Voilà peut-être des jours, des semaines, des mois ou même des années qu'elle était arrivée sur cette île. Bien que Byleth ait réussi à s'adapter et à se créer de nouvelles habitudes, certains aspects de ce monde lui échappaient encore. Mais ce qui la hantait le plus, c'était ce vide constant qui la rongeait. Elle n'avait plus personne à qui se rattacher. Ni amis, ni famille. Ni Sothis, ni même son bien-aimé Dimitri.
Byleth était une battante. Son père, Jeralt, lui avait appris à survivre, à avancer peu importe les circonstances. Mais seule, c'était terriblement difficile. C'était comme s'il lui manquait une partie de son âme.
En cette fin de journée, elle marchait lentement sur le chemin qui la ramenait à son modeste appartement. Les rues de l'île de Baiame étaient paisibles, baignées de la douce lumière du crépuscule. Les oiseaux chantaient leur dernier refrain du jour, et le vent caressait doucement les feuilles des arbres, créant une symphonie naturelle apaisante, bien loin de la somptuosité de la chambre qu'elle partageait autrefois avec le roi de Faerghus.
Alors qu'elle tournait au coin d'une rue perdue dans ses pensées, un jeune homme la frôla en passant à côté d'elle. Le contact, bien que léger, la fit s'arrêter net. Une vive douleur transperça sa poitrine, mêlée à une pointe d'espoir. Elle leva les yeux, scrutant la grande silhouette qui s'éloignait doucement. Quelque chose dans sa démarche, dans sa présence, lui était étrangement familier. Ses lèvres s'entrouvrirent, tremblantes, comme si elles prononçaient un mot interdit.
« Dimitri ? » Sa voix était faible, presque inaudible. « Est-ce que c'est toi...? »
Le bleu azur de son regard, si profond et intense, était pour elle reconnaissable entre mille. Byleth se perdait dans l'espoir qu'il pourrait être celui qu'elle avait tant aimé, mais la peur d'une désillusion la tiraillait. Oserait-elle y croire, risquant de voir son monde s'effronder comme un château de cartes ?
Le restaurant d'Alexandre était fermé en ce jour, car il faisait de la livraison de repas pour des personnes isolés. Aujourd'hui, c'était la journée de la distribution et il avait gardé en dernière madame Rhéa car c'était surement l'une des dames qui livraient qui avait le plus besoin de parler suite au décès de son épouse. Comme toujours, Alexandre abordait un joli sourire avant de toquer à la porte de madame Rhéa et de lui dire : Bonjour madame Rhéa, c'est Alexandre ! Comment-vous allez ? Comme à son habitude, elle était installée sur le fauteuil entrain de chantonner en tricotant avant de s'asseoir vers elle, Dima rangeait la nourriture dans le frigo. Il s'approchait de la vieille dame avant d'embrasser le haut du crâne de cette dernière et de s'installer vers elle. Madame Rhéa, vos repas sont dans votre frigo ! Bien sûr que rien n'avait changé, elle l'avait encore pris pour son épouse et elle lui avait soufflé : Merci, ma chère Catherine..de prendre soin de moi. La démence était une maladie vraiment dur à vivre pour la personne concernée mais aussi pour son entourage. Parfois, madame Rhéa se souvenait que Catherine n'était pas là mais elle demandait où elle était et fondait en larmes lorsqu'on lui rappelait le décès de cette dernière.
Après avoir passé l'après-midi avec madame Rhéa en buvant le thé, le jeune Dima avait décidé de se balader un peu dans le centre ville de Baiame. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas baladé dans ces rues, depuis qu'il avait repris le restaurant de son oncle. Perdu dans ses pensées, il n'avait pas vu la jeune femme qui venait de frôler. Il se retourna rapidement avant de s'excuser aussi rapidement : Excusez moi, j'étais perdu dans mes pensées... Dit-il en reprenant d'aussitôt sa route. Sans savoir pourquoi, il avait eu l'impression que la jeune femme venait de lui, il se retournait encore une fois pour lui faire face avant de lui parler à nouveau : Vous avez dit quelque chose ? J'ai cru vous entendre parler mais je n'ai pas compris ce que vous avez dit mademoiselle. Demandait-il en se rapprochant d'elle pour mieux l'entendre si elle lui parlait à nouveau. Plus, il la regardait plus il trouvait qu'elle semblait perdue voir même effrayée, qu'est qu'il pouvait bien lui faire ? Sûrement son apparence, il avait l'habitude de faire peur et faire fuir les gens avec son cache œil. Est-ce que je vous fais peur mademoiselle ? Vous tremblez...peut-être que vous avez froid ?
