should i stay or should i go • ft. shanks

Boire pour oublier. Ce n’est pas trop ton truc de bases. Tu préfères te poser dans un endroit tranquille, que ça soit en extérieur ou en intérieur, et faire le vide dans ton esprit. Si tu peux le faire dans un bon bain, c’est encore mieux !  Tu ne sais pas quoi penser des derniers évènements. De ce que tu as appris, de ce que tu as vu, de ce que tu apprends. Tu retiens surtout que ça te file de sacrés maux de tête et envie de gerber parfois. Tu es un pirate, bordel ! Pas un héros. Bientôt on va te reprocher d’avoir fait des choses dont tu n’as même pas décidé de le faire. C’est à devenir fou, mais tu tiens bon. Aussi con est Kidd, enfin Leo, ça te fait du bien de l’entendre japper et t’engueuler avec lui. Ça te console et te conforte dans l’idée que tu n’as pas tout perdu. Que tu ne t’es pas perdu toi-même en chemin.
Tu ne sais même pas pourquoi tu n’es pas partie de ce fichu TVA, ni pourquoi tu n’y as pas songé. Probablement parce que tu ne saurais pas où aller autrement et que tu es consciente d’être juste une copie de quelqu’un d’autre. Tu es prudent, parce que tu n’arrive pas à trouver une solution à la montagne de problèmes qui te tombe sur le coin de la figure dès que tu sors de chez toi. Parce que tu ne fais que d’aller de Charybde en Scylla, mais que tu es trop fière pour te faire sauter la cervelle.

Ce soir, ce n’est pas de Kidd dont tu as besoin. C’est d’un verre. Plusieurs même. Quand tu es décidée à te souler, tu ne le fais pas n’importe où. Tu tiens à ce que ça soit au plus près de la mer, au plus près de chez toi, alors tu as trainé ta carcasse jusqu’à un pub au port. Une bicoque pittoresque, dans son jus, mais qui ne transpire pas le vieux. Globalement, une bicoque où bons nombres de pécheurs viennent boire un verre avant d’aller se coucher très tard le soir, ou prendre un café avant de prendre la mer très tôt le matin. À peine as-tu passé la porte que tu es déjà soulée. Par le bruit environnant, par les regards baladeurs sur ta personne, par quelques accolades sauvages et enjouées qui cherchent à t’entrainer dans leurs embruns festifs. Accolades que tu repousses en te glissant en dehors de celles-ci et en profitant de l’ivresse pour partir comme si de rien était.

Il est tard et pourtant, tu es habillée comme en plein jour d’été. Tu n’as pas de vestes, pas de blouses, pas d’insignes, pas d’armes non plus. Juste tes baskets, un jean, un débardeur laissant exposer tes tatouages pour que l’esprit de ton équipage soit toujours à tes côtés, et une casquette-bonnets léopards sur ta tête. « Un verre, s’te plait. Du rhum. » Ta commande est prise par le barman patibulaire, mais sympathique. Il ne faut pas trop jouer les tendre pour gérer des excités pareils.

Le temps qu’il arrive, tu en profites pour promener ton regard aiguisé autour. Ce n’est pas la première fois que tu viens, alors il y a quelques têtes qui te sont familières, mais sans plus. Ce sont plutôt des habitués qui se mettent toujours à la même place, à la même heure, pour la même commande, avant de partir, réglés comme des horloges par leurs petites habitudes. D’autres sont nouveaux. Des fêtards qui se sont échoués ici, parce qu’ils voulaient à la fois avoir de la boisson à disposition et la proximité de la mer au cas où si l’idée folle de piquer une tête les prendrait.
Rien de bien intéressant donc.

Pour le moment.

Le gars te pose ton verre sous le nez et les effluves alcoolisés titillent tes narines. Tu l’honores comme il se doit ; d’une levée de coude, cul-sec et tu en redemandes un autre. “Si j’avais su que ç’serait gâché, j’t’aurais filé ma piquette” – « Un bon rhum, c’est celui qui vous arrache la gorge. Épargne-moi ton expertise bidon ; un autre. » Il était en train d’essuyer son verre et lorsque tu lui réponds, il s’arrête tout de suite. Il se met à grogner et aux traits de son visage, il est facile de deviner que tu venais de l’irriter, voir de l’insulter. Cependant tu restes parfaitement impassible face à cette brute épaisse, même si tu as blessé son ego d’alcoolique. « C’est toi qui as commencé à me faire la conversation avec ta philosophie de comptoir. Je t’ai rien demandé ; si ce n’est me servir un autre verre et de t’filer mes billets pour le service. Alors ne me les brises pas. »

La tension s’installe et il ne faudrait pas grand-chose de plus pour que ta langue aiguisée déclenche une bagarre générale. Tu pourrais revenir sur tes paroles, t’excuser, mais tu ne vois pas pourquoi. En plus de ça, tu as ta fierté et depuis l’affront qu’on t’a fait à te figer en “femme” pour le restant de tes jours, elle est devenue plus féroce. Or de questions que tu plies un genou devant ce type dont la seule fierté personnelle, c’est de souler les autres. Au sens propre comme au sens figuré.

