Je voudrais tout recommencer et tomber amoureux une deuxième fois | Solangelo ♥

William Andrew Solace. Si on lui avait demandé plus jeune, Nico n'était pas du genre à croire en de telles choses comme "l'amour de sa vie". Pourtant, il était convaincu que Will était le sien. Oui, bien sûr, on disait généralement ça pour son premier amour, quand on est jeune sans avoir encore connu le reste de sa vie.  Mais si Will n'était pas l'amour de sa vie, alors Nico ne voudrait certainement pas revivre les affres de l'amour.

Ce n'était pas techniquement la première personne qu'il a aimé, mais dans la valeur de ses sentiments, en réalité, c'était bien le cas. L'amour qu'il avait eu tout jeune pour Percy avait été bien différent, trouvant sa source dans une admiration héroïque, trouvant en lui une figure rassurante dans un tumulte de vie chaotique. Will, lui, s'était imposé à son coeur dans l'inverse de ce que voulait dire le chaos. Alors que Nico se sentait indigne d'être aimé (et même indigne d'être), il avait vu dans le regard de Will des sentiments, des attentions et une considération qu'il n'avait jamais vu avant (ni dans le regard des autres, ni dans ses propres yeux). Il avait eu entre ses doigts la chaleur d'une compagnie évidente et entre les battements de son coeur la première musique qui lui semblait juste. Oui, Nico était profondémment gêné par de telles choses comme le contact physique et les démonstrations affectives, surtout en public, et avait râlé plus d'une fois quand Will l'appelait "son copain" en parlant de lui aux autres, mais la place qu'il avait pris dans sa vie et qu'il avait laissé Nico prendre dans la sienne avait révélé au fils d'Hadès des émotions qu'il n'aurait jamais cru ressentir un jour. En commençant par se sentir légitime, se sentir humain, se sentir à sa place. En tout ça, en tout ce que Nico voyait dans le regard de Will, il était la première personne qu'il avait réellement aimé.

Alors, quand ce jour là il avait à nouveau croisé son regard, dont l'absence avait replongé Nico dans ses pires démons et ses pires peines, et qu'il n'y avait vu rien de tout ça, le demi-dieu avait cru mourir tant il avait senti son coeur se briser, presque au sens littéral.

Le Comics Burger n'était pas le Mcdonald's. C'était certainement bien plus qualitatif que le Mcdo, d'ailleurs, puisque c'était un véritable restaurant contrairement au fast food qui réchauffait du surgelé (et que Nico préférait tout de même). Mais faute d'enseignes comme Mcdo dans le coin, Nico trouvait ses burgers, ses frites et son coca là où il pouvait. Et quand il s'était rendu dans ce restaurant sur le thème des super-héros en centre ville, il s'était figé sous le choc en entendant une voix.

La sienne.

De toutes les très nombreuses raisons pour lesquelles Nico était tombé amoureux, la voix de Will avait été l'une des premières. Le jour où le fils d'Hadès s'était dangereusement senti séduit, Will fredonnait You are my sunshine qui l'a beaucoup plus charmé qu'il ne sauait jamais l'admettre. Nico savait que les enfants d'Apollon tenaient le pouvoir de leur père à envouter grâce au chant, mais le sien était une véritable force de la nature. De tout ce que la nature avait de plus beau.

Donc quand il entendait cette voix chanter au micro, Nico avait été parcouru de violents frissons en reconnaissant immédiatement Will, qu'il cherchait depuis si longtemps à Baiame qu'il avait fini par le croire mort avec le reste de son univers. Les mains tremblantes, il était retourné vers la scène pour le voir, lui, se produire sur scène, chantant ces histoires d'amour que Will avait toujours su rendre adorables même à ses yeux.

Il avait fait un pas difficile vers la scène, bouleversé par le son de sa voix et la vue de son visage. Et quand Will termina sa chanson, il croisa son regard. Si la foudre elle même s'était abattue entre ses omoplates, la douleur aurait été certainement moins grande. Will l'avait regardé comme tout le monde, comme tout inconnu qu'il pouvait voir. Son regard était toujours doux, bienveillant, agréable, et magnifique, mais tous les sentiments qui l'animaient quand il regardait Nico ne s'y trouvait plus.

Will était maudit, il ne le connaissait plus. Nico avait eu envie de mourir.

Il avait fait demi-tour, se mordant la langue si fort qu'il se l'ouvrit, et c'est avec un gout de sang dans la gorge alors qu'il luttait contre les larmes qu'il se rendit chez Percy. Elyan.

