Treasure hunt. Ft. Miguel Álvarez

C'était une habitude depuis que tu étais ici. Quand tu en avais la possibilité, tu venais très tôt à la plage. Quand le soleil commençait doucement à se lever et où il n'y avait aucun bruit, à part celui des vagues qui sonnait comme une mélodie pour tes oreilles. Et tu te posais directement dans le sable, non loin de l'eau, avant de dessiner de nouvelles cartes. Tu avais arrêté depuis un moment le compte, tu en avais tellement. Certaines étaient simples. D'autres plus travaillées voir même originales. Là aujourd'hui, tu avais commencé à dessiner la carte d'un lieu sous marin. Une île peuplée de sirènes et d'hommes poissons. Tu n'avais aucune idée de comment ton imagination arrivait à sortir tout ça. Surtout que tu n'y croyais pas, à ce genre de créatures. Mais pourtant tu laissais ton esprit te guider et la mine de ton crayon diminuait au fur à mesure que les reliefs de l'île se dessinaient

Ça faisait un petit moment que tu étais là. Tu ne saurais dire combien de temps exactement, mais plus d'une bonne heure à en juger par la trajectoire du soleil comparé à son emplacement à ton arrivée. Il était temps d'aller travailler. Certes les petits n'avaient plus école à cette période de l'année, mais tu préparais déjà les cours pour la rentrée. Tu aimais bien changer d'une année à une autre, mais surtout, tu faisais ça au fur à mesure afin d'avoir un maximum de temps pour toi après et faire ce que tu voulais. Tu t'étais étirée un coup avant de commencer à te relever, tes affaires dans tes bras. Mais tu n'étais pas restée stable très longtemps et avait même manqué de tomber. Un gars venait de te bousculer et pas doucement. À croire qu'il arrivait en courant. «Hey! Tu peux pas faire attention à où tu vas?!» Tes cartes et tout le matériels pour les faire s'étaient retrouvés dans le sable. Les stylos, règles et autres étaient solides, ce n'était pas une chute dans un sol mou qui allait faire des dégâts. En revanche, vu à la vitesse à laquelle il venait de te rentrer dedans, tu craignais pour tes cartes. Le papier avait beau être de bonne qualité, se retrouver écrasé contre deux corps avant de tomber sur le matériel plus dur, ça pouvait créer des plis et des petites déchirures et autant dire que tu avais horreur de ça. Tu aimais que tes cartes soient en parfait état. Tu t'étais donc empressée de tout ramasser et de tout vérifier, un soupire de soulagement passant tes lèvres en voyant que tout était intact. «C'est dingue ça, la plage est suffisamment grande pourtant. T'as de la chance que rien ne se soit abîmé sinon je te jure que tu m'aurais remboursé.» Et en t'écoutant, tu te disais que tu aurais dû mentir, ça t'aurait fait un peu plus d'argent facile.

Tu ne saurais dire pourquoi, mais rien qu'à l'écouter te répondre sur ce ton, tu avais une étrange envie de le frapper. Ce n'était pourtant pas dans tes habitudes d'être violente. Enfin non. Formulons les choses différemment. Tu n'étais pas du genre à frapper sans raison, sauf les personnes dont tu étais proches et qui te tapais sur les nerfs. Ouais par moment c'était tout l'un ou tout l'autre avec toi. Soit c'était câlins à ne pas vouloir lâcher la personne. Soit tu l'as frappé jusqu'à lui faire comprendre à quel point son action ou ses paroles étaient totalement stupides. Jamais tu n'avais agi comme ça face à un inconnu tout simplement parce que tu ne savais pas sur qui tu pouvais tomber. Il suffisait que ce soit quelqu'un qui ait un peu trop de répondant et tu regrettais instantanément ton choix avec les larmes aux yeux. Et pourtant, ce gars là, tu sentais ton poing te déranger comme s'il n'avait qu'une envie : Finir sur le haut de son crâne. Pour éviter ça, tu avais juste soupiré. Tes cartes n'avaient rien c'était le plus important. Ce qu'il disait n'était pas faux non plus. Bien sûr qu'il y avait plus grand ailleurs et ce serait mentir de dire que tu ne voulais pas voir de plus grand horizon aussi. Mais zut quoi. «Ce n'est pas une raison pour bousculer quelqu'un. T'avais largement la place pour te décaler.»

