Les embruns de la mer s'en vont avec le vent | Elyan & Nico

Terre 8669, quelques années auparavant

Nico lança un regard plein de colère à Will, si bien qu'il agrandit, l'espace d'une seconde, l'ombre du pin de Thalia comme si le soleil avançait plus vite vers l'horizon. Pelée, le dragon qui protégeait l'arbre renacla en ayant ressenti la soudaine vague de froid.

C'était une journée parfaitement ensoleillée, et la peau habituellement si pâle de Nico commençait à trahir sa relation avec le fils d'Apollon. Elle avait un peu plus de couleurs à force des après-midi à s'allonger aux côtés de Will sous la surveillance de l'astre de son père.

Pelée n'avait pas eu l'air dans son assiette ces derniers jours puisqu'il ne mangeait plus autant, et Will étant le meilleur guérisseur de toute la colonie avait proposé à Chiron de l'aider. Ces soins, sans surprise, faisait reprendre au dragon du poil de la bête, mais il continuait à venir ici : ça lui donnait une excuse pour s'allonger dans l'herbe sous le soleil avec son copain pudique qui n'osait pas montrer des démonstrations d'affection en public.

Nico, pourtant, adorait cette affection, et puisque Thalia ne se trouvait plus dans cet arbre, ça ne lui avait pas gêné de revenir ici pour se lover contre son copain. Mais il a fallut que Will gâche tout en lui posant cette question absurde.

Le regard noir que lui avait adressé le fils d'Hadès, qui avait littéralement fait baisser l'intensité du soleil l'espace d'une seconde, aurait terrifié n'importe qui. Will s'était contenté de s'esclaffer en voyant la réaction de Nico.

Mais quoi ? C'est une question parfaitement innocente ! C'est comme si je te disais mes anciens crush de la colonie, c'est juste drôle de le savoir, se défendit Will en riant toujours.

Nico se renfrognit. C'était pas drôle, ça m'a vraiment rendu triste d'aimer Percy, gromela-t-il.

Will, compatissant, serra la main de Nico en tournant la tête vers lui. Je sais. Mais tout va bien, aujourd'hui.

Nico se perdit un instant dans les yeux du fils d'Apollon et son coeur semblait s'accélérer, comme à chaque fois. Nul doute que tout allait mieux aujourd'hui alors qu'il pouvait fondre son coeur dans celui d'un garçon aussi formidable que lui. Nico soupira et détourna le regard en lui répondant.

C'est pas vraiment de l'amour comme j'en ai pour toi. C'était... de l'admiration. J'avais aucune figure masculine autour de moi, à part un dictateur fascite durant la guerre et un père et un oncle invisibles qui se sont disputés pour tuer ma mère et me manipuler. Will serra davantage la main de Nico. Il détestait son passé, Will le savait. Puis un jour je me réveille, je retrouve le monde, et je rencontre l'alégorie du sauveur qui était immédiatement devenu mon héros. Un garçon beau, loyal, courageux, fort, qui avait sauvé ma vie et qui incarnait toutes les histoires qui me passionnaient. J'étais amoureux de Percy parce qu'il était la première personne avec qui je me suis senti sans danger, je crois.

Il y eut un silence pendant un long moment. Will tourna la tête vers Nico et sourit, même si celui ci ne le regardait pas. Nico ne se mettait jamais à nu alors il ne lui reprochait pas d'être mal à l'aise après avoir accepté de se dévoiler autant. Au contraire, il lui en était reconnaissant.

Terre 1218, aujourd'hui

Nico était affalé sur son siège, derrière le comptoir du guichetier. Il avait piqué un paquet de pop corn, se disant qu'il allait tuer le temps en suivant un film à travers le retour des caméras de sécurité. Mais très vite Nico s'était lassé. Deux raisons à ça : les demi-dieux sont hyperactifs, et Nico n'est absolument pas interessé par le cinéma.

Alors, entre deux nouveaux clients à qui il donnait des tickets (ils étaient peu nombreux à ce créneau de la semaine) il avait commencé à se lancer du pop corn dans la bouche, et avait réalisé que ça aussi, ça n'était pas pour lui : Nico n'aimait pas le pop corn, après reflexion.

