Les enfants du chevalier - Maïa & Perceval

C’est à la taverne que j’ai entendu dire qu’une dame habitant dans le quartier ouest recueillait des enfants de tout âge. Au départ, cette information ne m’a pas paru essentielle, mais en y réfléchissant jour après jour, une évidence m’est apparue : peut-être ne suis-je pas le seul à m’être retrouvé ici. Si je suis là, peut-être que le seigneur Karadoc l’est aussi ! Et s’il n’est pas là, peut-être que ses enfants le sont ! Alors dans ce cas, quoi de mieux qu’une maison accueillant des enfants pour les chercher ?

Le pas décidé, je me dirige vers l’adresse indiquée, après m’être perdu au moins une dizaine de fois. Ils sont chiants avec leur connerie d’Est et d’Ouest sérieux. J’ai toujours dit que ça ne voulait rien dire ! Selon comme on est tourné, ça change tout ! N’empêche, je suis certain que cette quête fera un excellent rapport pour Arthur. Peut-être même que j’y trouverai une information sur le Graal, qui sait, peut-être qu’il est dans cette ville.

Enfin arrivé, je regarde avec étonnement le grand bâtiment qui me fait face. Si y’a pas là-dedans au moins un môme à Karadoc, c’est qu’ils ne sont nul part.

Je sonne et patiente quelques instants, écoutant les quelques rires et cris d’enfants à travers le bois de la porte. Je réfléchis un instant avant de parler, je ne sais pas vraiment quel âge ont ses enfants… C’est indéniable que Mehben et Meghan, étant majeures, ne seraient pas là. Mais ses deux garçons, peut-être.

- Bonjour, je cherche un garçon de seize ans ou un autre garçon d’environ douze-treize ans ? Ils s’appellent Iagu et Gareth. Ça vous parle ?

Et s’ils étaient là, j’en ferais quoi ? Je ne sais même pas s’ils me reconnaîtraient…

La femme qui m’ouvre la porte et à laquelle j’annonce la raison de ma venue n’a pas l’air plus surprise que cela. À croire que je ne suis pas le premier à venir demander ce genre d’information.

Mon regard s’éclaircit face à la potentielle réussite de cette quête.

- Disons que ça fait bien quelques années que je l’ai pas vu, mais y doit bien avoir un air à son père, dis-je en haussant les épaules.

Et j’imagine qu’il doit surtout savoir qui est son père, à cet âge on n’oublie pas ce genre de choses. Même si je dois avouer que pas mal de trucs étranges se passent dans ce patelin, surtout depuis quelques semaines.

- Quand vous dites que vous portez pas votre vrai nom, c’est quoi ? Une mode ? Vous êtes pas la première qui dit ça, c’est pour ça. J’comprends pas tout vous savez, surtout avec l’anguille géante qui nage dans le ciel, j’comprends rien. Vous avez des infos vous ?

Question lancée à l’improviste, mais sait-on jamais, peut-être que je pourrais tomber sur quelqu’un qui s’y connaît sur tout ça. Faudrait que je lui demande pour le Graal aussi. Peut-être qu’elle a un bocal à anchois dans sa cuisine, qui sait.

- J’peux le voir, le garçon ? Ça m’aiderait si c’est celui que je cherche, j’cherche un vieil ami que j’ai perdu et ce serait son fils, vous comprenez…

J’espère, parce que moi non. J’ai l’impression d’avoir un pic-vert dans la tête en permanence. Bin je souhaite ça à personne.

- Mais ça vous dérange pas de pas être vous-même ? Moi, quand j'm'en suis rappelé, c'est quand j'ai vu Arthur. C't'une personne que j'aime beaucoup, alors peut-être que vous aussi vous vous souviendrez au moment où vous allez retrouver quelqu'un que vous aimez.

Je hausse les épaules, je n'ai pas vraiment l'habitude d'expliquer ce genre de choses aux autres, et encore moins de les réconforter. D'habitude, je reçois des pintes vides ou pleines dans la tête et ça me suffit à me faire taire. Mais elle, je n'ai pas vraiment l'impression qu'elle veuille s'en prendre à moi.

- En tout cas, vous verrez, c'est pas joli. Vous avez déjà eu un pic-vert dans la tête après avoir trop bu ? Bah c'est encore pire. Après ça va mieux.

Mais là n'était pas la question. Au départ, je suis venu voir le fils au Seigneur Karadoc. Lorsqu'elle me laisse entrer chez elle, je suis son indication et observe la salle de jeu dans laquelle joue deux enfants. Mon regard se pose sur le garçon qui s'appelle Kevin mais je soupire. Décidément, rien ne me revient. J'imagine que si c'était vraiment lui, ça me ferait un truc dans le ventre, non ? Je suis quand même son oncle, enfin presque. Là, rien.

- J'pense pas que ce soit lui. J'vais pas vous déranger, c'est déjà très gentil de votre part. Moi, c'est Perceval.

Je lui tends la main pour une poignée amicale mais mon regard n'est que tristesse et lassitude. Je n'arriverai donc jamais à trouver quelqu'un que je connais, quelqu'un de ma vraie vie, de Kaamelott.

Mes yeux s’ouvrent en grand et je reste bouche bée lorsque j’entends la proposition que la femme me fait. Je ne m’en suis jamais plains, pas à l’oral du moins, mais ce n’est pas dans les habitudes des gens de m’offrir ce genre de choses. D’habitude on fait tout pour m’éviter, et même me voir de loin c’est compliqué, on me l’a déjà dit. Alors m’inviter de son plein gré chez elle pour un thé, ça me fait le même effet que d’être invité à la table du roi.

Je ne fais pas part de mes états d’âmes et je lui souris en hochant la tête.

- Avec plaisir madame.

J’entre à sa suite plus profondément dans sa maison et je fais un signe de la main aux enfants qui me voient passer. Je prends place à l’endroit où elle m’indique et tapote des doigts sur le bois de la table. C’est pas tant que je suis nerveux, j’ai juste peur de dire une connerie et qu’elle me foute à la porte. On commence si bien tous les deux que je suis certain de tout faire foirer dès la prochaine seconde.

- Vous avez pas un bocal à anchois ?

Et voilà. Quel con, elle va vraiment me prendre pour un dingue avec mon bocal à anchois, et puis qu’est-ce que j’ai avec ça, moi ?

Je grimace de ma propre question et lui fais un signe de main pour qu’elle oublie.

- C’est juste que je dois faire honneur au Roi et pour ça j’dois trouver le Graal. Ils pensent tous que c’est un récipient ou une pierre incandescente, mais moi, j’suis sûr que c’est un bocal à anchois. Vous savez, on sait pas où il peut être, si ça s’trouve c’est chez vous et vous le savez même pas.

Si c’est elle qui l’a, il faudrait repartir sur de bonnes bases parce que vu comment la conversation a tourné, je suis pas certain qu’elle me le donne.