Il était tellement bouleversé que lorsque l'étudiant lui ouvrit sa porte, il resta figé là, sans rien dire. Qu'est-ce qu'il se passe ? S'empressa de demander Elyan.

Accablé par le desespoir, sa lèvre inférieure tremblait. Nico fut juste en mesure de souffler quelques mots. Il sait pas qui j'suis.

Elyan haussa les sourcils. Qui ça ?

Il mit du temps avant de répondre, comme si prononcer son prénom lui était interdit. Will.

Son ami fronça les sourcils, comme pour essayer de se rappeler. Elyan ne se rappelait pas plus de Will qu'il ne se rappelait de Percy. Tout ce qu'il savait, c'était les discussions qu'il avait eu avec Nico. Will ? Ton petit-ami, c'est bien ça ? Demanda-t-il, joyeux. Mais Elyan fut bien obligé de se retenir de sourire en voyant l'air abattu de son ami. Je t'avais bien dit que tu le retrouverais ! Il est maudit donc ? Comme moi.

J'ai tout essayé pour te rendre tes souvenirs et rien n'était possible... Will ne me connait plus, dit-il, entendant Will ne me connaitra plus jamais. Lorsque Nico avait rencontré Eingana, l'entité créatrice multiverselle qui possédait le pouvoir de l'esprit, il avait tenté d'en tirer avantage pour réveiller Elyan mais rien n'y faisait : la source la plus puissante de la réalité n'était pas assez puissante pour éteindre la malédiction. Il ne savait pas ce qu'il faudrait pour que Percy revienne un jour, alors de savoir Will encore sous l'emprise de la malédiction avait tout pour l'abattre, certain qu'il l'avait perdu définitivement.

Rien n'est encore perdu, assura Elyan, attristé de voir Nico dans cet état mais fidèle à lui même dans son optimisme éternel qui pouvait agacer Nico parfois. Si ça n'a pas marché avec moi, ça ne veut pas dire que ça ne marchera pas avec lui.

Non ! S'écria Nico, faisant sursauter Elyan. Il a une vie, une autre vie, et il est très heureux. Sans moi. Il est très heureux sans moi, répéta-t-il la dernière phrase tout doucement. Dans le fond, ça ne surprenait pas Nico. Will avait tout pour être heureux, si on lui retirait un copain venu des Enfers ça ne devrait pas lui causer trop de tort. Le seul garçon qui m'ait jamais aimé ne m'aime plus.

Ce sont de faux souvenirs, rien de plus. Ne te détourne pas du garçon que tu aimes simplement parce qu'un obstacle se trouve sur votre chemin, dit-il comme s'il parlait encore d'une guerre de demi-dieux dont il ne se souvenait pourtant pas. Il s'appelle comment, sous sa nouvelle identité?

Je sais pas, il chante, j'ai reconnu sa voix et quand je suis allé le voir il m'a juste regardé comme il regarde n'importe qui, dit-il difficilement.

Il chante tu dis ? Demanda-t-il comme si une idée lui venait. Un de mes amis, Omitrie, peut peut-être t'aider, si tu veux. Il est chanteur lui aussi et il connaît assez bien les gens du métier.

Nico se sentait presque essouflé. Mais qu'est-ce que tu veux que je fasse de toutes façons ? dit-il débousollé. Le séduire ? Regarde moi ! Qui tomberait amoureux de moi ?

Elyan regardait Nico comme si ce dernier avait perdu la tête. Bien plus de gens que tu ne le penses. Tu penses que personne ne peut t'aimer parce que tu ne t'aimes pas toi-même. Mais tu as bien plus de qualités que tu ne le crois.

Nico hocha la tête négativement. Arrête, y a que Will qui a réussi à aimer... je sais pas quoi, d'ailleurs, et c'est fini. C'est lui qui a fait le premier pas au début.

Il lui répondit sur un air assuré. Et bien il est temps que tu fasses le premier pas. Arrête de te morfondre et fonce, l'encouragea-t-il. Et je vais tout faire pour t'aider à récupérer le garçon de tes rêves, ok ?

Mais le fils d'Hadès lui répondit d'une voix découragée. Mais je peux pas faire ça. T'imagine quoi, que j'ailles le voir pour lui proposer d'aller au Mcdonald's ensemble alors qu'on ne se connait même pas, et lui supplier de ne pas s'enfuir en courant ? Ironisa-t-il alors qu'il retenait quelques larmes.

Mais Elyan hocha la tête. C'est une bonne idée, en vrai. Oublie la partie ou tu le supplies de ne pas s'enfuir, toutefois. Mais proposer un rendez-vous est un bon début. Pourquoi Mcdonald's ceci dit ?