Après une heure, il avait commencé à noircir. Ce souvenir amer lui était revenu, de Will près du dragon Pelée et de leurs corps allongés sous le soleil et le Pin de Thalia. Cette discussion sur Percy et la compassion de son copain. Nico n'aimait pas cette journée. Il commençait à perdre l'énergie de trouver Will parmi les maudits de Baiame, et commençait à redevenir ce garçon morne qui ressemblait à une âme errante des Champs d'Asphodèle.

Quel comble : même les Enfers avaient été supprimés avec son univers, et Nico ne pouvait même pas se résoudre à réellement devenir une âme errante là-bas. La Terre 1218, comme l'avait nommé l'agent du TVA qui lui avait expliqué la situation au retour de ses souvenirs, ne possedait aucun royaume de la Mort et ça le frustrait : il détestait son père et il ne réalisait que maintenant à quel point il lui manquait.

Ca vous fera 12 dollars chacun, avait dit Nico aux clients qui arrivaient avant même qu'ils n'aient dit quelque chose, et avant même que Nico n'ait levé les yeux vers eux. A cette heure ci, il ne restait qu'une séance qui n'avait pas commencé, et donc plus qu'un tarif, et il était lassé d'entendre les mêmes questions auxquelles il répondait la même réponse.

Il leva les yeux qu'ensuite, et le frisson qui parcourut son corps était si soudain qu'il avait presque été douloureux. Nico se redressa immédiatement, se releva même, ses genoux flanchèrent un instant. Ses yeux se plantèrent dans les siens, ignorant tous les autres clients du cinéma. Sa machoire trembla, et Nico, bouleversé, s'élança sans réfléchir.

Il prit Percy dans ses bras, brisant toutes les barrières que Nico avait autour de lui H24.

Mais ses barrières lui revinrent aussitôt en ne sentant aucune réciprocité dans cette étreinte, et lorsqu'il croisa son regard à nouveau, la douleur était réellement palpable cette fois. Il se heurta à la froideur d'un regard inconnu. Le même que Percy avait eu à son égard lorsque Héra l'avait envoyé, amnésique, au Camp Jupiter. Mais là c'était différent : Nico avait cru Percy mort avec sa réalité. Nico était sorti de son mur protecteur pour la première fois pour lui faire une preuve d'affection qu'il ne faisait jamais à personne. Et il n'avait eu qu'un angoissant rien en retour, scellant à tout jamais les chances de revoir Nico faire preuve d'autant d'affection à l'avenir.

Evidemment, tu ne t'es pas encore reveillé de ta malédiction, articula-t-il difficilement d'une voix rauque, agacée et peinée.

Il avait le coeur lourd. T'as vraiment de l'algue dans la cervelle, crétin, se vengea-t-il.

Nico croisa du regard sa collègue et lui fit un signe qu'il ne lui laissa pas le temps de refuser. Le fils d'Hadès tourna alors les talons et s'en alla, laissant la collègue en question reprendre son poste, alors qu'il tentait de disparaître au fin fond de ce monde si terne.

Après une journée de cours plutôt intensive, Elyan et sa petite-amie ont décidé de s'aventurer en centre-ville pour une escapade amoureuse. Au vu de l'heure assez tardive, le cinéma s'est avéré une évidence, bien que Elyan ne soit pas certain de pouvoir se concentrer bien longtemps sur le film, la faute à une hyperactivité importante. A vrai dire, il ignore tout du film qu'ils vont voir ; c'est sa petite-amie qui a choisi la séance. Elyan s'est contenté d'acquiescer, simplement heureux de passer du temps avec elle. Il a bien d'autres idées en tête, à vrai dire : comme celle de l'embrasser à l'abri des regards indiscrets, lui soutirant des fausses protestations ainsi que quelques rires. Il n'y a rien de plus romantique que de se bécoter en secret entre deux rangées de siège. Enfin, c'est son avis en tout cas.