Elle discernait dans ses paroles une courtoisie distante, et dans son regard une attention respectueuse, mais dénuée de la douceur et de l'ardente passion qu'il lui portait autrefois. Bien que son cœur ne battît pas, Byleth ressentait une douleur perçante, celle de l'ignorance. Par Sothis, tout, mais pas ça. Après avoir perdu son père, Jeralt, et vu leur monde s'effondrer, retrouver sa moitié aurait dû être la lueur d'espoir qui la relèverait. Mais cet espoir se fanait sous le poids cruel de la réalité : il ne la reconnaissait plus. Elle se résignait, une fois encore, à tendre la main à Dimitri, cet homme qu’elle avait juré de soutenir à travers toutes les épreuves, même la maladie. Car malgré cette distance qui les séparait désormais, elle en était convaincue : c’était bien lui. Mais alors, que lui était-il arrivé pour qu'il ne la distinguent plus des autres ?
Byleth secoua la tête. Non, elle n’avait pas froid, habituée aux températures extrême de Fhirdiad. Pourtant, d’ordinaire si confiante, elle se retrouvait désemparée face à cette situation. Elle avait affronté des batailles, elle avait vu la mort de près, mais jamais elle ne s’était sentie aussi démunie. Face à cet homme qu'elle connaissait mieux que quiconque, elle se sentait soudain étrangère. Byleth le voyait là, debout devant elle, si proche et pourtant si lointain. La douleur de cette perte, une perte sans mort, la ravageait plus sûrement qu’aucune autre. Hésitante, elle insista, cherchant désespérément une étincelle dans cet unique œil qui restait au blond. « Dima… c’est bien toi, n’est-ce pas ? »
Tentant de maîtriser sa voix qui menaçait de se briser, elle reprit, plus doucement, comme pour ne pas effrayer cette version de lui qui ne la reconnaissait pas : « Je ne peux pas croire que tout cela ait disparu… que tu aies disparu. Dima, je suis là, je suis… Byleth. Ta Byleth. » Elle sentit son cœur, bien qu'immobile, se serrer un peu plus à chaque seconde qui passait. Le silence qui s'étira entre eux semblait interminable, chargé d'une tension presque palpable. Elle aurait voulu combler cet écart, tendre la main pour effleurer son visage, pour s'assurer que c'était bien lui, qu'il n'avait pas été remplacé par une illusion cruelle. Mais la peur l'immobilisait. Si elle brisait cette distance, si elle touchait ce visage qui lui était si cher, et qu'il la repoussait, alors la maigre lueur d'espoir qu'elle tentait de préserver s'éteindrait définitivement.
Elle scrutait l'œil unique de Dimitri, autrefois si vibrant, si rempli d'émotions qu'il ne parvenait pas toujours à dissimuler. Cet œil qui avait autrefois reflété une infinie tendresse pour elle semblait maintenant voilé, comme si une partie de lui s'était éteinte, lui aussi. Il la regardait, mais ce n’était plus le regard de l'homme qui avait risqué sa vie pour elle, qui l’avait aimée au-delà des mots. C’était le regard d’un étranger qui cherchait à comprendre ce qu’elle attendait de lui, sans pour autant la reconnaître.
Face à cette jeune femme, Alexandre se sentit désemparé, elle semblait aussi désemparée mais surtout en détresse. Pourquoi était-elle si triste et si abattue ? Pourquoi cette inconnue semblait le connaître alors que lui, il n'avait aucun souvenir d'elle ? Tout un tas de questions se bousculaient dans sa tête encore plus quand elle prononçait son nom de famille. Est-ce qu'elle était atteinte de la même maladie que sa cliente ? Il avait un peu du mal à y croire, parce qu'elle était si jeune pour subir cette maladie. C'était ce qu'il pensait mais il semblerait que c'était possible. Elle le confondait avec un membre de sa famille, c'était surement la conclusion la plus possible. Il prit une voix douce avant de lui sourire tendrement pour essayer de calmer la crise de panique que la jeune femme commençait à faire. Je vois que vous connaissez mon de famille, mais je m'appelle Alexandre mademoiselle. Répondait-il honnêtement à sa question, elle n'avait pas tord car il était bien Dima même s'il avait plus souvenir que c'était son nom de famille qu'un surnom.
