, et pour elle il n’était qu’un inconnu. Comme Miguel, comme Takeshi. Le coup qu’elle lui asséna en pleine tête le propulsa un peu plus loin dans le train, où il atterrit à moitié retourné sur un siège. « Bien sûr qu'on se connaît ! » protesta-t-il à mi-voix, tentant de reprendre ses esprits. Une bosse rougeâtre commençait à apparaître sur sa tempe, mais la douleur ne l’atteignait pas. Il était bien trop heureux de l’avoir retrouvée, en parfaite santé, fidèle à elle-même, avec une force redoutable qui dissuaderait quiconque d’approcher. Oui, c’était bien Nami. Un sourire idiot s’étira sur ses lèvres alors qu’il se redressait, essuyant rapidement ses larmes avec son bras. Il réajusta sa veste et sa cravate, tentant de passer du rôle de gros pervers à celui de chevalier galant. Il afficha un sourire charmeur, essayant de rendre son regard rassurant, bien que le résultat soit probablement loin du compte. Ce masque, cette façade, il ne l’offrait qu’aux femmes. « Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur. Tu m’as simplement rappelé une très bonne amie que je n’ai pas vue depuis longtemps. »

Ne pas l'effrayer, c'est tout ce qu'il souhaite. Sanji a réussi à garder Luffy et Zoro plus ou moins proches, les voyant régulièrement pour s'assurer qu'ils allaient bien. Mais concernant la chatte chapardeuse, il redoute qu'elle ne lui file entre les doigts et disparaisse sans laisser de trace. « Sanji ! » dit-il en inclinant légèrement la tête, comme s'il faisait une petite révérence. De l'extérieur, son attitude pourrait passer pour de la drague lourde—en réalité, c'est sans doute exactement ce que c'est. Mais au fond, son cœur appartient déjà à quelqu'un depuis des années, un secret bien gardé et jamais avoué, car l’amour n’avait pas sa place sur un bateau pirate. Aujourd’hui, les choses ont peut-être changé. En ce qui concerne les femmes, Sanji est en réalité extrêmement respectueux et protecteur. « Et toi ? Je suis sûr que tu as un prénom aussi charmant que toi. En tout cas, je serai ton défenseur, ton serviteur ! » Pour ne pas la faire fuir, c'est peut-être raté... Mais Sanji ne peut s'empêcher d'être lui-même, il ne manque qu’un genou au sol et une rose dans la bouche pour parfaire le tableau du relou romantique. Son visage change pourtant soudainement lorsque les portes du train se referment et qu'il réalise quelque chose. « Merde, c’était mon arrêt ! » Baiame Nord, c’était là qu'il voulait aller. La déception se lit sur son visage, tandis qu'un frisson d'angoisse glisse le long de son échine. Le vieux va être furieux s'il arrive en retard. « Toi aussi ? » demande-t-il en jetant un regard interrogatif à la rousse. Le train file à toute allure vers une destination qui n'est pas la leur.