avant aujourd'hui En ce monde inconnu, tes nuits d’insomnie étaient rythmées d’heures d’observation. Ton regard glissait sur cette veine que tu eus coupée lors d’une nuit de désespoir — tu t’étais cru infécond. Nul doute n’était permis puisque ces mots sortaient de la bouche d’une pythie et amie de longue date, Prisca. Comment aurais-tu pu savoir à ce stade de ton voyage que son esprit fut manipulé par la magie noire de l’homme qui t’accompagnait dans ta quête, Mélégant ? Rien ne te permettait de savoir que ce mage mystérieux n’avait que pour but celui de te destituer au profit de Lancelot, ton meilleur chevalier et meilleur ami devenu rival au fil du temps. Tous les coups étaient permis, même les plus bas.
Néanmoins, la nouvelle de ton infertilité n’avait été que la goutte qui fit déborder un vase trop plein. Il avait commencé à se remplir dès ta naissance.
Chapitre I
De Arturus au Roi Arthur.
439 — Le Royaume de Bretagne est fragmenté. Seuls des clans non fédérés règnent sur le territoire. L’Empire romain domine dans certains recoins et tente une percée pour conquérir toute l’île.
Ta venue en ce monde froid était, au départ, illégitime. Tu es le fils bâtard d’Ygerne de Tintagel et d’Uter Pendragon qui usa d’un charme pour prendre l’apparence du Duc de Gorlais, l’époux officiel de la Duchesse, et ainsi se glisser vicieusement dans son lit. Représentant une menace pour ton père, dès ta naissance, tu fus caché et confié à un père d’adoption, Anton, qui t’a toujours considéré comme sa chair et son sang. Sans t’en rendre compte, parce que tu étais bien trop petit pour mesurer la portée de tes gestes, à l’âge de quatre ans, tu t’exposas au danger. Tu retiras Excalibur de son rocher et comme la légende le stipule, c’est toi qui fus voué à reprendre le trône du Royaume de Logres. Tu ne t’en souviens guère, mais pour te protéger des passions meurtrières de ton père de sang, ta mère t’envoya à Rome. Elle fit ce choix tout d’abord pour mettre concrètement de la distance entre toi et le Royaume de Bretagne, mais aussi pour te garantir une formation militaire de qualité puisque selon ses propres termes, l’Empire romain reste le meilleur dans ce domaine. Tu y resteras une vingtaine d’années.
Effectivement, ta vie romaine était dure, jalonnée de violences ternies par des guerres sans aucun intérêt pour toi. Le sang versé, tu le quantifies en rivière tant l’Empire de Rome est belliqueux. Tu finis enrôlé dans la Milice urbaine de Rome où tu t’ennuies profondément, mais tu monteras vite en grade, car tu seras malheureusement (ou heureusement ?) le pion malléable de certains politiques en place à Rome, surtout celui de Sallustius qui eut vent de la rumeur qui t’entourait — tu es celui qui a retiré Excalibur du Rocher, ce qui t’offre de facto la place de Roi. Et puisque Rome cherche à conquérir le Royaume breton, quoi de mieux que de placer l’un des leurs à sa tête pour en prendre le contrôle ? Tu devins alors tour à tour centurion et général, mais ton grade de dux bellorum, tu l’obtins en tuant un chef ostrogoth dans la demeure d’une noble respectée dans toute la ville — Aconia Minor. Toutefois, monter en grade ne te garantissait pas la culture qui allait de pair avec la fonction de roi. Si Sallustius voulait que son plan fonctionne, il fallait parfaire ton éducation du côté intellectuel de la chose. Il confia cette tâche à Aconia, troublante beauté. Tu ne pouvais pas la voir au départ, la trouvant trop froide, trop stricte, trop rêche avec toi. Tu ne supportais pas son côté laconique, cette petite arrogance qu’elle avait quand elle s’adressait à toi, mais finalement de cette relation étrange naquit un amour passionné et interdit — Dame Minor était mariée à un homme qu’elle n’avait pas vu depuis quinze ans, car dux bellorum mobilisé en Bretagne. Cela ne vous empêchera pas de vivre votre idylle de manière cachée, malgré les freins et les obstacles en travers de votre route. Tu te souviens de la colère de ta belle quand elle apprit que ce fut toi qui avais tué ce chef ostrogoth, jetant ainsi l’opprobre sur sa demeure. Cela ne t’avait pas empêché de la demander en mariage, malgré la différence d’âge flagrante entre vous. Tu es trop jeune pour elle. Elle refusa dans un premier temps, mais finit par accepter et votre mariage. Comme le reste de votre relation, il se fit dans le secret, en petit comité. Seulement, ton union avec Aconia n’était pas celle que les dieux avaient prévue pour toi. En effet, las de la Bretagne, Macrinus, son époux, retourna à Rome et prit son épouse sous le bras pour un départ définitif pour la Macédoine. Tu eus la naïveté de croire que la Romaine l’abandonnerait pour toi, mais elle te laissa seul avec ton amour, une promesse et sa robe de mariée laissée à l’abandon.