Jour de semaine oblige, le cinéma est pratiquement désert - une aubaine pour lui. Aucune file d'attente interminable pour tester l'impatience son incapacité à rester immobile plus de dix secondes. S'il peut entendre sa petite-amie lui parler, l'esprit d'Elyan ne parvient à se focaliser sur une seule chose trop longtemps, et il perd vite le fil, son regard venant très rapidement se poser sur le seul guichetier ouvert. Celui-ci semble des plus ravi d'être de service, le visage aussi fermé et cordial qu'une porte de prison - rien qui donne envie de venir lui parler. Et c'est bien cette impression qu'il donne, celle de quelqu'un qui ne veut en rien être approché. Et malgré tout, Elyan ne peut s'empêcher de le fixer des yeux, comme si quelque chose le dérangeait profondément. Le guichetier en question est un parfait inconnu mais Elyan ne peut s'empêcher de voir en lui quelque chose de familier. Il a beau se creuser la tête, cela dit, rien de concret ne lui vient en tête. Comme essayer d'imaginer une couleur inconnue, son cerveau refuse de lui fournir une réponse concrète, de se rappeler. Et voilà qu'il a une migraine maintenant.

Très rapidement vient leur tour, et Elyan ne peut s'empêcher de hausser les sourcils face à l'exclamation du guichetier, ce dernier ne les regardant nullement dans les yeux, le ton de sa voix tout aussi accueillante et chaleureuse. Nullement déterré toutefois, Elyan s'empare de son porte-monnaie, en sortant deux billets de vingt dollars, quand son regard vient croiser celui du guichetier. En deux secondes, la situation change du tout au tout, et le brun se retrouve enlacé violemment sans comprendre pourquoi ni comment. Surprise et incompréhension se lisent dans ses yeux, ces derniers étant pleinement ouverts sous la confusion. Figé tel un roc dans l'étreinte du jeune homme, parfait inconnu qu'il n'ose pourtant pas repousser ni même rebuter, Elyan ne bouge pas. Regard de stupéfaction partagé avec sa petite-amie, qui elle non plus ne semble pas savoir comment réagir ni quoi faire. Audience pourtant peu nombreuse mais qui semble tout aussi surprise, regardant la scène avec intérêt. Il faut dire que la scène laisse perplexe. Retournement de situation le plus complet, guichetier passant d'asocial froid à une effusion d'émotion et d'affection spontanée.

A priori, Elyan doit lui rappeler quelqu'un de très cher à ses yeux pour réagir ainsi. Mais s'il semble familier à Elyan, l'inconnu n'en reste pas moins un inconnu. Et en ça, Elyan ne peut retourner cette étreinte. Et c'est bien ce qui doit alerter son interlocuteur lorsque la dite étreinte s'arrête aussitôt, son regard tout comme son visage redevenant noir et fermé. Avant d'accuser Elyan d'être maudit en plus d'être une cervelle d'algues ! Ah oui, il l'avoue, c'est la première fois qu'on lui sort une chose pareille. Réplique cinglante destiné à le blesser dans son ego, Elyan est bien trop hébété pour riposter ou dire quoi que ce soit. Et même après que le guichetier se soit fait la malle, Elyan reste là, au même endroit, toujours figé sur place. Q... de quoi ? sont les seuls mots parvenant à franchir ses lèvres. Il adresse un léger coup d'oeil à sa petite-amie, qui se contente d'un haussement d'épaules pour seule réponse.

Elyan n'est pas seulement confus, non. Il est à des kilomètres de là, complètement perdu. La plupart des gens passerait probablement à autre chose, prenant leur ticket avant d'aller voir leur film, totalement détaché. Mais pas lui. Il veut comprendre, veut savoir. La raison ayant poussé un parfait inconnu à lui sauter dans les bras - et à le traiter de cervelles d'algues ! Il se tourne vers sa petite-amie. Je... je devrais probablement... qu'il commence, avant qu'elle n'hoche la tête, un léger sourire sur les lèvres. Décidément, cette fille est trop bien pour lui. Voilà qu'il ruine leur rendez-vous amoureux pour poursuivre un parfait inconnu, et elle ne lui en tient même pas rigueur. Il lui rend son sourire et l'embrasse sur la joue, avant de partir à la recherche de Monsieur-Au-Regard-de-Tueur. A défaut de connaître son nom, cela fera office de surnom.

