Free me from darkness [PV Carol Newman-Calvin]

Je sors dans le couloir. Je cours. Peu importe que ce soit interdit, j’ai besoin de courir. Pour oublier. Pour ne pas me mettre à pleurer. Je me précipite vers le toit, là où j’ai laissé Chocolat. Il me consolera. Il me console toujours.

Elle se ramollit, la dirlo, je trouve. Depuis des années, il s’est pas passé une connerie sans qu’elle me fiche en retenue ou autre chose du même acabit. Et là, non. Elle m’a juste regardée avec son petit air triste et elle m’a dit de partir. Toute façon, j’avais rien à lui dire à Newman. Mais peut-être qu’elle a compris, peut-être qu’elle est moins craignoss que je le croyais. Après, il le méritait, ce type et si elle sait ce qui s’est passé, elle doit le savoir.

Nan mais de quel droit il casse son rêve à cette gosse, celui-là ? De quel droit il se moque d’elle parce qu’elle croit encore au Père-Noël à onze ans ? Si ça lui fait du bien, à la gosse, qu’on la laisse tranquille ! J’ai fait pas mal de choses pas joli joli dans ma vie, j’ai cassé des nez, j’ai insulté des profs. J’ai même mis une souris dans le bureau de Newman une fois, pour me venger. J’lai pas entendu couiner la dirlo, du coup, c’était peut-être pas la meilleure idée pour la faire rager. Mais voilà, j’suis pas un ange, mais jamais j’irai m’en prendre à un môme. Ils ont rien fait les mômes, ça me défrise.

Moi j’aime pas Noël, mais bon, si elle ça lui plait. Enfin, j’aime pas. En vrai, au fond, j’aime toujours, je peux pas m’empêcher de penser à ces beaux moments quand j’était petite, et en même temps j’aime pas ce que ça me fait ressentir, quand je pense à Papa et Maman. Je retiens mes larmes, faut pas que je pleure. Chocolat, j’ai besoin de Chocolat. J’accélère vers le toit.

Quand j’arrive, le toit a l’air vide. Il est futé, ce chat, il sait qu’il doit pas se montrer. J’avance vers là où il se cache, il saura que c’est moi, il reconnait ma voix. C’est le plus intelligent chaton du monde. J’m’en fiche que ce soit pas autorisé, ni ici, ni à l’orphelinat. J’ai besoin de lui dans ma vie. Au moins, Chocolat, il me trahira jamais.

« Chocolat ? Tu es là ? Viens, mon tout beau. »

Il montre enfin le bout de ses moustaches et vient se coller à moi. Je tombe à genoux, les joues humides. Ya quelques larmes qui se sont échappées. Ne pas penser à Papa. Ne pas penser à Maman. Je me concentre sur mon chaton. Il se frotte à moi avec forces ronronnements. Il sait de quoi j’ai besoin, il est tellement parfait, ce chaton. C’est mon seul vrai ami. Il n’y a que lui qui a le droit de savoir pourquoi je suis comme je suis.

« Mon Chocolat, mon petit ange. La vie est pas facile, hein ? Mais heureusement, on est là l’un pour l’autre. »

Il donne un coup de tête sur ma main et je lui gratouille le sommet du crâne. Je sens qu’il veut me consoler. Il y met du cœur, mais je sais que le mien de cœur me torture, comme à chaque fois que ce sujet est évoqué. Et encore, la période est finie, on devrait moins en entendre parler. Quelques mois de répit, mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, pas de répit. Je ne peux retenir quelques larmes encore. Je suis un monstre. Et je suis une orpheline.

« C’est tout nul d’être orphelin, hein Chocolat », lui dis-je avec un sourire douloureux au milieu de mes larmes.

Chocolat vient se caler sur mes genoux et se frotte derechef en ronronnant pour me signifier qu’il compatit. Je le comprends bien mieux que la plupart des humains, ce chaton. Sa tendresse fracture mes dernières barrières, les larmes coulent. Je pleure un bon coup. Je pleure un vrai coup.