Nico n'eut pas le temps de répondre. Beaucoup plus déterminé que lui, Elyan attrapait déjà sa veste et enfilait ses chaussures, déjà décidé de son plan sans même que Nico ne puisse riposter. Allez, on va aller voir Omitrie, et on va lui parler de ce garçon.

Nico avait envie de frapper Elyan. Percy ou Elyan, il était toujours animé de cette énergie de crétin agaçant optimiste à l'inverse de tout le desespoir de Nico qui s'attendait toujours au pire parce qu'il se considérait comme digne du pire. Mais pourtant, il ne l'arrêta pas. Malgré son pessimisme, si Elyan avait raison et qu'il y avait une chance que Will veuille bien lui accorder ses sentiments à nouveau, alors peut être que Nico voulait la saisir.

Le prince des ombres avait desespérement besoin du rayon de soleil.

Perdu dans ses pensées, ses peines et ses paniques, il ne se rendait même pas compte qu'ils retournaient vers le Comics Burger. Et c'est uniquement lorsque Elyan lui indiqua son ami que Nico remarqua où ils étaient, la vision de Will plus loin agissant comme un electrochoc. Son ami, Omitrie, était Will.

C'est lui !

Lui ? Qui ça ? Demanda Elyan en regardant autour de lui, comme s'il allait soudainement reconnaître le mystérieux Will en question. Attends, Omitrie ? C'est lui, Will ?

Un fils d'Apollon blond californien chanteur, évidemment que c'est lui ! s'emporta-t-il, plus dans la panique que d'un réel agacement.

Elyan lui fit un grand sourire avant de lui taper l'épaule, ce qui fit sursauter Nico. Mais c'est une très bonne nouvelle ça ! dit-il, avant de s'avancer vers Omitrie. En le voyant faire sans crier gare, Nico fit les gros yeux en lui marmonnant quelques Non non non ! qu'Elyan ignora pour parler à Will. Hey, j'ai un ami à moi qui voudrait te parler, lui dit-il en poussant Nico, l'arrachant à sa solide position fixe, vers le blond, lui lançant un dernier clin d'oeil et sourire avant de s'éclipser. Souviens-toi, sois le plus naturel possible. Et ne prends pas tes jambes à ton cou. Ca va bien se passer, je crois en toi ! Sur ce, Elyan s'en alla.

Il allait tuer Elyan. Et dans la foulée, il allait certainement se tuer avec lui. Ce plan n'avait aucune chance de fonctionner. Il avait Will devant lui, et en temps normal, le solaire demi-dieu l'aurait sans doute pris dans ses bras, passé la main dans ses cheveux et l'aurait consolé avec son sourire. Et le fait qu'il ne le fasse pas, là, maintenant, avait le même effet qu'un morceau de verre brisé qu'on lui enfonçait dans ses maigres côtes.

C'est tout ce qu'il voulait. Que Will le prenne dans ses bras, que Will fasse tous les premiers pas, même ceux qui gênaient Nico, pour tout rétablir. Parce que lui ne serait jamais capable de lui plaire de lui-même.

Perdu dans ses reflexions, il ne lui avait toujours rien dit, luttant contre l'envie de fuir et celle de pleurer, n'ayant aucune idée de ce qu'il devrait dire. Alors il s'imagina ce que Will aurait dit s'il était réveillé à sa place. Il lui aurait proposé du soleil, avec un peu d'ombre pour Nico, et un burger et des frites pour lui faire plaisir.

Bonjour, commença-t-il luttant pour que sa voix ne se brise pas de sanglots. Je me demandais si je pouvais manger avec toi, demanda-t-il d'une voix maladroite et hésitante.

Maintenant, il ne lui restait plus qu'à se glisser dans les ombres et y rester pour toujours après cette ridicule prise de parole. Evidemment que jamais n'accepterait-il cette question stupide de la part d'un inconnu maigre et effrayant.

La main de Nico tremblait dans celle du garçon qu'il aimait, si bien qu'il en oubliait de répondre, bien qu'horrifié à l'idée que Will puisse penser qu'il n'ait pas aimé sa prestation, lui qui ne demandait qu'à entendre sa voix. Le contact de ses doigts lui avait fait l'effet d'un electrochoc, à la fois si heureux de lui prendre la main et si triste que Will ne le salue avec une simple poigné de main. Il l'accompagna alors, figé par l'appréhension et la tristesse, se surprenant à supplier les dieux, son père y compris, de rendre à Will ses souvenirs.