Il ne tarde pas à le retrouver, s'étant élancé à sa poursuite cinq minutes seulement après son départ. Eh, attends ! qu'il s'exclame, avant d'arriver à sa hauteur. Si l'autre tente par tous les moyens de prendre ses jambes à son cou, Elyan a l'avantage d'être plus grand, et de le rattraper tout aussi rapidement. J'ignore qui tu es et je suis désolé de ne pas être celui que tu penses. Désolé, il l'est sincèrement. Même si un tel comportement aurait pu vexer n'importe qui, Elyan cherche avant tout à comprendre. Tu devais vraiment tenir à lui pour réagir ainsi. S'il tente l'humour pour apaiser la tension palpable, le regard de l'autre se noircit encore plus, et Elyan panique, tentant un rattrapage de situation bien mal amorcé. Pardon, je fais des mauvais traits d'humour quand je suis nerveux, ma petite-amie n'arrête pas de me le reprocher. Et voilà qu'il raconte sa vie maintenant. Non vraiment, il aurait dû se contenter d'acheter sa place de cinéma, et oublier tout cette histoire. Je m'appelle Elyan, au fait, pas cervelle d'algues. Même si je dois avouer que c'est assez original comme surnom. Petit rire forcé, il tente un rapprochement, offrant sa main à l'autre. Faute d'étreinte, ils peuvent essayer de repartir du bon pied avec une simple poignée de mains. Je dois t'avouer que même si on ne s'est jamais rencontré, ton visage me semble familier. T'es pas étudiant par hasard ? Peut-être que c'est tout simplement ça, cette drôle de sensation. Un visage croisé parmi tant d'autres à l'université.

Nico retint un grognement de frustration quand il entendit la voix de Percy derrière lui. Il pensa d'abord à glisser à l'intérieur d'une ombre pour mettre un terme à cette course poursuite, mais puisqu'il était maudit il ne connaissait rien à la magie. Le TVA n'avait jamais donné d'interdiction quant au secret de la magie envers les maudits : de toutes façons ils allaient y être confrontés et/ou se réveiller et tout savoir. Mais il fallait éviter à Percy un traumatisme le temps qu'il redevienne lui même. Ce qui était d'autant plus agaçant : il fallait ne pas s'énerver contre Percy, préserver sa santé mentale, et l'éviter en même temps.

Il fourra ses mains dans ses poches en l'écoutant parler. Il essayait de ne même pas l'écouter, mais c'était Percy. Nico n'a jamais réussi à ignorer Percy. Il a toujours fait ce qui se devait d'être fait, et il a appris ça par lui, justement. Donc il fourra ses mains dans ses poches en essayant de l'ignorer mais l'écouta tout de même parler. Il se retint de lui balancer des insultes de temps à autres, en voulait parfois reprendre celles d'Annabeth (il n'y avait personne de meilleure qu'elle en la matière), parfois en retenant des injures italiennes ou en grec ancien qui venaient soit de la grande guerre, soit des Enfers eux mêmes.

Il tiqua quand il mentionna sa petite amie. Il avait tiqué comme lorsqu'il avait appris, à l'époque, que Percy et Annabeth s'étaient mis ensemble alors qu'il n'avait pas vraiment oublié Percy lui même. Cette fois cependant il trouvait désagréable l'idée qu'il soit avec quelqu'un d'autre qu'Annabeth. Ou alors était-ce elle ? Nico avait commis l'impolitesse de ne pas regarder autour de Percy quand il l'avait vu. Si c'était le cas, elle devait être maudite pour n'avoir rien dit, mais dans tous les cas, il ne voulait pas forcément en savoir plus sur la relation que pouvait mener Percy... "Elyan."