Malgré cet amour déçu, tu ne perdis pas tes ambitions et finis par devenir Roi de Bretagne. Grâce à un habile stratagème, tu déboutas Sallustius et d’autres politiques romains de leur aspiration envers l’île de Bretagne et tu repris ainsi le plein pouvoir du territoire. Tu te positionnas de fait comme le Roi plénier de l’île, sans l’ombre de Rome qui plane sur vous. Dans le même temps, tu te vis confier la mission divine de la Quête du Graal et tu fondas l’Ordre des Chevaliers de la Table ronde pour t’aider dans cette tâche. Tu pensais avoir rassemblé le gratin du Royaume, la crème de la crème des chevaliers, mais tu t’étais récolté en réalité les plus gros péquenauds des terres bretonnes, pour ton plus grand désespoir. Seul Lancelot semblait relever un peu le niveau. Avec le départ de Rome de tes terres, tu cherchais aussi à créer un royaume uni et fédéré à travers la Table ronde. Comme il était coutume à l’époque, pour asseoir une plus grande puissance, tu épousas la fille du chef de clan qui dominait à ce moment-là — la Carmélide. Ton mariage était un échec : tu ne supportais pas Guenièvre et surtout, tu ne consommas jamais ton mariage avec elle. Comme un idiot, tu respectais la promesse faite à ton amour romain — celle de ne jamais coucher avec ta femme, seulement avec tes maîtresses.
C’était la naissance de Kaamelott et tu tentais de répondre, du mieux que tu le pouvais, à tes responsabilités de roi.
Chapitre II
Un roi en exil.
474 — Dix ans qu’Arthur règne sur Kaamelott, mais la chute est proche à cause d’un excès d’orgueil du roi.
Si la vie au château tournait à peu près rond (malgré les frasques de certains de tes chevaliers), la Quête du Graal, quant à elle, n’avançait pas d’un kopeck. Seuls Lancelot et toi sembliez prendre la chose au sérieux. D’ailleurs, ton plus fidèle ami, las de cette stagnation, finit par déserter la Table et monter son propre clan. Une rivalité s’installa alors entre vous. On aurait pu croire qu’elle se serait aggravée avec le départ de Guenièvre pour rejoindre Lancelot dont elle s’était éprise, mais il n’en était rien puisque la fuite de ton épouse était en partie due à la découverte de ton union avec la dame du chevalier Karadoc, Mevanwi. Tu es même au top de ta forme quand tu appris que la reine avait déserté et tu profitais d’un énième stratagème pour faire un échange d’épouses selon les lois de Vannes dont vient Karadoc et faire ainsi de Mevanwi ta femme officielle et surtout la nouvelle Reine de Bretagne.
Ce fut ta première grosse erreur, celle qui provoqua la colère du Divin. Le premier signe de leur désapprobation fut le bannissement de la Dame du Lac, ton seul lien entre le terrestre et le céleste, toi seul peux la voir. Tu pensais que tu pourrais la renvoyer sur le plan des dieux en un coup de baguette magique grâce à Elias, bien meilleur enchanteur que Merlin, mais le problème était bien plus complexe que cela. Les dieux ne te pardonneraient pas cet affront — il fallait que tu récupères Guenièvre et que tu la réhabilites sinon ils continueraient de t’envoyer leur courroux prenant, une fois, la forme du terrible et mystérieux Méléagant qui sema le désordre dans la tête de Lancelot. Il lui murmurait que la place de roi lui revenait, lui qui était plus vertueux et fort que toi. Avec le temps et l’afflux des mauvais présages, tu te convainquis de l’instabilité que tu avais créée dans le Royaume et que la situation ne pouvait plus durer. Pour réparer ta faute, tu déboutas Mevanwi et récupéras Guenièvre.
