muse to my ears | omitrie

Au vu des nombreuses fois où Phoebus vante les mérites et les prouesses de ce gamin, Lyra a décidé de venir juger par elle-même, se pointant à un festival de musique, loin de sa bibliothèque pourtant vénérée. Il faut dire qu'Euterpe l'a sans doute beaucoup influencée (pour ne pas dire, forcer la main) à venir. Elle observe chacun des groupes de musique s'agiter sur scène, sous les acclamations d'un public qui ne demande qu'à en avoir plus. Lyra, elle, remue la tête sans pour autant joindre les autres badauds dans leurs exclamations de joie. Exclamations parfois un peu trop bruyantes, d'ailleurs.

Il serait mal avisé de croire qu'elle s'ennuie. Loin de là. Si son domaine demeure la littérature et la poésie, que serait un roman épique sans une musique tout autant épique ? Les récits ne sont pas seulement écrits, et peuvent être comptés de plusieurs manières. La chanson en est une. Et Lyra en vient à admirer l'humanité et sa créativité, toujours autant innovateurs dans leur technologie, et leur façon de compter leurs maux et leurs rêves sous différents formats.

Vient le moment tant attendu, lorsque le protégé de son meilleur ami, un certain Omitrie, entre sur scène. Et elle doit donner raison à Phoebus, le jeune homme a du talent. S'il n'est sans doute pas aussi connu ou admiré que les groupes précédents, il a une certaine notoriété, et une petite fanbase. Se produire ainsi à un festival aussi grand est sans doute un rêve devenu réalité pour lui. Et tout ça grâce au talent (et l'influence) de Phoebus, son manager.

Un brin curieuse, Calliope en profite donc pour se faufiler en coulisses à la fin de la représentation, manquant de peu Phoebus, qui lui saute dessus de joie, et lui casse les oreilles à vanter les mérites de son musicien préféré, tout en vantant ses propres mérites pour l'avoir remarqué en premier lieu et avoir fait de lui une star naissante. Lyra, si elle adore Phoebus, soupire quelque peu. Il est vrai qu'il est parfois un peu trop agité et collant - tel un labrador. Mais ses récits et histoires valent le détour, et Calliope est toujours ravie de l'écouter lorsqu'il décide de se confier. Ce qui est pour ainsi dire, tous les jours.

Réussissant à s'extirpant des bras de Phoebus, elle se rapproche de Omitrie, toujours un peu euphorique suite à sa prestation, et vient à se présenter. Phoebus m'a beaucoup parlé de toi, je suis une vieille amie à lui. Vieille ne vient même pas définir les millénaires qu'ils ont passé à se côtoyer. Surtout lorsqu'on est immortels. Mais elle sait Omitrie toujours maudit, et agit en conséquences. Tu as beaucoup de talent, et je serais ravie de t'aider à le parfaire. Si tu acceptes bien sûr. Je vois énormément de potentiel en toi. Et c'est son devoir de Muse de venir inspirer les poètes et autres artistes talentueux, et un brin mélancolique. Qu'importe si la plupart des humains en ont oublié jusqu'à son nom, et ne la remercie plus pour ce qu'elle leur apporte. Cet Omitrie, toutefois, elle le sait, a de quoi beaucoup la surprendre.

Omitrie avait décidé de faire le show pour le festival, un vrai show. Il voulait marquer les esprits, laisser une trace. Tout de noir vêtu, il avait opté pour un style à la fois sobre et percutant : de lourdes bottes de cuir martelant le sol à chacun de ses pas, un pantalon si moulant qu'on aurait dit qu'il était cousu directement sur sa peau, et une sorte de gilet pare-balles qui lui donnait des airs de combattant prêt à affronter la scène. Sa chevelure dorée, contrastant avec sa tenue sombre, capturait la lumière de manière éclatante, comme si elle était une source lumineuse à elle seule, chaque mèche semblant irradier sous les projecteurs et les rayons du soleil. Omitrie donnait l’impression d’être la lumière.
Le moment approchait. Bientôt, ce serait à lui d'entrer en scène, et les doutes ne l'avaient pas épargné. Il avait longtemps hésité, oscillant entre différents registres musicaux. D'abord, il avait envisagé une performance guitare-voix, puis s’était tourné vers le piano, avant de revenir à la guitare. Par moments, il s'était laissé tenter par l'idée d'une production plus grandiose, mais encore une fois, la guitare l'appelait. Incertain, il avait fini par demander conseil à sa mère. Comme toujours, elle avait répondu avec une tendresse universelle, une phrase que toute mère aurait pu dire : “Quoi que tu fasses, ce sera parfait.”
Cela ne l'avait guère aidé. Il s'était donc tourné vers son manageur, Phoebus. Mais les conseils de cet homme brillant lui avaient semblé obscurs, presque mystiques. Phoebus était ce genre de génie insaisissable, quelqu'un qui réussissait tout ce qu'il entreprenait avec une facilité déconcertante. Omitri ne pouvait s'empêcher de se sentir un peu ridicule en sa présence, et pourtant, il trouvait également auprès de lui un réconfort étrange. C'était comme si l'aura de Phoebus émettait une chaleur rassurante, semblable à celle du soleil qui réchauffe la peau après un hiver glacial.
Le temps de la réflexion était révolu. Une jeune femme au regard pressé le poussa sans ménagement vers la scène. D’un coup, il se retrouva face à la foule, entouré de ses danseurs, et les feux des projecteurs l'enveloppèrent. Instantanément, tout son stress fondit comme neige au soleil. Il était dans son élément. Dès les premières notes, la magie opéra :
“Mr. Independent
No, I can't stop myself from listening to no one
I am on my own now, I'm all I got
Guess I'm the only one.”
La scène défila à une vitesse folle, chaque geste fluide, chaque note vibrante. Omitri se perdit dans la musique, dans cette communion éphémère avec le public. Puis, presque sans s'en rendre compte, il se retrouva de nouveau dans les coulisses. Il ressentit un mélange de satisfaction et de frustration. Fier, oui, mais toujours en quête de perfection. Son esprit commença à repasser en boucle sa performance, s'attardant sur les failles. Il se morfondait sur ces légères imperfections : une note un peu trop haute ici, une autre trop basse là-bas, des nuances qu'il aurait voulu accentuer. L’autoflagellation était devenue une habitude.
Soudain, une voix douce mais assurée l'interrompit. Une femme d'une beauté saisissante s'avança vers lui. Ses yeux, d'un bleu aussi pur que le ciel d'un été sans nuage, contrastaient avec sa chevelure d'ébène. Elle avait une élégance naturelle, presque mystique, et son aura semblait captiver tout l’espace autour d’elle.
“Phoebus m'a beaucoup parlé de toi. Je suis une vieille amie à lui. Tu as énormément de talent, et je serais ravie de t'aider à le parfaire. Si tu acceptes, bien sûr. Je vois un potentiel incroyable en toi.” Omitrie cligna des yeux plusieurs fois, incrédule. L'espace d'un instant, il eut l'impression qu'elle s'adressait à quelqu'un d'autre, ou que tout cela n'était qu'une blague orchestrée par son ami Elyan. Il balbutia maladroitement, incapable de cacher sa surprise.