Des excuses. C'était la seule chose que tu attendais et que tu risquais d'attendre encore un moment. Tu avais direct ciblé le personnage. Ce n'était pas la peine d'essayer d'en avoir. Tu laissais couler pour cette fois. Au moins il semblait s'intéresser un minimum à ce que tu avais dans les mains. Peut être qu'il avait compris que tu y tenais pour l'avoir engueuler comme ça. On peut dire ça comme ça. Ouais. J'en ai dessiné des tas depuis que je suis petite. Ce sont toutes des îles, mais aucunes existantes. Elles sortent toutes de mon imagination. Peut être qu'elles seront utiles pour quelqu'un un jour, qui sait?» Pourquoi pas pour des illustrations de livre. Tu n'y avais jamais vraiment réfléchi. Autant tu pouvais te faire de l'argent sur n'importe quoi. Mais tu n'avais jamais songé à vendre tes cartes et même en d'y penser là, tu n'étais pas convaincu. En revanche, en entendant la suite, une petite lueur venait d'illuminer ton regard. Un trésor? Quel genre de trésor? Tu en as combien? Tu voudrais bien me montrer? Ça me rend curieuse.»

«Hm... Pour certaines peut être dans des océans moins connus mais d'autres impossible. Une île sous marine peuplée de sirènes, ça n'existe pas. À part dans les livres et les films.» On le répète. Tu n'y croyais vraiment pas à ce genre de choses. Tu étais très terre à terre. Tu ne croyais que ce que tu voyais. Tout ce qui te paraissait un peu trop étrange, surnaturel ou tu ne sais quoi d'autres, pour toi c'était direct des mensonges. Alors oui. Pour les îles plus réalistes que tu avais pu dessiner pourquoi pas. Il existait peut être une petite île avec un tout petit village et un immense champ de mandariniers quelque part dans les océans. En revanche une île qui flottait au dessus des nuages, jamais. Vraiment tu te demandais comment tu avais pu imaginer ça. Si seulement tu savais la vérité.

En tout cas, s'il existait un mot magique pour attirer toute ton attention, c'était bien celui là. Trésor. Des bijoux. Des pièces. Des pierres précieuses. Peut importe du moment que ça pouvait te rapporter un maximum d'argent. Alors oui, très rapidement tu étais passée t'agacé à très intéressé. Si tu pouvais y gagner quelque chose dans cette histoire de trésors, tu n'allais pas passer à côté. Tu l'écoutais attentivement. Il était passionné. Agaçant oui, mais passionné et avec ce genre de personne, c'était difficile de ne pas écouter en souriant. Il aimait ça, partir chasser des trésors. Personne ne pouvait en douter. Et sans trop savoir pourquoi, ça te calmait un peu plus. «Je ne peux pas te contredire. La vie serait simple si on trouvait des tresors si facilement.» Tu ne le savais que trop bien. Si tu avais pu trouver de l'argent si facilement quand tu étais plus jeune, ça t'aurait évité bien des problèmes. Peut être que tu aurais pu négocier ta libération si tu ramenais assez d'argent. Chose impossible là où tu vivais, n'arrivant qu'à voler suffisamment pour avoir l'autorisation de manger. Enfin c'était de l'histoire ancienne tout ça. Tu l'espérais en tout cas. Qu'il ne te retrouverai jamais. Un petit moment de flottement. Dans les nuages en repensant à ça et en l'écoutant en même temps. Tu regardais sa main tendue vers toi. Tu hésitais un peu. C'était une opportunité certes, mais tu ne le connaissais pas ce type. Ton regard toujours fixé sur sa main avant de relevé les yeux vers lui et de le voir sourire. Impossible d'expliquer ce qu'il venait de se passer à l'instant mais... Tu aurais pu lui faire une confiance aveugle, comme si tu le connaissais depuis toujours. C'était assez bizarre mais tu avais décidé de suivre ton instinct. «Partante.» Tu lui avait serré la main avant de ranger le plus délicatement possible tes affaires dans ton sac. Au moins tout était à l'abri maintenant. Et puis tu avais lancé un regard vers l'eau. Puis de nouveau vers lui. Partante oui. Peut être pas au point de faire trempette, même si l'eau n'était pas loin de toucher vors pieds. «Ça te va si je monte la garde? Un. Ce serait embêtant que quelqu'un vienne voler nos affaires. Deux. J'ai pas de maillot de bain, c'est bête. Je serais beaucoup plus utile là, au bord de l'eau.»

Un soupire avait simplement passé tes lèvres en guise de réponse. Tu n'avais pas envie de débattre avec lui et tu avais parfaitement compris que ça ne servirait à rien du tout. Tu avais une idée bien fixé en tête et lui aussi, visiblement. Tu avais roulé des yeux. Effectivement, tu avais déjà eu l'occasion de naviguer. Jamais bien loin. Sur les côtes de Suède, généralement pour voler les navires marchant en te faisait passer pour une demoiselle en détresse. Mais c'était loin derrière toi ça. Même si, en y repensant, ça te manquait, d'être navigatrice. Ce n'était pourtant pas ce qui te définissait le plus. C'était ce que tu croyais du moins.