Tu me connais pas, pourquoi tu me suis ? Craqua-t-il au bout d'un moment. Tu m'agaces, tu fais toujours ça, même quand t'es pas... toi. Tu veux toujours t'occuper des autres même quand tu peux pas, ça me rend fou !

Ca le rendait fou parce qu'il était objectivement meilleur qu'ils ne le seraient tous dans la grande famille tordue divine qu'ils avaient.

Compte pas sur moi pour t'appeler Elyan. Le maximum que je pourrai faire, ça sera reprendre Cervelles d'Algues, rétoqua-t-il, grognon. Annabeth était une source d'inspiration étonnante.

Ecoute, je peux rien faire. Nan, t'es pas mon Percy. Il marqua une pause. "Mon Percy" avait eu une connation qui l'intimida et qu'il n'avait pas voulu. Et je peux rien faire pour ça, comme à CHAQUE fois. Et je sais pas quoi faire. Comme à chaque fois.

Ce dernier "comme à chaque fois" avait été prononcé moins fort, avec une voix presque brisée qu'il essaya de cacher. Percy ne devait rien comprendre, et Nico n'avait rien en son pouvoir pour le faire. Il était revenu à la case dans laquelle il avait été piégée pendant longtemps : il était seul, il était témoin, et il n'avait rien à faire à part regarder et se taire. Nico n'était pas le personnage principal et il était à peine le personnage en arrière plan, ce n'était pas lui qui avait les armes pour faire avancer le personnage principal.

Vraiment, pourquoi tu m'as suivi ? Il avait posé cette question, cette fois, plus calmement, plus sérieusement, plus honnêtement. Pourquoi Percy faisait toujours ça même quand il n'avait pas, pour une fois, à être Percy ? Tu as une petite amie qui t'attend et avec qui t'as vraiment envie d'être, comme d'habitude. Et cette phrase avait eu du mal à cacher sa peine.

A priori, suivre Regard de Tueur n'était pas une bonne idée. Elyan accumule les mauvaises idées depuis l'enfance, il devrait avoir l'habitude depuis le temps. Le visage renfrogné de ce dernier lui laisse entendre qu'il préférerait encore être en Sibérie et se faire dévorer par des loups que de rester là à l'écouter. Et pourtant, Elyan ne prend pas ses jambes à son cou, restant planté là où il est, comme un idiot, subissant le regard courroucé du plus jeune. Elyan est quelque peu vexé, en réalité. Ce n'est pas comme si l'autre l'avait enlacé sans raison avant de le traiter de cervelle d'algues et de fuir. Elyan n'a absolument rien à se reprocher dans cette histoire, alors pourquoi diable est-il sujet à la haine de son interlocuteur ? S'il lui en veut de ne pas être ce dénommé Percy, Elyan n'est tout de même pas responsable d'une telle erreur de jugement.

Et l'autre l'accuse de le suivre alors qu'il ne le connaît pas. Elyan cligne des yeux. C'est l'hôpital qui se fout de la charité. C'est toi qui m'a enlacé en premier je te signale. Je veux juste essayer de comprendre ce qu'il se passe. Et plus la situation avance, moins c'est le cas. Un pas en avant, six pas en arrière dans leur cas. Un joli quiproquo en soit. Mais Elyan sait également qu'il lui manque une bonne partie du contexte. Parce qu'il ne comprend absolument rien à ce que lui raconte le brun.

Comment ça, quand je suis pas moi ? Et je suis censée être qui d'autre, exactement ? qu'il s'interroge, quelque peu agacé. Il n'a jamais été personne d'autre que lui-même. Elyan Ainsworth, fils d'une mère célibataire, au père inconnu au bataillon. Idiot préféré de sa petite-amie, et étudiant à l'université. Une vie banale, mais satisfaisante. Rien de bien particulier là-dedans, peu importe ce que Regard de Tueur peut bien laisser sous-entendre. Il y a quoi de mal à vouloir s'occuper des autres ?