Rien ne s’arrangeait pour autant. Certains te trahirent comme Dagonet, le Roi Loth et son épouse qui n’est autre que ta demi-sœur et qui te voue une haine sans merci, ne voyant en toi qu’un bâtard qui usurpe son titre. D’autres choisiront la défection pour monter leurs propres clans autonomes. Le royaume de Kaamelott s’effondrait et las de ces responsabilités qui te pesaient sur tes épaules, tu décidas de replanter l’épée dans son rocher. Tu laissais ainsi à tous la possibilité d’être roi et de retirer l’épée, mais au bout d’une semaine de tentatives infructueuses et de coups politiques où Léodagan, le Roi de Carmélide, instaura un régime de terreur et où Karadoc récupéra la couronne grâce à des manipulations habiles de sa femme, tu décidas de retourner au rocher afin de retirer l’épée et ainsi montrer à nouveau aux yeux de tous que tu étais bel et bien le roi incontesté de cette Île. La Dame du Lac ne peut qu’approuver cette idée puisqu’elle voit en cette action le retour de sa place aux cieux, mais elle fut vite déçue quand tu feignis de ne pas pouvoir retirer l’épée au dernier moment. Tu ne veux pas, tu ne veux plus être roi. Tu en as marre. Tu es épuisé. Et surtout ta dépression que tu ignorais depuis le début de ton règne ne fit qu’éclater à cet instant. Tu étais à bout de tout, tu voulais en finir. Il n’y avait plus d’issue pour toi. C’est à ce moment-là de l’histoire que ta tentative de suicide dans ton bain pouvait se caler après la fausse révélation au sujet de ton infertilité lors de ta quête vaine à la recherche de potentiels héritiers. Tu pensais vivre tes derniers moments dans le royaume de Kaamelott, mais tu fus sauvé in extremis par Lancelot, venu au départ pour te tuer.
Affaibli, tu n’étais plus que l’ombre de toi-même après cette tentative de suicide avortée. Pourtant, cela n’empêchera pas Karadoc de te redonner le pouvoir, mais toi, refusant une énième fois ce rôle que tu ne voulais plus, en dépit de votre rivalité, tu confias les tâches royales à Lancelot. Les choses auraient pu en rester là, mais ton ancien ami retomba dans les terribles griffes de Méléagant qui le convainquit de lancer des soldats à tes trousses pour t’éliminer ainsi que le reste des Chevaliers de la Table ronde. Dans ta fuite, tu fus sauvé par Vennec, contrebandier, esclavagiste qui te cassa les pieds un bon nombre de fois durant ton règne, mais qui, à la longue, devint ton ami. Vous vous cachâtes à Rome, dans l’ancienne maison de ton épouse secrète, Aconia.
Chapitre III
Reconquête.
484 — Le Kaamelott d’antan n’est plus. Lancelot est désormais roi et traque sans relâche les derniers rescapés de ce que fut l’Ordre des Chevaliers de la Table ronde. Il règne en maître dans un régime de terreur, mais son sacre touche à sa fin. Arthur est de retour après dix ans de silence.
Tu étais bien, tranquille dans ton petit coin caché au fin fond d’un port contrebandier près de la mer Rouge, mais non, il a fallu qu’on vienne te les casser en venant te chercher. Tu as essayé de t’enfuir, d’échapper aux griffes du chasseur de primes qui te cherchait, mais tu finis capturé. Après divers événements, tu étais de retour en Aquitaine où le Duc, défenseur de ta cause et ancien ami de longue date, paya pour ta liberté. C’est à partir de ce moment-là qu’il commença à te parler de la rébellion qui s’organisait à travers tes anciens chevaliers qui avaient cru dur comme fer en ton retour — rébellion dont tu serais le parfait chef de proue pour la motiver, mais surtout pour reprendre ton trône légitime. Le Duc recevait le soutien de Bohort et Gauvin, entre autres, pour te convaincre de t’allier à eux, mais tu refusais en bloc. Tu ne voulais plus entendre parler de Kaamelott. Par la force des choses, cependant, tu te retrouvas malgré tout impliqué dans le conflit avec Lancelot. Un raid des Saxons, alliés du roi actuel, te laissa blessé et tu finis enfermé dans les geôles de ton ancien château avec tes comparses, mais aussi les autres chevaliers de ton ancienne Table, emprisonnés là pour leur rébellion à l’encontre du roi. Souffrant de ta plaie, tu avais à peine conscience de ce qu’il se passait, mais votre petit groupe réussit à s’échapper grâce aux tunnels creusés par la troupe de Perceval et Karadoc qui organisait leurs actions rebelles sous terre. Te remettant à peine de ta blessure, c’est à la suite d’une attaque par l’un des prétendants de Guenièvre que tu appris qu’elle était vivante, mais surtout emprisonnée dans une tour. Étant dans un meilleur état, tu te décidas à aller la chercher en compagnie de Perceval et Karadoc. Une fois l’ancienne reine libérée, vous partiez vous mettre en sécurité dans le camp de base où s’était établie la résistance. Finalement, on peut dire que tu fus pleinement impliqué dans cette reconquête de Royaume quand tu décidas de partir en compagnie de ta femme, Karadoc et Perceval pour retirer à nouveau Excalibur du rocher. Tu y retrouvas la Dame du Lac, ravie de te voir prendre une telle initiative après t’avoir secoué sous la colère. Tu retiras l’épée, ton peuple s’inclina, mais au bout de quelques instants, l’épée perdit de son éclat lumineux — ultime preuve qu’il fallait que tu regagnes ton trône par la force pour retrouver tous tes pouvoirs.