Un petit sourire finalement. Touchée par son enthousiasme, même si tu voulais garder ton confort. Tu adorais nager, mais tu avais une nette préférence pour le faire dans une piscine chauffée. Petit plus si tu avais le droit à un cocktail juste après. Mais là, tu pouvais toujours attendre avant qu'on te serve quoi que ce soit. «Voilà, exactement.» C'était plutôt pour quoi toi, tu puisses fouiller un peu dans ses affaires pendant qu'il était sous l'eau. Ne jamais rater une occasion, voilà ta règle d'or. «Prends ton temps!» Tu le regardais partir dans l'eau avant de t'installer à nouveau sur le sable. Tu voulais profiter un peu du soleil, avant que ce dernier ne se reflète sur cette fameuse boîte en métal. Un coup en direction de la mer. La voie était libre. Du moins c'était ce que tu avais cru. Juste le temps d'essuyer un peu la boîte pour en retirer les salissures qu'il était de retour, tu avais commencé à l'ouvrir pour voir son contenu mais l'avait vite caché dans ton dos en le voyant revenir vers toi. Répondant comme si tu rien n'était. « Effectivement ce n'est qu'un vulgaire bout de miroir. Ça a dû tomber d'un bateau qui passait par là.» Ça arrivait régulièrement, que des choses tombés des navires. Les océans mériteraient un bon nettoyage avec tout ce qu'il y avait la dedans. Mais là n'était pas le sujet. En regardant ce qu'il venait de ramener, tu étais juste déçue. «Tu ne comptes pas replonger pour trouver le reste, si? C'est pas un trésor ça. Elles sont où les pièces et les pierres précieuses?»

Tu t'étais faite avoir. Aveuglée par cette histoire de trésors. Tu te voyais déjà repartir avec de l'argent ou de jolies pierres précieuses, de quoi échanger pour acheter de nouveaux vêtements ou simplement mettre de côté. Tu aimais voir l'argent sur ton compte en banque s'entasser. Tu aurais dû t'en douter pourtant au vu du personnage que tu n'allais rien avoir de tout ça. Un nouveau soupire. Tu regardais ce bout de miroir qu'il avait rapporté. Tu l'écoutais se perdre dans son imagination. Ouais, il semblait passionné et plein d'idées. Beaucoup plus que toi oui, ça tu n'allais même pas chercher à prouver le contraire, tu étais trop terre à terre pour ça. Pourtant tu y avais cru. Ton instinct t'avait dit de lui faire confiance, tu ne comprenais toujours pas pourquoi d'ailleurs. En attendant tu étais déçue. «Ouais. Valeur sentimentale je veux bien. C'est très beau tout ce que tu racontes, mais c'est pas ça qui va nous remplir les poches.» Les histoires derrière les objets t'intéressaient peu. Du moment qu'il y avait du gain derrière, c'était tout ce qui comptait pour toi. Mais là tu avais perdu. Aussi bien du temps que de la patience. «Pourquoi j'ai dis oui moi...» Tu ne savais même pas pourquoi tu restais encore planté là. Tu n'allais rien gagné dans cette histoire. Maintenant tu en étais sûre. Pourtant tu restais à l'écouter, dire qu'il y avait peut être quelque chose de réellement précieux là en dessous.

Tu te disais que tu aurais dû fouiller ses affaires plus rapidement en fait. Voir s'il y avait vraiment quelque chose de précieux et si non, juste partir. Ça n'aurait pas été la première fois que tu partais sans prévenir. Tu ne lui devais rien après tout. Pas dans cette vie en tout cas. Tu réfléchissais d'ailleurs à une excuse pour t'éclipser avant qu'il ne s'excite à propos de sa boîte. « Hey oh, calme toi! J'ai vu personne! Elle est peut être juste tombée plus loin.» Trop bonne menteuse. Sa boite, elle était toujours dans tes mains, enfin plus pour longtemps, vu la façon dont laquelle il te secouait. Tu avais fini para faire tomber, cette derrière atterrissant dans le sable juste derrière toi. «Y a quoi dans cette foutue boîte de si important? T'as l'air de ramasser que des vieux bouts de machins.» Valeur sentimentale pour ceux à qui ça appartenait avant pourquoi pas. Mais en quoi il pouvait avoir une attache lui même juste en les récupérant? À moins qu'il y ait un vrai trésor dedans? Non non non, tu n'allais pas te faire avoir une nouvelle fois. Tu l'avais poussé, peut être un peu fort pour qu'il te lâche, avant de faire semblant de chercher, pointant la boîte dans le sable ensuite. «Et arrête de me secouer comme un mandarinier! Elle est là ta boîte, tu paniques pour rien.»