Je n'ai pas... commença-t-il avant de s'arrêter dans sa phrase. pas envie de manger, allait-il dire, avant de se rappeler qu'il avait été celui qui lui avait proposé de manger ensemble pour se trouver une excuse pour passer du temps avec lui. Et surtout, Nico dans sa dépression avait replongé dans ses pires habitudes, dont la terrible anorexie dont il avait souffert à force de ne pas manger. Will aurait detesté ça, et l'aurait certainement inciter à manger. Merci, dit-il simplement et tristement puisqu'il avait offert de l'inviter, et se contenta de prendre la plus petite portion de frites et un petit verre de coca.

Je m'appelle... encore une fois, sa voix s'était étranglée. Toutes ses pensées hurlaient silencieusement, demandant à ce que Will se réveille soudainement. Qu'il lui dise son nom, qu'il le prenne dans ses bras, qu'il l'embrasse. Il se revit toutes les fois où Will avait exprimé son affection en public et que Nico, embarassé, lui avait demandé de ne pas le faire. Il aurait tout sacrifié pour que Will recommence, le laisse poser sa tête contre son épaule comme ils le faisaient à l'ombre d'un arbre, qu'importe qui pouvait regarder autour. Nico, compléta-t-il finalement. Je suis italien, il rajouta alors dans l'élan tumultueux de ses pensées dans lequel il ne savait plus quoi dire, bien que son accent ne laissait peu de place au doute. En moins de dix ans sur le sol américain, son accent s'était davantage américanisé mais s'entendait encore dans sa voix, et l'information ne semblait pas si pertinente. Par ailleurs, c'était ce nouveau nom qui l'avait autant bouleversé. Nico n'avait pas envie de l'appeler Omitrie. Il n'était pas Omitrie.

Il sursauta quand, devant son air aussi ébranlé, Will posa la main sur lui. Il aurait tant aimé sentir se contact se prolongé mais eut l'air surpris quand il s'éloigna en courant, pour revenir tout aussi vite. En prenant le verre, sous les mots qui lui adressait, Nico se mordit la langue pour ne pas pleurer. Tu... viens de courir juste pour m'apporter de l'eau ? Demanda-t-il sur un air mélancolique, alors qu'il venait de faire exactement la même chose qu'au jour où Nico avait compris ses sentiments profondémment amoureux pour lui.

Il leva un regard à la fois attendri et davantage maussage et nostalgique vers Will en prenant le verre. Nico avait tellement envie de lui dire qu'il l'aimait pour ça, qu'il en perdit ses mots. C'est seulement en remarquant les marques sur son visage qu'il semblait se réveiller de sa léthargie émotionnelle. Nico se leva alors immédiatement, et sans réflechir, emporté par la panique et l'inquiétude, avec un peu de colère, il prit le visage du jeune docteur dans ses mains, tendrement, caressant du bout du doigts les bleus sur son visage. Tu es blessé ?! Que s'est-il passé, quelqu'un t'a fait ça ? S'emporta-t-il immédiatement.

Emporté, il cherchait Elyan d'un regard noir, lui en voulant presque d'avoir laissé ça arriver à Will, avant de se reprendre, et de se rappeler dans un premier temps qu'il n'y était pour rien, d'autant qu'il ignorait que son ami était le garçon qu'il aimait. Puis, en reportant son attention sur le blond, son regard se plongea dans les yeux bleus de Will, et, d'un air à nouveau si triste, il s'éloigna d'un pas et retira ses mains. Pardon, je voulais pas... bafoua-il en rougissant, son regard fuyant immédiatement celui de Will qui devait très certainement avoir simplement l'envie de le fuir à présent.

Il se rassit, plongeant son regard dans les frites qui étaient arrivées, espérant par ailleurs que Will ne lui tienne pas rigueur de sa très petite commande, qu'il n'arrivait même pas à toucher. Les yeux toujours baissés, d'un air apitoyé, il se contenta de simplement de corriger quelque chose. Tout à l'heure, je ne suis pas parti parce que je n'aime pas ce que tu fais, dit-il d'une toute petite voix. C'est juste que...

Mais encore une fois, il n'arriva pas à terminer cette phrase, et sa voix s'étrangla. Il trouva alors refuge dans le verre qu'il lui avait tendit, d'abord en excuse pour occuper ses mains et sa bouche, mais son corps y trouva un plus profond réconfort : Will avait, encore, vu juste. Nico avait eu besoin d'eau, et termina le verre presque d'une traite. Son coeur se réchauffa en y sentant la touche sucrée qu'il lui avait toujours rajouté.

