L’avenir, tout le monde le connait sans jamais pouvoir l’atteindre, mais il a tendance à nous faire nous surpasser. C’est un peu comme la carotte devant le cheval ou l’âne pour le faire avancer. Si aucun n’avenir n’était possible, la vie perdrait tout son sens. Je ne connais personne qui souhaite s’orienter vers un avenir sombre. On cherche tous un avenir meilleur, nous n’avons juste pas la même définition du bonheur ou du but à atteindre. Pour ma part, je n’ai jamais eu de grands projets de vie, m’en sortir serait déjà pas mal. Obtenir mon diplôme, un boulot, pouvoir payer mes factures, peut-être m’acheter la dernière console à la mode pour pouvoir jouer et me faire plaisir… ou aller au cinéma plus régulièrement. La dernière fois que j’y suis allé, ça doit faire à peu près 2 grâce au lycée. Oui parce que quand on est un orphelin et qu’on vit dans l’orphelinat le plus miteux de la ville, il ne faut pas s’attendre à vivre des choses que la plupart des enfants font. Du coup, quand la plupart des élèves râlaient de devoir regarder un film d’auteur sur l’écologie, plutôt qu’un film à grand budget, comme les marvels. Je profitais pleinement du moment, ravie de pouvoir me retrouver dans une salle de cinéma.
« Comment tu te sens pour ton premier jour ? » Je hausse les épaules et dépose mon sac sur mon épaule tandis que mon regard se pose dans celui de la personne qui nous fait face. Katie est notre maman de cœur, notre nounou, elle vit ici une partie de la semaine et s’occupe de nous. C’est une personne qui a le cœur sur la main, gentille et prévenante qui nous fait sentir un peu comme nous, même si ce n’est qu’une illusion, mais elle fait tout ce qu’elle peut pour qu’on se sente bien. « Je pense que ça devrait le faire… » dis-je tout en fermant la porte de ma chambre. Depuis que je suis arrivé au foyer, j’ai ma propre chambre, elle est petite, spartiate, mais elle contient tout ce qu’il me faut et surtout je suis le seul à y vivre. C’est une belle étape quand on a vécu uniquement dans des chambres partagées. Parfois, le bruit me manque et les longues discussions aussi… « Mais oui ça va aller. » Je lui réponds avec un sourire, peu à l’aise face à la gentillesse des gens et la remercie avant de partir en direction de l’extérieur.
J’ai posté à plusieurs endroits, seuls 3 établissements m’ont répondu, j’ai passé les 3 entretiens. Deux m’ont rappelé en me disant qu’ils n’avaient pas retenu ma candidature. Faut dire que les étudiants c’est pas trop ce qui manque et que mon bagage est assez mince… J’avais presque perdu espoir quand le patron du dernier établissement m’a rappeler pour me proposer une période d’essaie qui commence aujourd’hui. Autant dire que je n’ai pas le droit à l’erreur et qu’il ne faut pas que je me plante. Heureusement, le patron semble sympathique, il est assez âgé et visiblement il n’a pas encore envie de prendre sa retraite. Du coup pour l’aider, il prend des jeunes pour des contrats avec peu d’heures. Je vais travailler que le samedi et quelques soirées dans la semaine. Rien de plus, et c’est pas mal, ça me va pour commencer.

« Bonjour Monsieur Rubens… » dis-je en voyant le monsieur à l’entrée de l’épicerie. Il est en train de mettre de l’eau dans les jardinières qui se trouvent devant l’épicerie. C’est un magasin assez atypique, ancien, on y trouve pas mal de produits frais, locaux, bio. Tout le monde ne vient pas ici pour faire ses courses, mais quand on vient, c’est parce qu’on le veut vraiment. « Je vais te présenter, Margareth. C’est elle qui va te former. » J’opine de la tête et suis le patron dans les rayons jusqu’à celui réservé aux animaux de compagnie ou une jeune femme est en train de terminer sa mise en rayon de sacs de croquettes. « Margareth, je te présente Alex, il va travailler avec nous. Je compte sur toi pour lui montrer les vestiaires et tout ce qui à savoir pour travailler parmi nous. » Il sourit avant de tirer sa référence, me laissant seule avec Margareth. Je l’imaginais bien plus vieille, parce que son prénom n’est pas très courant et assez ancien. Pourtant, on ne doit pas avoir beaucoup d’écart. Elle est rousse, doit avoir une vingtaine d’année, plus petite que moi, mais ce n’est pas étonnant, je fais plus d’1m80 et elle est jolie. « Margareth c’est ça ? Je m’appelle Alexander. » dis-je pour lancer la conversation. « Alex, me va aussi. » C’est souvent comme ça que les gens m’appellent de toute façon.

@Margaret K. Alvaro

Ce travail représentait une chance énorme pour la vie. Pour certains, ce n’était qu’un job parmi tant d’autre, mais pour moi, c’était le moyen de rentrer dans la vie active et surtout de ne pas finir sous les ponts. Le temps jouait en ma défaveur, car plus les mois s’écoulaient et plus je me rapprochais du jour ou je devrais partir du centre. Je n’avais plus le temps d’en perdre, et si ce travail ne me permettait pas de subvenir à une partie de mes besoins, j’étais foutu. J’aurais aimé posséder la légèreté de ceux qui n’ont pas à se soucier de ce genre de choses, mais je n’en avais pas la possibilité. Je rêvais de changer mon étoile, de réussir dans ma vie, et d’oublier l’endroit ou je venais. Cet orphelinat froid, triste, sans amour, ni tendresse. Heureusement que ma route avait croisé d’autres personnes comme moi, en particulier Gabriel, on s’était serré les coudes tous les deux et ça nous avait aidé à grandir. Ce boulot ne payait pas de mine, ça ne devait pas être hyper intéressant de mettre des produits en rayon et de se faire engueuler par la clientèle, mais je m’en moquais, je n’étais pas difficile et si je devais commencer par là pour y arriver et me payer des études, et bien soite.