Mon prénom est-il si offensant que ça ? qu'il questionne, haussant un sourcil. Il sait qu'il n'a rien de commun, mais de là à refuser de le prononcer purement et simplement, c'est un peu gros. Mais soit, tu peux m'appeler Cervelle d'Algues si ça te fait plaisir. Au vu de mes études, c'est plutôt approprié. qu'il s'amuse. Oui, parce qu'adorer l'océan et connaître le nom scientifique de chaque espèce de poisson est plutôt une anomalie en soit, assez pour que l'on puisse considérer son cerveau être remplie d'algues.

Désolé de ne pas être Percy. Il tique quelque peu sur l'emploi de 'mon' juste avant le prénom, mais préfère ne pas aborder le sujet. Quelque chose lui dit que le plus jeune serait prêt à invoquer une armée de démons pour venir lui fracasser le crâne s'il ose même en parler. J'ignore pourquoi tu m'en veux à moi de ne pas être ce type. Jamais Elyan n'aurait cru être confronté à ce genre de situation avant, et ça le laisse pantois. Le reste de la conversation ne tient pas plus la route, et Elyan observe le plus jeune les yeux écarquillés, le cerveau dénué de toute pensée. Il ne comprend absolument RIEN.  

Ce n'est pas Elyan qui déraille. C'est son interlocuteur. Parce qu'absolument rien dans cette phrase ne fait sens. Le plus semble prêt à fondre en larmes - ou à lui planter une dague dans le coeur. Deux options qui semblent pourtant être en accord malgré leur sens opposé. Elyan ne sait pas comment réagir - comme à son habitude - et se contente donc de rester là, sans bouger, à se mordiller les lèvres. Il n'a pas dû bouger d'un centimètre depuis qu'il a suivi son mystérieux interlocuteur.

Je te l'ai dit : ton visage me semble familier. C'est comme si une force étrange m'avait poussé à te suivre. Et c'est bien là la vérité, jamais encore auparavant n'a-t-il ressenti ça. Echos d'une vie passée qu'il ignore, et qui cherche à renouer contact avec ces quelques bribes antérieures.

Ma petite-amie ? Nouveau haussement de sourcil surpris. Qu'est-ce qu'elle peut bien faire là-dedans, au juste ? C'est elle qui m'a encouragé à te suivre, justement. Je crois qu'elle doit se dire que tu as plus besoin de moi qu'elle en ce moment. Intérieurement, il se maudit d'avoir oublié cette dernière, qui doit pourtant être allée voir la séance sans lui, pas du tout vexée de savoir son petit-ami disparu et seul avec un parfait inconnu. A tous les coups, elle est même ravie d'avoir le paquet de pop-corn pour elle toute seule. Cette pensée le fait sourire. Je crois qu'elle m'aurait même assassiné si je t'avais ignoré.

Mais c'est bien là le coeur du problème, non ? Le plus jeune semble... perturbé -jaloux ?- à l'idée que Elyan ait une petite-amie. Information quelque peu surprenante - autant qu'incompréhensible - qu'il range dans un coin de son esprit.

Je peux connaître ton prénom au moins ? Qu'il ait un nom à attribuer au visage, plutôt qu'un surnom tel que Regard-de-Tueur. Surnom qu'il refuse tout autant de dévoiler, au risque que les yeux en question ne deviennent des revolvers prêts à l'achever dans son tourment. Et si on recommençait depuis le début ? Histoire de repartir sur de bonnes bases et de ne pas se perdre dans des palabres insensées. Surtout que Elyan a l'impression de manquer une bonne partie du contexte depuis le début de leur conversation. Je sais qu'on ne se connaît pas, et que notre première impression l'un de l'autre est plus qu'insolite, mais ça ne ferait pas de mal d'apprendre à se connaître avant que la situation n'empire. Tu veux bien m'expliquer pourquoi tu as fui ? Et pourquoi tu sembles me haïr autant ?