Je suis désolé, s'excusa-t-il finalement, se disant que Nico devait être la compagnie la plus désagréable qu'il ait pu avoir dans sa vie maudite. La vérité, c'est qu'il ne savait pas quoi faire. Nico avait toujours su rassurer Will quand celui-ci s'éloignait du soleil pour lui, mais autrement, dans le schéma si complexe de la vie, c'était toujours Will qui avait pris soin de Nico et à présent qu'il ne le connaissait plus, Nico n'avait aucun moyen de diriger cette conversation. Il ne voulait que deux choses : soit que Will lui prenne la main pour le rassurer, soit de partir définitivement.

Après un instant, il rassembla un peu de courage pour relever les yeux et retrouver le regard si rassurant du chanteur. Il avala sa salive avant de lui poser une question. Une seule question dont il voulait à tout prix la réponse avant de vraiment partir pour de bon pour le laisser tranquille s'il le devait. W... Omitrie. Est-ce que... ça va ? Dans la vie que tu as aujourd'hui ?

Ca tuerait probablement Nico de savoir que Will était parfaitement heureux maintenant qu'il ne l'avait plus pour lester sa vie, mais au moins si sa présence si sombre était incompatible avec la nouvelle personne qu'il était, il pourrait s'éloigner de lui en s'assurant que Will n'était pas malheureux. Peut-être en veillant sur lui de loin cela dit, dans l'ombre, pour s'assurer que plus personne ne s'en prenne à lui.

C'était de plus en plus dur. Traverser l'Europe, l'Océan Atlantique et l'Amérique de l'Est en vol d'ombre; combattre Chronos, Gaia, Néron, Commode et Calligula durant son adolescence, survivre à la faim en n'ayant que trois graines de grenades dans une amphore aux Enfers, être un jeune garçon gay à l'époque d'une Italie fasciste et d'une Europe nazie, se voir mourir violemment dans une chronologie effacée par Haizea à Anjéa, tout ça était des épreuves que Nico trouvait beaucoup plus faciles que ce qu'il avait à faire aujourd'hui. Plus la discussion avançait, plus Will lui parlait avec ses yeux si doux, son sourire si charmant, ses mains si attentionnées, mais comme s'il était un inconnu, plus Nico avait envie de disparaître et laisser les ombres le prendre pour étouffer la douleur qu'il ressentait. Il avait pu tout encaisser, mais ça c'était beaucoup plus difficile que tout ce qu'il avait à faire. Et à chaque détail qui rappelait bel et bien qu'il était le Will d'avant, en écho à sa vie passée, mais qui ne suffisait pas à le ramener ne faisait qu'enfoncer le couteau.

Will lui avait déjà demandé à l'époque de parler italien, par exemple. Nico avait fini par céder, à condition de ne jamais lui traduire ce qu'il avait dit. Et puisque les appareils electroniques des mortels ne fonctionnaient pas trop pour les demi-dieux dans leur univers d'origine, Will n'avait jamais vraiment pu tricher en utilisant le monde moderne pour en connaître la signification. Nico lui avait fait la déclaration la plus profonde et la plus sincère d'amour qu'il ait pu faire de sa vie. L'entendre lui demander à nouveau de lui apprendre l'italien lui faisait beaucoup de peine, à savoir qu'il n'avait donc jamais entendu, dans cette vie, les mots les plus importants que Nico ait prononcé par amour de toute sa vie.

Je peux t'apprendre l'italien, accepta-t-il d'une voix rauque qui demandait beaucoup d'efforts très compliqués pour cacher sa peine.

Son sang ne fit qu'un tour cependant en apprenant que Will se soit fait agresser. Seul le TVA devrait pouvoir l'arrêter pour l'empêcher de commettre un meurtre. Il avait envoyé de jeunes ennemis littéralement dans les Enfers en ouvrant le sol, et c'était à présent exactement ce qu'il avait en tête pour qui ait pu s'en prendre à Will. Nico s'en voulait de ne pas avoir pu le défendre, empêcher quiconque de blesser Will alors qu'il n'avait même pas souvenir de qui il était et de ce dont il était capable. Quelqu'un s'en était pris à lui, et Nico se promettait à cet instant de retrouver qui en était le coupable et de lui offrir une justice bien plus radicale que celle de la procureure de Baiame.

Plus personne ne te fera de mal, je te le promets, assura-t-il sans dévoiler ses futurs projets de vengeance. Will posa les mains sur les siennes et Nico avait tellement eu envie de les serrer entre ses doigts, sentir le réconfort qu'il lui offrait toujours quand il l'avait contre lui... quand Will éloigna ses mains, c'était comme si un autre fragment de son coeur déjà fracturé venait de se briser davantage.