Je ne m’étais en tout cas pas attendu à me retrouver face à une fille comme Margareth. Pourquoi faillit-il que je craque en 10 secondes pour celle qui allait s’occuper de moi. J’étais une plaie, en particulier en amour, mais de toute façon, même si elle me plaisait, il ne se passerait rien.  M’approcher des filles, les draguer, ça sonnait pour moi, un peu comme escalader l’Everest, sans posséder l’équipement nécessaire. Du coup, je préférais rester en plaine pour ne pas me mettre à gravir un sommet ou je finirais automatiquement par me casser la figure. Je n’étais d’ailleurs jamais sorti avec une fille, en tout cas, pas assez longtemps pour vraiment appeler ça sortir… « Merci Maggie. » lui dis-je en la remerciant de m’accueillir si chaleureusement dans l’équipe. C’est déjà un bon point de se sentir accepter, surtout quant ça ne vous arrive pas souvent. « Il a l’air sympa le patron… » C’était en tout cas l’air qu’il donnait. Je ne me faisais pas d’illusions, ça restait un patron, mais certains étaient mieux que d’autres. Tout en observant autour de moi, je suis Maggie en direction du fond du magasin qui abrite sûrement les vestiaires qui me permettront de passer une tenue plus en adéquation avec le magasin. « Tu travailles ici depuis longtemps ? » dis-je curieux d’en apprendre un peu plus sur elle avant de rajouter dans l’espoir de ne pas me faire capter. « Vous êtes combien à travailler ici ? »

@Margaret K. Alvaro

J’allais me plaire ici, en tout cas c’était une intuition que j’avais et qui était assez positif. Et non ce n’était pas uniquement à cause de la jolie fille qui me servait de guide. Quoique peut-être un peu, disons que ça rajouter du plaisir à la tâche et que ce n’était pas désagréable de travailler à côté de quelqu’un comme Margareth qui semblait souriante et sympathique. « C’est pas souvent des patrons qui laissent des libertés aux employés. » dis-je avant de rajouter en pensant à la maigreur de mon CV. « Enfin c’est souvent ce que les gens disent, que les patrons ont plus tendance à restreindre les libertés qu’à en donner. Je n’ai pas trop d’expérience, c’est mon premier Job. » Il n’avait pas honte de l’avouer, de toute façon ils devaient déjà le savoir et il faut bien commencer un jour. « Ok, c’est noté. » Pas besoin de prendre des notes, j’ai toujours eu une bonne mémoire, surtout qu’il me semble normal de prévenir en avance pour permettre au chef de faire les plannings sans être trop embêtés par des imprévus trop réguliers.

Je la suis d’un bon pas, observant les rayons autour de moi, histoire d’analyser le plus de choses possibles et surtout me souvenir du chemin emprunté jusqu’aux vestiaires. Heureusement la superette n’est pas très grande, ça ne devrait pas être difficile de me retrouver. « Et du coup 3 ans, ça fait long pour une employée ici, ou ça tourne souvent ? » C’était quand même un bon signe quand les employés restaient. Mieux qu’un turnover régulier qui montrait une certaine instabilité des postes et vu que j’avais envie de rester pour pouvoir me payer un appart, ça avait une certaine importance pour moi. « Je vais essayer de retenir les prénoms, mais pas sur que j’y arrive tout de suite » plaisantais-je, en sachant parfaitement que s’il y avait un prénom que je n’oublierai pas, c’était bien le sien.

Arrivé au casier, j’y dépose mon sac et retire ma veste avant de le refaire pour suivre de nouveau Margareth. « Ah oui c’est la pièce maitresse de la superette. » plaisantais-je en passant devant les toilettes qui pouvaient s’avérer bien utile. « Vous restez souvent manger ensemble, ou les gens rentrent chez eux ? » Je me doutais que ça devait être mitigé selon les employés, mais ça me donnerait une indication. Le centre n’était pas loin, je pouvais y rentrer pour manger le midi, mais peut-être que je pouvais aussi rester manger ici… Enfin ça allait dépendre de la réponse de la jolie rousse qui évoluait à mes côtés.

« Ok, pas de souci, je te suis ! » dis-je d’une voix enjouée, bien décidé à tout découvrir rapidement de cet endroit et à rapidement prendre mes automatismes pour devenir un maillon important de l’équipe de ce petit magasin. Tandis que nous nous dirigions vers la badgeuse, je ne peux pas m’empêcher de lui poser une nouvelle question. « Tu es originaire de l’île ? » demandais-je, parce que je ne l’avais tout simplement jamais vu, je m’en serais souvenu si ça avait été le cas. Après, faut dire que je n’avais pas vraiment eu la chance de visiter la ville. Je m’étais contenté comme tout les enfants de l’orphelinat, d’aller à l’école et de revenir entre les murs d’enceinte de ce lieu infame qui n’aurait jamais dû exister.


@Margaret K. Alvaro