Nico avait toujours eu tendance à se sentir terriblment seul auprès de Percy. Il savait qu'il n'avait pas été le seul, d'ailleurs. Calypso, Reyna, Rachel... Bob le Titan (pour des raisons complètement différentes bien entendu). Ceci dit, ça n'avait jamais vraiment été de la faute de Percy (à part peut être dans le cas de Bob le Titan qu'il avait complètement oublié à son sort, condamnant Nico des années plus tard à emmener son petit ami au Tartare pour l'aider à sa place...). Il était obligé de quitter Calypso, c'était le cruel sort que les Dieux lui avaient réservé. Il n'avait pas sa place à diriger aux cotés de Reyna au Camps Jupiter dans lequel il y avait été envoyé à cause d'Héra sans en être réellement volontaire. Sa relation avec Rachel avait été étrange mais elle avait fini par se rendre compte que son role ne concernait pas Percy.

Nico, lui... il ne lui avait juste jamais dit à quel point Percy le faisait souffrir. Que les sentiments qu'il avait pour lui symbolisaient tout ce que Nico n'avait pas le droit d'avoir, et c'était pire lorsqu'il avait été avec Annabeth. Il était passé au dessus de ça, bien sur, et il le lui avait dit mais même là, Percy n'avait pas brillé par son éloquence. Annabeth le savait, Nico en était persuadé, il ne lui avait rien appris. Percy n'avait pas mal réagi et n'avait rien fait de répréhensible, mais il creusait malgré lui cette sensation de solitude en sa compagnie.

Aujourd'hui le destin mettait le fils de Poséidon dans une situation encore pire pour ça : Nico le trouvait après avoir perdu le seul garçon qui ait été capable de l'aimer, alors que lui était toujours avec l'amour de sa vie et cette fois n'avait même plus aucun souvenir de qui avait pu être Nico. Si Nico s'était toujours senti seul avec lui, ça n'a jamais été à ce point. Nico n'était peut être plus amoureux de lui, mais l'attirance sous jacente qui ne disparaissait jamais pour un premier amour qui se mélangeait à tout ce casse-tête cruel de l'univers... ça n'arrangeait rien.

Et pourtant... pourtant cette version de Percy qui ne le connaissait pas n'a jamais été autant attentionné à son égard, ne serait-ce qu'en quelques échanges de quelques minutes, même avec un Nico qui essayait de le rejeter. Il l'avait rattrapé, s'inquiétait pour lui et pour ce qu'il ressentait... Nico avait la double impression que derrière la triste ignorance qu'il ressentait, il y avait une considération plus sincère que jamais. Pour la première fois, il avait l'impression que Percy essayait d'être là pour lui.

Mais Nico, en perdant tout ce qui avait pu lui faire croire en lui et en la légitimité qu'il avait dans le monde, s'était creusé dans ses vieux retranchements, et même s'il était perturbé par les attentions nouvelles de Percy qui, au fond, lui faisait un immense plaisir, il n'était pas sur de vouloir les accepter.

Laisse tomber, j'suis qu'un mec bizarre qui ne t'apportera jamais rien de bien, tu vaux mieux que ça je t'assure, grommela-t-il finalement sur un ton défaitiste, les yeux vers le sol. Il n'avait même plus envie de riposter vivement. Il voulait juste s'enterrer dans cette solitude qui l'attirait déjà comme des sables mouvants.

Il soupira. Je m'appelle Nico, céda-t-il finalement. Il semblerait malgré tout que les attentions de Percy le touchaient quand même. Il se rajoutait à une très courte liste (qui ne contenaient que Jason et Will jusque là) des personnes qui réussissaient à percer sa carapace.

J'ai fui parce que j'ai vu quelqu'un que j'ai aimé, et ça n'était pas le cas, craqua-t-il finalement en osant lever des yeux énervés (qui étaient en réalité assez chamboulés) dans les siens. Mais ça n'a jamais été le cas, ni pour toi ni pour lui, ni pour tout ceux qu'il me reste.

Il fit demi-tour pour reprendre sa marche, mais calmement cette fois, toujours dans cet élan défaitiste. T'as vu ? T'es bien mieux avec ta copine, dit-il finalement avec de faire quelques pas.

Il s'arreta et se retourna finalement, hésitant. Mais merci d'avoir essayé cette fois.