Il avait songé à partir, c'est vrai. Si Will était vraiment heureux dans cette nouvelle vie, quelqu'un comme Nico ne lui ferait jamais de bien, et s'il n'avait jamais compris comment Will avait pu tomber amoureux de lui, il savait qu'il n'avait aucun chance que ça arrive une seconde fois. Mais Will mentionna un rêve, alors Nico avait eu une lueur d'espoir qu'il aurait voulu ne pas avoir : espérer était cruel, quand l'espoir se révèle être vain, la deception était encore plus douloureuse.

Mais un rêve n'était pas anodin pour un demi-dieux, alors c'était plus fort que lui, il espéra malgré lui au moins un tout petit peu. J'aimerais bien connaître tes rêves, moi, s'empressa-t-il de dire quand il essaya de balayer le sujet.

Mais quand Will lui retourna la question, Nico fut pris de court. Est-ce qu'il allait bien, lui ? Non, évidemment que non, et s'il avait passé la majorité de sa vie à déprimer, il ne s'est probablement jamais senti aussi mal depuis sa naissance. Que pouvait-il lui répondre ? Lui supplier de le prendre dans ses bras et de se réveiller pour qu'il aille enfin mieux ?

Nico prit une grande inspiration, et lui répondit la plus sincère vérité qu'il avait sur le coeur. Sono innamorato di te da così tanto tempo, più forte di quanto mi sembrasse possibile amare qualcuno, con tutto il mio essere, con tutta la mia anima. E oggi tu non mi conosci nemmeno più. Quindi no, non potrò mai più stare bene senza il tuo amore, non sono mai stato così infelice senza di te.

Oui, dans ce monde où les appareils electroniques fonctionnaient beaucoup mieux pour eux, Omitrie pourrait sans doute traduire mais Nico se doutait qu'il se souvienne vraiment de ce qu'il ait dit, qu'il l'ait gravé dans sa mémoire ou qu'il s'en préoccupe vraiment. Mais il avait eu besoin de le lui dire, il mourrait de ne pas pouvoir lui parler.

Pas de traduction, tu apprendras l'italien si tu veux comprendre un jour, expliqua-t-il.

Omitrie pouvait tout de même voir les joues rougies de Nico qui ne trompait personne dans aucune langue concernant les sentiments qu'il venait de partager. Alors il baissa le regard et essaya de revenir au sujet précédent. Tu veux bien me partager ton rêve ?

Nico, sous son regard triste, se mit à rougir pour deux raisons : Will venait de sourire, sincèrement heureux de pouvoir passer du temps avec Nico pour apprendre l'italien, et parce qu'il lui avait demandé son numéro de téléphone. Dans leur monde d'origine, les demi-dieux n'utilisaient pas de téléphone ou d'ordinateurs, qui attiraient les monstres et qui ne fonctionnaient pas très bien avec eux de toutes façons. Mais dans ce monde, sans monstre, les téléphones leur étaient à nouveau accessibles, mais Nico n'utilisait jamais le sien. Il avait été obligé d'en avoir un pour son patron, mais il n'avait que trois contacts : le cinéma où il travaillait, sa collègue, et récemment Elyan. A vrai dire, il n'utilisait tellement jamais son téléphone qu'il ne sortait même pas avec, et il lui a fallu un peu de concentration pour se souvenir de son numéro.

Je ne veux pas que tu me paye, riposta-t-il cependant, en partie contrarié et en partie gêné d'autant rougir à la simple idée d'avoir une occasion si claire de passer du temps avec lui. Je veux juste passer du temps avec toi, dit-il doucement, honteusement et tristement, les yeux baissés sur la table.

Il eut cependant la surprise de voir Will approcher une frite de sa bouche. Même en étant une autre personne il ne changeait pas, Will avait toujours eu l'attention nécessaire pour voir quand Nico ne mangeait pas quand il le fallait, et l'inquiétude de s'assurer qu'il le fasse. En l'occurence, dans le flot d'émotions si compliquée qui l'habitaient, Nico n'avait pas la tête à manger, et la tâche lui était compliquée alors qu'il en avait pourtant réellement besoin. Mais si c'était lui qui le demandait, il n'arrivait pas à résister. S'il a réussi à mieux manger dans sa vie, c'est véritablement grâce à Will à qui il ne pouvait pas dire non.

Alors Nico mangea cette frite, ses joues n'ayant pas perdu de leur rose comme au tout premier jour où il a compris qu'il était amoureux de lui. Et aujourd'hui, ils n'étaient pas sous le soleil qui à l'époque lui servait d'excuse pour autant rougir (bien que déjà n'était pas si crédible).