L’embrouille, qui s’annonçait simplement légère, prend une autre tournure. Un vent plus violent. Même si tu es en tord dans toutes cette histoire, tu ne te démontes pas. Tu n’as fait que dire la vérité, aussi dure soit-elle à entendre pour ce gros nigaud. Tu fais mine de ne pas le regarder, pour ne pas le rendre plus intéressant qu’il se croit, mais tu le surveilles tout de même du coin de l’œil. Tu le vois attraper quelque chose sous son bar, mais il s’arrête à la venue d’un nouveau challenger qui s’assoie à côté de toi. Tu es étonnée dans un premier temps, puis tu rumines. Il ne manquait plus que lui. Ses paroles permettent de faire baisser la température, et tu n’es même plus étonné de cette prouesse. L’empereur possède cette aura que tous respectent, même les inconnus. Le nigaud s’exécute. Il te resserre un verre, même si cela ne lui fait pas plaisir, et profite pour servir aussi le roux.

Tu soupires.
« Teach. » Tu n’en dis pas plus.

Est-ce que tu as vraiment envie de lui répondre ? Est-ce que tu as vraiment envie de lui raconter ton histoire ? Toi-même, tu es dans une espèce de flou où tu n’y vois plus trop clair. Ta meilleure piste de compréhension consiste à renier ce que tu es, assumée pleinement n’être qu’une copie et une putain de bureaucrate, mais ce n’est pas la vie que tu aimais.
Tu restes un moment dans le silence. Un temps suffisant pour lui laisser le temps de déguster son rhum et de s’extasier dessus. Tu as un sourire amusé ; pour un empereur, il a surtout la prestance d’un alcoolique, mais soit ! Au moins l’un de vous deux s’amuse un minimum même si on n’est loin de l’impression faites à Marinford, alors que tu emmenais sous ton bras Mugiwara pour l’opérer dans ton Polar Tank. Marinford. Rien ne présageait que tu ailles aussi loin. Rien ne laissait croire qu’on t’y retrouvait, toi qu’on disait impitoyable et cruel. La raison pour laquelle tu as extrait Luffy de ce bourbier reste un mystère pour beaucoup et tu n’as jamais vraiment extrapolé tes raisons. Tu ne voulais pas voir crever un rival, c’est tout.

Ton verre en main, tu le bois cul sec et tu inspires un bon coup. Dans cette putain de ville, le destin a décidé que ce soir, tu pouvais parler sans filtre et sans mensonge, même si c’est avec un potentiel ennemi. Ou un ami. Après tout ; « Il nous est tombé dessus. Les copies des Road Ponéglyphe, c’est ce qu’il l’intéressait. Doc Q nous a infecté avec un virus et je n’ai pas eu le temps de m’en débarrasser. » L’alcool dénoue ta langue, mais tu ne sais pas comment lui expliquer la suite et compte tenu de son état, il va croire que tu délires.

Ce qui n’est peut-être pas plus mal.
Tu reprends une lampée, pour te donner du courage. Tu claques ton verre vide sur la table et tu le dévisages enfin. « Je ne suis pas vraiment le capitaine des Hearts. Je ne suis qu’une copie de lui à un instant précis. Cette foutue Miss Minute m’a juste “extrait” au pire moment. Quoi que, de ce que j’en ai vu ensuite, mon original a essuyé une cuisante défaite. Plus de navire, plus d’équipage, plus de copie ; plus de capitaine. » Tu es triste ? Non. Pas vraiment. Amer peut-être, car tu aurais aimé tomber sur une autre personne que ce monumental tas de merde. Tu n'en veux même pas à Mugiwara à vrai dire. Bête comme il est, il n’est pas suffisamment sournois pour avoir pensé que cela attirerait des gros poissons comme Teach. Ou Shanks dans le cas de Kidd, même si tu n’es pas au courant.

Tu pousses ton verre pour le faire glisser jusqu’à la bouteille, appelant ainsi à ce qu’il soit rempli. Ce soir, tu es bien décidée à te mettre mal et tant pis si Leo n’est pas content ou s’il chouine en te cherchant partout comme un gros bébé perdu. « Et toi alors, le roux ? J’en déduis que t’as toute ta tête si tu m’parles des hearts. » Ce n’est pas le premier, mais c’est la première fois que tu le voies. Personne ne laisse crever de soif personne ici et de toute façon, cela se voit dans ta gestuelle que tu es inoffensive. Même si tu n’as plus ta force d’antan, tu gardes cette attitude décontractée, détendue. « Ils sont pas mal en ville, mais y’en a encore un paquet sous amnésie. Dont le pailleux et le punk. Tu n’vas pas être à l’abri longtemps. »