Malgré cette préparation au combat qui approchait, un peu de douceur s’instigua dans ta vie. Tu surpris Guenièvre en train de s’échapper du camp pour retourner à la tour dont elle fut prisonnière pendant dix ans. Elle l’avoue à force de questions de ta part, elle veut récupérer ta couronne de fleurs que tu portais lors de votre mariage parce qu’elle y était très attachée. Finalement convaincu et attendri par ce geste, tu consentis à la suivre. Dans un élan de romantisme et amoureux tout nouveau envers elle, tu grimpas à la tour pour la rejoindre et c’est à l’intérieur de cette ancienne geôle qui fut la sienne que vous échangiez un tout premier baiser d’amour véritable. La légende d’Arthur et Guenièvre prit vie à cet instant, tandis qu’Aconia finit définitivement aux oubliettes.
Plus tard, avec l’aide des Burgondes, après un entraînement intensif que tu as orchestré, la rébellion assiégea la Forteresse de Kaamelott. Voyant que le bâtiment commençait à s’effondrer, Lancelot et sa suite s’apprêtaient à prendre la fuite, mais tu les interceptais. Une fois ses conseillers partis sous son ordre, Lancelot et toi, vous vous affrontiez à l’épée maintenant qu’Excalibur avait retrouvé toute sa puissance. Pourtant, après de longues minutes d’un combat acharné, alors que tu avais le dessus sur lui et que tu avais les moyens de l’achever ici et maintenant dans ce château en ruines, tu décidas d’épargner ton ancien rival. Il se moqua de toi pour cette faiblesse avant de s’enfuir. Tu l’ignoras. À nouveau, profitant de ta solitude gagnée dans ce décor désolé, tu contemplais tes veines à ton poignet que tu avais autrefois sectionnées. Tu te voyais bien mourir ici et maintenant. La cité de Kaamelott détruite serait un merveilleux point final à ton histoire. Or, s’inquiétant de ne pas te voir revenir, la fille de Karadoc et son prétendant virent te chercher. La faucheuse ne te prendra pas ce jour-là. Ce n’était que le début d’une guerre qui s’annonçait longue et fastidieuse pour récupérer ton royaume et le sortir des griffes du terrible Beau Trouvé.
Aujourd'hui T’as toujours été plus ou moins paumé, même quand tu n’avais pas encore retrouvé la mémoire. Il y avait toujours un hic, un truc qui faisait que tu ne te sentais pas à ta place. T’en as enchainé des petits jobs, rien ne t’allait. Toujours des problèmes, toujours ce décalage. Puis qu’est-ce que t’étais irascible putain, sans comprendre pourquoi. Tu te traînes, tu erres sans véritable but. Tu ne vis pas par plaisir, mais simplement pour vivre. Et tout est revenu il y a une semaine. D’un coup. Sans crier gare. Le bon, comme le mauvais. Au final, tout savoir t’a encore plus paumé, décontenancé et rendu aigri. Parce que malheureusement, il n’y a que les mauvais souvenirs que tu entretiens, pire encore depuis que tu as croisé la route de cet ancien amour — une robe rouge sang hante désormais tes rêves en plus de tes jours leur donnant un peu plus de goût, celui de l’amertume.