Il ne répondit rien concernant le coupable des blessures de Will. Nico comptait bel et bien exprimer sa colère contre cette personne, et Will venait de lui donner une piste : il trouvera des informations au poste de police. Il lui était trop dur de ne pas être avec le garçon qu'il aimait pour ignorer que quelqu'un s'en soit pris à lui. Cette personne prendra pour son acte, et pour la frustration et la peine qu'il avait.

Mais Will avait toujours le don de lui tirer un sourire même alors qu'il semblait impossible de le voir sourire. Nico venait d'ouvrir son coeur, en italien pour que Will ne le comprenne pas et ne soit pas brusqué à cause de la malédiction, et l'urgence que Nico voyait dans ses yeux de comprendre cette phrase l'amusa autant que ça le touchait. La première fois que Nico avait parlé en italien, Will avait réagi de la même façon, alors que Nico s'était ouvert de la même façon.

Le fils d'Hadès leva la main et lui tapa affectueusement le bout du nez avec un doigt. Pas de traduction, et pas de répétition, S... Alors qu'il allait dire Solace, il se reprit aussitôt. Jones. Ce qui eut pour effet de lui faire perdre son sourire aussi vite. Un jour tu comprendras. Si tu le veux vraiment, promit-il malgré tout, bien que destabilisé.

Il y avait de nombreux points commun entre cette nouvelle première journée et leur véritable première journée, comme les larmes que Nico n'arrivait pas à retenir. La première fois, Nico avait fini par se convaincre de briser sa barrière pour s'ouvrir à Will, et avait pleuré en confiant pour la première fois un secret aussi intime. Aujourd'hui, des larmes avaient coulées alors qu'il le surprenait avec une chanson qu'il avait écrit au détour d'un rêve. Il en avait pleuré sous l'effet envoutant, mélancolique et terriblement magnifique d'une voix si parfaite qui lui avait tant manqué, mais aussi en comprenant que Will chantait... sur lui.

Un frisson parcourut le corps de Nico quand il lui décrit son rêve. Malgré la malédiction, son subconscient semblait essayer de se souvenir de Nico dans ses songes. Etait-ce vraiment le cas ? Nico pouvait-il vraiment se permettre d'espérer dans cette existence qui lui donnait tant de raisons à ne pas en prendre le risque pour ne pas souffrir davantage ?

Il ne veut pas t'attirer dans les Enfers, tenta-t-il d'expliquer en espérant que ses larmes étaient discrètes. Il a peur du soleil, mais il meurt d'envie que tu le retires des ombres pour lui faire découvrir le soleil avec toi. Et il souffre de voir que tu ne l'entends pas. Que tu ne le comprennes pas.

Etait-ce bizarre de lui expliquer si précisemment un rêve qu'il avait fait ? Surement, mais c'était trop important. Nico se perdait dans les ombres, et malgré tout le mal que ça lui faisait, il se confortait volontairement dans celles-ci. Sa peau était sensible au soleil, mais il ne demandait que la main de Will pour l'attirer vers cette lumière qu'il voulait découvrir avec lui. Il ne pouvait se permettre de le voir avoir des bribes de souvenirs sous la forme de rêves mais qu'il les interprète mal.

Cette chanson était magnifique, commenta-t-il sincèrement mais hésitant, les dernières petites larmes mourrant sur son cou. Tu sais ce que tu ressens quand tu la chantes ?

Nico prenait un grand risque ici, celui de voir son espoir se briser si ce n'était pas de l'amour qu'il ressentait au travers de ses paroles.

È amore quelle che sento io, dit-il tout bas dans un soufle. C'est de l'amour que je ressens, moi

Je voudrais bien, répondit timidement Nico, les joues rouges, quand Will lui proposa de lui faire découvrir un endroit secret qu'il aimait bien. La proposition lui avait d'ailleurs permis d'éluder les encouragements à manger qu'il avait fait juste avant, puisque ça faisait déjà beaucoup pour lui même s'il n'avait avalé que quelques frites. Quand il n'était pas dans son assiette, il en oubliait de manger. Et face à un Will qui n'était plus Will, ne pas être dans son assiette était un euphémisme. Cela dit, même sans ses souvenirs, il arrivait à le toucher, comme toujours. Par la sortie qui lui proposait, ou par ce petit regard suppliant si adorable lorsqu'il quémanda la traduction de son petit monologue amoureux en italien.