Je suis en train de pleurer comme une idiote et là, je l’entends. Bordel, Newman m’a suivie. Traîtresse. Là, j’suis bonne pour un mois de retenue entre le poing dans la figure de l’autre con, le fait d’être sur le toit, et pour avoir amené Chocolat ici. Et en plus, elle va me voir en train de pleurer. Bon sang, j’espère qu’elle va pas prendre Chocolat pour l’emmener dans un refuge ou un truc du genre. Nan, elle peut pas me faire ça ! Là, je lui pardonnerai jamais, si elle me le prend. Chocolat, c’est tout ce que j’ai. Elle pense peut-être que je suis intenable, mais si elle me le prend, elle va comprendre sa douleur.

En vrai, je voudrais juste qu’elle parte sans rien dire. Mais je peux plus rien faire, elle m’a eu en traître. J’essaie de respirer à fond avant de me relever, en essuyant mes larmes de mon mieux et je me retourne face à elle, protégeant Chaton de mon corps. Si elle veut le prendre, elle va devoir m’écarter de force, et je me laisserai pas faire. J’m’en fiche que ce soit une adulte, une figure d’autorité, comme on dit, la dirlo quoi. Il est pas question que je la laisse toucher à Chocolat.

Mais quand je la regarde, elle a pas l’air en train de penser à me coller en retenue jusqu’à la fin des temps. Elle a plutôt l’air d’être triste. Bon, si elle est pas en colère, si elle est triste, j’pourrais peut-être l’attendrir pour Chocolat. J’m’en fiche d’être punie, je ferai tout bien sagement, même si je dois copier des lignes ou récurer des toilettes, tant qu’on touche pas à mon chat. Je crois que je deviendrai folle si jamais quelqu’un me le prenait. Je n’ai personne sauf lui, c’est grâce à lui si je saute pas de ce toit. J’exagère, mais c’est l’idée quoi. Ca doit se voir sur mon visage que j’ai pleuré, d’ailleurs c’est limite à déborder à nouveau, mais pour l’instant, je tiens bon.

« Madame Newman… ? Je sais que je suis pas censée être ici… Mais, je… »

Mais je voulais mettre Chocolat dans un endroit où personne irait l’embêter et surtout pas les imbéciles que j’ai cogné ? Mais j’ai parfois besoin d’être seule pour pleurer sans qu’on me voie et qu’on me traite de lavette ? J’suis pas sûre que ça m’évite la punition, ces arguments-là. Finalement, je n’ai pas besoin de me justifier. De toute façon, j’ai tort. C’est lourd de savoir qu’on est planté et qu’on peut rien y faire. Mais autant me concentrer sur ce qui est vraiment important. Je dois protéger mon Chocolat. Si je suis pas insolente, peut-être qu’elle acceptera de le laisser là. Il embête personne, c’est pas un grand sacrifice.

« Écoutez, si vous voulez me punir, allez-y, mais s’il-vous-plaît, m’enlevez pas Chocolat ! Il fait rien de mal, promis. Il dégrade rien, il fait pas de mal, et je nettoie tout après. Je vole pas pour qu’il mange, je vous promets, je partage ce que j’ai. Puis, des fois, une des filles lui achète de la nourriture en boîte aussi. Je vous en prie, c’est… C’est mon seul ami. »

Je baisse les yeux en disant ça mais c’est vrai. Je dis pas que j’ai pas de bonnes copines, ou même de bons copains. Mais à personne, je peux parler de mes parents ou que j’ai mal. Tout le monde se ficherait de moi. Il vaut mieux qu’on ait peur de moi, qu’on me voit comme une fille qui a pas peur de foutre le règlement à la poubelle. Au moins, personne se frotte à moi. Oui, vaut mieux rester forte, mais du coup, ça me fait trop du bien d’avoir Chocolat. Il m’a beaucoup aidée pendant les fêtes. Il était tout mini, il venait d’arriver, mais j’ai gardé plein de bons morceaux de notre repas de Noël pour lui.

Je le prends dans mes bras, réalisant qu’elle pourra encore moins me le prendre si je le tiens. Il se rend pas compte que son sort est en danger. Il se frotte à ma poitrine en ronronnant, comme pour me rassurer. Il le sait que je suis inquiète, il le sait toujours. C’est franchement difficile de pas craquer quand il est mignon comme ça et que la douleur me pèse sur le cœur. Les larmes coulent, que j’essuie au fur et à mesure. Bordel, je pleure devant la dirlo, tout ce que je voulais pas. Foutu cœur, faudrait pouvoir lui mettre un verrou quand on veut. Je la regarde, elle a vraiment pas l’air de vouloir me faire de mal. Je tente une dernière supplique pour la convaincre.