“Pardon, mais... Vous êtes sûre que c'est bien à moi que vous vouliez parler ?” demanda-t-il, cherchant du regard des caméras cachées ou la silhouette familière d’Elyan, qui serait sans doute derrière cette plaisanterie. “Vous... C’est Elyan qui vous envoie, non ? Il essaie de me faire une blague, c’est ça ?” Il retira son haut pour être plus à l’aise avant de reprendre la parole. “Vous savez, je ne suis que Omitrie, il y a de bien meilleurs artistes ici…”

A priori, Omitrie ne semble pas réaliser la mesure de son talent, à en juger par son air incrédule. Vérifiant tout autour de lui qu'elle s'adresse à la bonne personne, il la regarde, perplexe. Il n'y a qu'un seul Omitrie par ici, je ne m'abuse ? Si elle pose la question, Lyra connaît déjà la réponse. Phoebus a passé tellement de temps à décrire son protégé en longs détails, qu'elle a l'impression d'avoir son portrait robot gravé dans l'esprit. Elle doit sans doute connaître Omitrie bien mieux qu'il ne se connaît lui-même, incluant certains détails que Lyra se serait bien passé de savoir. Mais Apollon a toujours été du genre à partager un peu trop d'informations.

J'ignore qui est ce Elyan, mais je peux te jurer qu'il ne s'agit en rien là d'une caméra cachée. Lyra peut lire en lui comme dans un livre ouvert - il faut dire que son air suspicieux sur le visage est plus que révélateur. Je ne suis pas venue pour les autres artistes, mais bien pour toi, il n'y pas erreur sur la personne. Retirant sa veste, Lyra fait signe à Omitrie de la suivre dans la loge de Phoebus - il ne s'en vexera pas, loin de là. Elle lui signale de s'asseoir sur le canapé flambant neuf. Je pense que tu ne réalises pas à quel point tu es talentueux. Il y a certaines choses à revoir, mais je suis certaine que tu es à la hauteur. Ne te dénigre pas de la sorte. En quelque sorte, Omitrie lui rappelle son propre fils, Orphée. Lui aussi, dans ses débuts, doutait de ses capacités. Lyra a toujours su l'encourager, et elle fera de même avec Omitrie.

Parle-moi de tes projets, de ce qui t'inspire autant musicalement parlant que dans la vie de tous les jours. Lyra aime écouter les artistes et les écrivains, savoir ce qui les motive et ce qui les passionne ; ce qui nourrit leur imagination et leur force de caractère. Elle s'en nourrit, pour mieux pouvoir les inspirer et les influencer. Tu as la fibre artistique, je veux la voir s'épanouir le plus possible. En tant que muse, c'est une nécessité, un besoin viscéral, que nourrir cette fibre artistique, et de la faire perdurer dans le temps. Mais également de rassurer et d'apaiser les doutes et les questionnements de leurs protégés. De leur faire comprendre et réaliser leur potentiel, pour qu'ils s'illuminent de plus belle. Qu'est-ce qui te motive en écrivant tes chansons ? Si Melpomène a généralement la main mise sur le domaine du chant, Calliope inspire tout à chacun, les chants ayant toujours été un moyen certain de conter les tragédies et les mythes épiques de la Grèce Antique. Et c'est toujours le cas, des millénaires plus tard.