Je sais que tu le veux vraiment, répondit Nico tendrement, un sourire amusé sur le visage (il n'y avait que Will qui parvenait l'exploit de le faire sourire, même le temps d'une seconde, sans même que Nico s'en aperçoive alors qu'il allait mal). Tu comprendras un jour, promit-il simplement. Il était tenté de lui déclarer son amour encore un peu, toujours en italien, souffrant de ne pas pouvoir glisser sa main dans la sienne comme au temps où il est tombé amoureux de lui pour la première fois. Il se ravisa tristement.

Tristesse qu'il cacha derrière un sourire tendre qui cette fois était un peu plus forcé. C'est drôle, j'allais t'appeller Soleil aussi, mentit-il pour se rattraper. Sole. Ta première leçon d'italien. Il mio piccolo sole innamorato, continua-t-il sans traduire cette fois. Mon petit soleil amoureux.

Le grand sourire de Will, quand Nico lui répondit sur cette chanson qui lui avait réchauffé le coeur, le fit fondre un peu. Tout en lui était rayonnant, de son sourire jusqu'à sa joie. Nico aimait à croire qu'il pouvait encore un peu le rendre joyeux ? Au moins un peu.

Ses joues rougirent également. Venait-il de lui dire qu'il souffrait de ne pas pouvoir le retrouver, derrière les lignes de ses paroles maudites ? Peut-être que Nico se faisait des films, la malédiction n'était pas si facilement maléable. Il le savait pour avoir manipulé les forces les plus puissantes de tout le multivers pour briser celle de Percy. Celle de Will n'allait pas montrer signe de faiblesse juste par l'amour que Nico s'imaginait... Il est malheureux aussi de savoir que tu ne le trouve pas, souffla-t-il tout doucement. Will l'avait-il entendu ? C'était peut être mieux qu'il ne l'ait pas entendu.

Nico se mit à rougir de panique à sa proposition. Je... euh... j'adorerais être ton prince des ombres mais... je suis pas très à l'aise devant les gens alors... Il ne termina pas sa phrase, honteux. L'idée d'être dans un clip que tout le monde allait voir ne lui plaisait pas, mais l'idée de décevoir Will en refusant son offre le brisait aussi.

Mais il fut surpris par sa proposition suivante, souhaitant malgré tout l'emmener ailleurs. Il voulait vraiment continuer à passer du temps avec lui ? Peut-être se forçait-il par pitié et compassion, Nico devait arrêter de se faire trop de films, c'est ce qui finira par lui faire le plus de mal au bout du compte.

Nico baissa les yeux vers les frites et se sentit encore plus honteux. Will l'avait invité et Nico n'avait même pas réussi à manger. Dire qu'il n'avait pas faim serait un mensonge : Nico était affamé, et la faim en devenait douloureuse. Mais sa tête était comme plongée dans un abysse de mal-être face à l'amour de sa vie qu'il ne pouvait pas avoir près de lui que manger aujourd'hui reviendrait à ouvrir la bouche sous l'eau et se noyer.

Mais s'il disait non à cette glace après avoir à peine touché aux frites, Will allait finir par croire qu'il ne voulait pas de lui et s'enfuir, ou alors lassé de lui proposer des trucs qu'il déclinait. Je veux bien, répondit-il alors pour une glace. Tu... veux vraiment passer ta journée de repos avec moi ? Demanda-t-il confus, ayant du mal à le croire. Oui, il faisait sans doute ça juste par compassion, mais même en étant aussi gentil ça semblait beaucoup de sacrifice de temps.

Lorsque Will finit par lui poser des questions sur lui, c'était finalement la goute de trop. Et Nico n'arriva pas à retenir ses larmes, se maudissant alors de se retrouver à pleurer doucement devant lui aussi soudainement, sans que Will ne puisse sans doute comprendre pourquoi.

Il baissa la tête honteusement, engouffra ses mains sous ses jambes. Son ventre criait famine mais il l'ignora.

Je peux pas continuer comme ça, avoua-t-il. Je sais que ça va te paraître bizarre parce que tu viens de me rencontrer et que je suis le petit chétif italien sorti de nul part mais tu me plais beaucoup. Même... plus que ça. Et j'en mange plus, j'en dors plus, et je sais que j'arriverai jamais à te plaire de la même façon parce que j'ai rien pour moi, mais je n'arrive pas à me résoudre à ce que tu passe du temps avec moi par gentillesse et pas parce que je te plais aussi.

Il renifla. Je crois que j'aime bien Star Wars, je sais plus trop, se résout-il à dire malgré tout entre ses larmes. C'était lui qui lui avait fait regarder Star Wars, à vrai dire.