Certains de mes collègues avaient un sens de l’humour pour le moins particulier. Dans leur esprit, j’étais ce que l’on appelait communément un “cliché”. La raison ? J’étais chercheuse en botanique, végétarienne et tous les jours je mettais un point d’honneur à faire mon footing avant de venir travailler. Depuis, j’avais droit à des plaisanteries pour le moins douteuses et absolument pas drôles. La plupart du temps, je me contentais de les ignorer, après tout je n’y pouvais rien si leurs facultés mentales n’étaient pas spécialement développés, néanmoins ces derniers temps je leur répondait de manière cinglante, en prenant bien soin de taper où ça fait mal, sans me départir de mon calme, et avec le sourir. Je n’avais pas besoin de remarques sur fond de machisme mal placé, simplement parce qu’ils avaient décidé de se mesurer à la mauvaise personne. D’une manière générale, j’étais simplement une personne sportive, j’avais besoin de courir chaque matin, ne serait-ce que pour me vider la tête mais au fond de moi, il y avait comme quelque chose qui bouillonnait, une énergie ayant besoin d’être dépensée.
Je passerais ma journée au jardin botanique pour mes recherches, ce qui m’arrangeait, n’étant pas nécessairement d’humeur à subir mes collègues. Si je sentais que l’ambiance devenait trop pesante, je demanderais à être mutée dans une autre équipe, de ce qu’on m’avait dit ils étaient “difficile” mais on m’avait choisie parce que je pouvais leur tenir tête. Des fois, je rêverais d’avoir la capacité de manipuler les plantes afin de leur donner une bonne leçon, néanmoins je me contentais de rester indifférente à leurs railleries, ou de les remettre tranquillement à leur place. Les voir balbutier, ou bien ouvrir la bouche pour la refermer dans une superbe imitation de la carpe avait quelque chose d’extrêmement satisfaisant. Parfois, il m’arrivait d’avoir le mal du pays, Baiame était un contraste avec la campagne anglaise où j’avais grandi, et il arrivait que la nostalgie me prenne.
Je ne pouvais cependant pas prendre le luxe de trop déprimer, j’avais trois bouches à nourrir et aucun doute que si j’étais en retard ne serait-ce que d’un centième de seconde sur l’heure du repas, j’allais me faire sévèrement réprimander. De plus, j’avais rendez-vous avec Violette pour notre footing matinale. Nous, nous étions rencontrés il y a un moment maintenant, et avions rapidement sympathisé au point de courir ensemble tous les matins. J’admettais que c’était bien plus agréable d’être en compagnie d’une autre personne que seule. Comme je m’y attendais, en pénétrant dans la cuisine, si Rigel et Alioth étaient sagement en train d’attendre, Vega, elle, arriva droit sur moi pour me faire part de son mécontentement. Les husky ces créatures dramatiques… A croire qu’elle était affamée et n’avait rien mangé depuis trois jours.
- Jamais dans l’abus Vega. Ironisais-je en allant remplir les gamelles
Cela n'eut pas l’air de plaire à cette dernière qui continua ses remontrances
- Et insolente avec ça. Ajoutais-je amusée.
Tu connais la règle pourtant, on ne mange pas tant que je n’ai pas dit “top”. Des fois, j’avais l’impression que mes chiens pouvaient me comprendre, mais je chassais bien vite cette idée de la tête parce que c’était ridicule, je tombais dans l'anthropomorphisme et ce n’était pas nécessairement une bonne chose à faire. Les animaux avaient leur propre manière de communiquer et de ressentir les choses, croire qu’ils fonctionnaient exactement comme les humains pouvait s’avérer dangereux, ce n’était donc pas une habitude à prendre. Je leur donnais le top départ, pendant que j’enfilais mes baskets, j’avais du temps avant de partir travailler c’est la raison pour laquelle j’allais d’abord me dépenser et ensuite, je reviendrais m’occuper d’eux. Ils m’attendraient sagement, à la garderie canine qui se trouvait au centre ville. De plus, j’avais reçu la permission de les emmener au travail, après avoir démontré qu’ils étaient bien éduqués et n'abimeraient pas les plantes.
Passant une dernière fois, devant le miroir de l'entrée, j'inspectais ma tenue afin d’être sûr que tout soit en ordre. J’avais l’impression qu’en ce mois d’Avril les températures avaient envie de se montrer capricieuses, oscillant entre douces et carrément hivernales. Quant au soleil, c’était quand il le souhaitait également qu’il se montrait. Difficile de savoir quoi mettre afin de ne pas avoir trop froid ou trop chaud. Ajustant à nouveau ma queue de cheval, je me décidais tout de même à prendre mon gilet de sport au cas où. J’utiliserais les vestiaires du centre de recherche pour me changer et aller travailler une fois ma séance de footing terminée.
Je laissais ma voiture sur un parking, et déposait mes chiens à la garderie canine, ces derniers ne m’accordèrent même pas un regard avant de filer vers leurs copains. Je secouais simplement la tête, avant de rejoindre Violette :
- J’espère que je ne suis pas trop en retard, dis-je en la saluant.
J’ai dû emmener les chiens aujourd’hui, ils vont venir travailler avec moi. Même si on a beau dire, les animaux c’est comme les enfants, une fois que les copains sont là tu n’existe plus à leurs yeux. Plaisantais-je. Qu’est que tu proposes pour l’itinéraire d’aujourd’hui ? On fait comme d’habitude ou bien on change un peu nos plans ? C’est vrai qu’on avait plus ou moins un itinéraire préétabli depuis le temps, changer ne nous ferait pas de mal, mais Violette avait son mot à dire, je ne pouvais pas être seule à décider.
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