« S’il-vous-plaît, m’dame. Je ferai toutes les heures de retenue que vous voulez… »

D’accord, là, elle m’a eu, je le reconnais. Quand elle me sort qu’elle ne compte pas me punir, je reste bête, je ne sais plus quoi dire. Je reste là avec ma contritude et mon auto-flagellation face à sa grande, peut-être trop grande tolérance. Je ne sais pas comment ça se fait qu’elle se comporte comme ça. On s’est toujours fait la guerre avec elle, et voilà qu’elle me sort le drapeau blanc. En faisant comme si c’était normal. En faisant comme si ce n’était pas le plus imprévisibles des revirements de sa part. Je suis scotchée. En fait, je reste muette devant un comportement si bizarre.

Elle s’assoit, juste à-côté de moi, comme si ma défensive, mes larmes, tout ça n’avait plus d’importance. Sous le choc, mes mains se relâchent un peu et Chocolat saute de mes bras. Il s’approche de Miss Newman et il se frotte à elle en ronronnant. Un peu comme il fait avec moi. Non, ça peut pas être comme il fait avec moi, elle a rien à voir avec moi, c’est moi que Chocolat préfère. N’empêche, je lui fais confiance à Chocolat. S’il la caline, c’est qu’elle est safe. J’aurais pas cru. J’ai l’air débile debout alors qu’elle est assise, je m’assieds.

C’est pas normal, cette position. Newman et moi, on est censées s’affronter, face à face, là c’est trop convivial, c’est mignon. On est assises côte-à-côte, comme des copines qui discutent à la pause. Ca me ficherait presque les jetons, plus que si elle me criait dessus. Elle prépare peut-être un coup tordu. Mais elle a l’air tellement détendue, ça se peut pas. C’est trop bizarre. Elle me dit que Chocolat peut rester là, qu’elle lui gardera les restes et tout. C’est ultra sympa, je sais même pas comment réagir à ça. Je la voyais tellement pas comme ça.

« M… Merci… c’est cool… »

L’avantage de ça, c’est que je suis tellement bluffée que ça m’a coupé les larmes autant que la parole. Enfin, pour l’instant. Normalement, si j’étais pas inquiète, puis triste, puis genre estomaquée, je crierais de joie de pouvoir garder Chocolat. Mais là, je suis trop je sais même pas exactement quoi. Disons que je sais pas comment réagir. Alors je gratouille la tête de mon chat. Ca, au moins, ça me vient tout seul, j’ai pas à réfléchir. Et là, elle me demande si je veux parler, elle dis qu’elle est là pour moi. C’est un traquenard, c’est ça ? Pour avoir des billes sur moi, c’est sûr.

Le truc, c’est que de repenser à ce que je sais pas si je veux lui dire ou pas, ça me remets les larmes aux yeux. Pourquoi je peux pas juste passer outre, ça je comprendrai jamais, mais mon cœur et ma tête ils veulent pas. Seulement, je peux pas envoyer chier la dirlo qui vient de sauver Chocolat de l’exclusion -étonnant que ce soit lui qu’il ait fallu sauver de ça et pas moi d’ailleurs- et en même temps, je peux pas juste lui dire… je peux pas le dire à qui que ce soit, j’y arrive pas. C’est trop dur à sortir. Mais j’ose pas dire ça non plus. L’image, tout ça. Il vaut mieux un truc bateau.

« Vous comprendriez pas. »

Je suis un peu gênée, pas en colère, mais gênée. Je pourrait pas être en colère alors qu’elle m’ouvre la plus grande porte qu’elle puisse en m’autorisant à amener Chocolat au lycée, en préparant tout pour qu’il ait une vie agréable. Je peux pas être en colère dans ces circonstances. Elle sait y faire, en vrai. Je pourrais lui manger dans la main, pour Chocolat. Elle l’a bien compris. Peut-être qu’elle va me demander un truc complètement tordu pour compenser. Pourquoi je suis toujours aussi méfiante envers les adultes ? Je sais pas. J’en suis à penser que personne ne mérite vraiment ma confiance. C’est rude.

