Cela faisait quelques jours qu’Ofelia s’était réveillée et elle cherchait toujours à assimiler les informations qu’on lui avait donné et à faire face au choc que représentait son passé réel. Pour cela, elle était « à l’ouest », dans ses pensées. Ce jour-là, l'adulte qui l'aidait dans sa scolarité était malade et n'était donc pas venu. Raison pour laquelle elle se déplaçait seule dans les couloirs. Après tout, elle avait sa canne avec elle, donc nul besoin d’embêter ses amis, ses camarades ou ses professeurs. Elle pouvait bien faire les trajets d’une classe à l’autre par ses propres moyens. Seulement, c’était sans prendre en compte certains élèves de sa classe mal intentionnés à son égard. Ils avaient fait le calcul simpliste de double handicap + moment d’isolement = victime facile. Ils pensaient aussi la jeune fille plus fragile qu’elle ne l’était, sûrement renforcés dans leur sentiment par l’état moral du moment de la petite sorcière-être de lumière. Elle avait bien tenté de répondre aux moqueries de la bande de garçons par l’ignorance, mais sans effet sur eux. Et elle était assez persuadée que tout ce qu’elle pourrait écrire n’aurait aucun effet. Ce n’était pas comme si elle pouvait y mettre une quelconque intonation autre que souligner la différence entre parler et crier… Alors, il était vrai qu’elle ne savait pas forcément qu’elle était la meilleure conduite à tenir, à part ne pas se laisser démonter ou impressionner (ou ne pas leur donner la satisfaction de leur laisser percevoir la moindre émotion négative). Elle savait aussi que si l’ignorance ne marchait pas, elle devrait trouver un mode de réponse n’impliquant pas la parole. C’était là toute la difficulté de la chose selon elle. Peut-être qu’elle devrait en parler simplement à un adulte… Mais, est-ce qu’une telle attitude n’allait pas aggraver les choses ? Ce jour là donc les garçons profitèrent de son isolement dans un couloir et de sa distraction manifeste – elle était prise dans ses souvenirs autant que ses pensées – pour la surprendre et la bousculer intentionnellement, la faisant tomber et lâcher sa canne blanche. Dans l’opération, son téléphone portable se retrouva projeté un peu plus loin. Sans l’une, elle avait du mal à se déplacer, sans l’autre à communiquer. Et les garçons faisaient le nécessaire pour la perdre encore plus en la molestant. Parallèlement, les images de l’assassinat de sa mère, son enlèvement par les Mangemorts puis sa fuite dans la forêt s’imposaient à son esprit. Elle pouvait réagir à la peur en s’éclipsant tout comme son pouvoir pouvait se retrouver bloqué par cette même émotion, selon les circonstances et les causes. Cette fois-ci, elle s’éclipsa, la mettant hors de portée des garçons : elle avait fait sa réapparition au sommet du meuble le plus proche d’eux : les casiers. De ce fait – du moins fut-ce son analyse sur l’instant – ils partirent, la laissant là où elle était, dans cette situation. Si elle était en retard en cours, ça n’était pas leur problème. Pour autant, sans sa canne et son téléphone, elle était dans l’impossibilité de se mouvoir. Enfin, si elle pouvait s’éclipser et réapparaître là où elle le souhaitait, mais c’était pas forcément la meilleure technique alors qu’elle avait conscience que tout le monde à Baïame n’avait pas connaissance de l’existence de la magie. Et elle pouvait disparaître pour réapparaître chez elle, mais ça voulait dire rater le reste de la journée de cours et ça ne lui convenait pas non plus. Elle se servit pourtant de cette capacité pour redescendre, attendant de ne plus entendre aucun bruit pour réapparaître au pied des casiers sur lesquels elle s’était retrouvée perchée. N’ayant qu’un niveau de première année en magie, elle n’allait pas aller très loin avec sa baguette, surtout qu’elle ne pouvait utiliser que les sortilèges informulés, ce qui limitait d’autant le champ des possibles. Celui d’attraction était donc hors de sa portée. Elle envisageait de contacter Sandra ou encore un adulte de l’école en qui elle avait confiance – et quelqu’un qu’elle ne prendrait pas trop de court par là – par télépathie lorsqu'elle entendit un pas. Ofelia fit donc des signes pour attirer l'attention, espérant que la personne qui passait par là serait bien intentionnée. Elle avait besoin d’aide. Pour récupérer son téléphone et sa canne et se situer précisément dans l’espace. Elle tremblait encore, non de l’attitude des garçons, elle avait vécu tant de choses qu’elle se sentait au-dessus de cela – même s’ils l’avait mise en mauvaise posture -, mais à cause des fantômes du passé qui n’avaient de cesse de la hanter depuis son réveil. Si Ofelia ne tenait pas pour acquis que les gens qu’elle ne connaissaient pas pouvaient comprendre le langage des signes, il y avait tout de même certains gestes qui avaient des sens universels. Et c’était sur ceux-là qu’elle comptait dans ce genre de cas même si elle devrait sûrement en passer par la télépathie pour demander de l’aide, sauf si la personne présente réussissait à associer le geste et la situation suffisamment pour lui rendre son téléphone. Elle pouvait également toujours lui faire comprendre par geste qu’elle n’y voyait pas et ne pouvait pas parler. Jusque-là, elle était presque sûre de pouvoir se faire comprendre.