Elle me regarde, et j’arrive pas à soutenir ce regard. C’est pas le regard d’une proviseure, enfin si, mais il y a autre chose. Quelque chose que j’arrive pas à définir. C’est pas que ça me pose un problème, enfin, ça me met quand-même un peu mal à l’aise. J’ai l’impression que ça cache quelque chose. Pas forcément quelque chose de pas bien, mais quelque chose. Je sais pas comment le gérer alors je regarde Chocolat. Lui, il n’est pas gêné, il la cajole, on dirait il l’a toujours connue. Tout est fait pour que je lâche prise, même Chocolat.

« C’est bizarre… », marmonné-je, presque indistinctement.

Elle veut savoir pourquoi je vais mal. Le voilà, le piège. Et bien entendu, quand je lui sors un truc bateau pour la convaincre de rester loin de tout ça, loin de tout ce qui brise mon cœur à chaque minute de ma vie, elle récidive. Le pire, c’est que je parviendrais presque à la croire. Est-ce qu’elle est en mesure de me comprendre ? Je sais pas. Je sais pas si je veux savoir. Elle a instauré un truc, là, et je peux pas m’en dépêtrer. Limite, je me sentirais presque embêtée si je devais lui dire non. Je sais pas comment elle fait ça. Elle a jamais fait ça. Pas comme ça.

Mais rien qu’en pensant à ce que je pourrais dire, la douleur et la colère m’envahissent. La colère, pas contre elle, mais contre moi. Parce que je suis nulle. C’est moi, la méchante de l’histoire et je suis même pas capable de l’assumer. Faut que je pleurniche comme un bébé. Ouais, ça me fout en rogne. Et en même temps, elle abat mur après mur, barrière après barrière. Ca va céder, ça va forcément céder. Des larmes coulent, plus de colère que de peine, enfin, si, y’a de la douleur aussi, mais c’est la colère qui me délie la langue, ça a toujours été la colère.

« Vous voulez savoir pourquoi je vais mal ? Ok, je vais vous le dire. Parce que je suis un monstre, voilà. Je suis une meurtrière. Et je peux pas l’assumer, je peux pas l’accepter, je peux pas me le pardonner. Parce que si c’était quelqu’un d’autre qui les avait tués, je pourrais pas lui pardonner, non plus. Et ça c’est passé à Noël. Et je m’appelle à-cause de Noël. Et cette gosse croyait encore au Père-Noël. Et tout me ramène à ça… »

Je pleure, j’ai besoin de Chocolat. Je l’attrape et je le serre contre moi, seule présence capable d’apaiser un peu mon cœur. Pas beaucoup, juste assez pour pas complètement exploser, pas devant elle. Il doit pas aimé d’être obligé de me faire un câlin, mais il comprend, Chocolat, il bouge pas. Il frotte sa tête et il ronronne. Il veut me consoler comme il le fait toujours. Elle va voir, là, qu’il est mon ami. Elle va comprendre, là, pourquoi il est mon seul ami. Chocolat, sans lui, la vie, ce serait tellement trop pourri.

Mais pourquoi je lui raconte ma vie moi ? Elle a envie de me parler, c'est vraiment sérieux ? Elle a toujours passé son temps à me faire comprendre que je ne convenais pas à la façon d'être d'un élève de l'école et elle veut maintenant me faire croire qu'elle a envie de parler avec moi ! Et moi, je me laisse berner. Il y a même une part de moi-même qui me révèle que je ne suis pas en train d’être bernée, c'est vraiment chelou. Je sais pas jusqu'où ça va aller ni pourquoi je lui dis la vérité mais j'ai même pas essayé de lui raconter des cracks. Elle m'a ensorcelée, c'est pas possible.

Soudain, je la regarde avec stupeur. Elle m'a vraiment appelé sa chérie. Je l'ai jamais entendu appeler qui ce soit de l'école d'un petit nom mignon comme ça. Je ne dis pas qu'elle nous maltraite ou quoi, je dirais même que j'ai mérité amplement chaque punition qu'elle m'a donné, mais il ne faut pas compter sur moi pour le dire aussi franchement devant quelqu'un qui peut s'en servir contre moi, je ne suis pas dingue. Bref, elle est carrément devenue sentimentale. C'est peut-être mon histoire qui lui a mis la larme à l'œil, elle doit avoir un cœur quelque part, après tout.

« J'ai des dizaines de psys qui m'ont dit ça[b] » lui dis-je, en faisant la moue. « [b]Il n'empêche que je tenais les rênes, et qu’eux, ils sont morts et moi je suis vivante. C'est pas très juste. »

Et oui, ils ne sont pas idiots, les adultes, ils se rendent bien compte qu'un comportement autodestructeur nécessite un suivi psychologique. Mais j'ai jamais été trop enthousiaste à me faire analyser la tête. Et puis, ici c'est pour essayer de me faire croire que je ne suis pas une meurtrière, ça va être un peu compliqué alors que je les ai vus, alors que j'étais là. Elle a le même discours évidemment, personne ne comprend que le problème, c'est que la façon dont je vois la situation, elle se base sur quelque chose que j'ai vécu. On peut l'interpréter, mais ce que j'ai ressenti sur le moment, ça va être dur de me le changer.

Mais elle a l'air déterminée à tout, la proviseure, pour me le changer quand-même. Cela dit, elle me sort un truc et je dois avouer que je la regarde avec des yeux éberlués. Elle est en train de dire que je ne m'appelle pas Chrisma, que je ne suis pas celle que je prétends être. Elle a pété un plomb, là. Je crois qu'elle est en train de dire qu'elle est ma mère. Mais ma mère est morte, je le sais. Elle est vraiment bizarre, et j'ai envie de l'empêcher d'aller plus loin et de partir dans ses délires dans lesquelles elle est en train de vouloir m'entraîner.

« Attendez… quoi ? Mais qu'est-ce que… »

J’ai pas le temps de réagir, elle est lancée pour le coup. Et quand elle me parle du pôle Nord, des animaux à qui je parle et de cet esprit de Noël qui habitent tous les membres de notre famille. Mon père en premier lieu, Cal, elle, elle ouvre une porte dans mon esprit. Je me souviens d'un cheval à l'oreille duquel j'ai murmuré, à ma maman près de moi qui me dit qu'elle est fière et que je peux y arriver, de mon frère qui m'indique un portail dans le ciel par où passer, et lorsque nous, la famille du Père-Noël, nous sommes allés le rejoindre afin de sauver les elfes et tout ce que Noël représentait. C’est comme un flot dans ma tête, comme si ma vie défilait devant mes yeux et pourtant, je ne suis pas sur le point de mourir, on dirait que je renais à la vie.

Je me redresse et mon regard se porte sur ma mère, ma mère qui me sourit, ma mère qui croit en moi. Elle a toujours cru en moi, j'en ai eu la preuve avec l'incident du Lapin de Pâques. Elle a toujours été là pour moi et elle est venue me chercher aujourd'hui, éloignant de moi la fumée des souvenirs brumeux qui me torturaient depuis je ne sais vraiment pas quand. Je croise son regard avec ce sourire si doux qui est le sien et qui donne envie de plonger la tête la première dans un grand bol de chocolat chaud, elle n'a pas changé et je crois qu'elle ne changera jamais. Je ne peux pas faire autrement, je me jette dans ses bras en sachant très bien que mon autre moi-même ne l'aurait jamais fait avec la proviseure.

« Maman », murmuré-je d'une voix chargée d'émotion avant de relever la tête et de lui donner un petit coup de poing dans l'épaule avec un sourire au travers de mes larmes naissantes. « La Befana, hein ? Arrête de penser des bêtises, tu te débrouilles très bien toute seule. »

Je la regarde avec tendresse. Je sais que c'est pas facile d'être ma maman et que ça l'est encore moins d'être la maman de Chrisma. Je ne sais pas pourquoi les personnes qui m'ont amenée ici avaient autant envie que j’aie un lourd passif, mais ça ne devait pas être facile de me convaincre, sachant que j'avais une personnalité pleine de provocation et dans le refus constant de l'autorité d'un adulte.

« Merci de m'avoir ramenée, maman », dis-je en posant ma tête tout contre elle.