Son cœur s'arrêtait lorsqu'il entendait ses mots suivants : Ta Byleth, c'était comme si son corps réagit à ses mots alors que son cerveau avait décidé de bloquer des souvenirs qu'il lui aurait pu lui faire comprendre qui elle était. Alexandre commençait réellement à douter et croire qu'elle le connaissait vraiment mais que le soucis, c'était lui qui l'avait oublié. Il aurait pu la connaître où ? Comment il aurait pu l'oublier ? Les mots du médecin suit à l'accident lui était revenu comme un flashback : il était possible qu'il souffre d'amnésie due à la violence de l'accident. Est-ce qu'il la connaissait réellement avant son accident ? Toutes ces questions commençait à l'embrouiller et il n'arrivait plus à discerner le vrai du faux, la fiction de la réalité. Dans ce brouillard de questions, il savait une chose ; il ne devait pas laisser le silence s'installer et il devait lui donner des réponses. Désolé mademoiselle... si vous m'avez connu plus jeune, je crains qu'à cause d'un accident j'ai perdu certains de mes souvenirs... Répondait-il gêné et désolé pour elle alors qu'elle avait l'air d'avoir attendu ces retrouvailles. Tout le corps du jeune Dima se figeait lorsqu'il apercevait des larmes coulées sur les joues de la jeune femme qui se trouvait devant lui. Il se sentait très mal de la voir pleurer, il avait l'habitude de voir des jeunes femmes pleurées devant à cause de son apparence et sa soi-disant froideur mais cette fois, ce n'était pas comme les autres. Son corps semblait encore réagit sans comprendre la raison, il commençait à avoir les larmes à l'œil mais pourquoi ? Il avait du mal à comprendre mais c'était bien la première fois qu'il était si sensible face à une femme. Il attrapait sa vestes avant de la poser sur la tête de cette femme pour la cacher mais aussi se cacher. Allez y, vous pouvez pleurer maintenant, personne ne vous verra. Dit-il doucement afin qu'elle se sent en sécurité et libre de montrer sa faiblesse.
Inspirant profondément, Byleth laissa ses larmes couler librement—pour la deuxième fois de sa vie, la première ayant été à la mort de son père. Elle ne chercha pas à les retenir, comme le blond le lui avait vivement conseillé. Ces larmes étaient le reflet d'une profonde tristesse, de l'affection incommensurable qu'elle portait au Blaiddyd dont elle portait fièrement le nom, de la douleur de le voir ainsi, d'un espoir fragile mais persistant qu'elle parviendrait à le retrouver. Elle écarta doucement la veste de son visage, révélant ses traits, et plongea son regard dans le sien, à la recherche de cette lueur, de cette étincelle qui, elle l'espérait, brûlait encore quelque part en lui.
« Alexandre… ou peu importe comment vous vous appelez aujourd’hui. » murmura-t-elle, sa voix tremblant mais empreinte d'une certaine résolution. « Je ne peux pas prétendre comprendre entièrement ce que vous traversez, ni tout ce que cet accident vous a fait perdre. Mais je sais ce que vous êtes pour moi…Ce que nous sommes, vous et moi. Vous m’avez sauvée, et fait de moi la personne que je suis aujourd'hui. » Grâce à lui, elle avait découvert une part d’elle-même qu’elle ignorait, une humanité qu’elle n’avait jamais crue possible avant leur rencontre. Dimitri lui avait appris ce que signifiait de se sentir vivante, d'être à sa place auprès de quelqu’un qui la comprenait, d'aimer et d'être sincèrement aimée en retour, bien loin de l’image du Démon Cendré qu’on lui avait attribuée autrefois.
D’un geste délicat, elle effaça une larme qui glissait sur sa joue, tout en maintenant son regard ancré dans le sien. « Ces souvenirs sont peut-être encore enfouis, mais je crois en vous. Même si vous ne vous souvenez pas de moi maintenant, je suis convaincue que ce jour viendra. Et je vous attendrai. » Sa voix s’adoucit, empreinte de tendresse. « Je ne vous demande pas de vous souvenir immédiatement, ni de tout comprendre. Sachez seulement que je serai toujours à vos côtés, comme je l’ai toujours été. » Un sourire triste, mais sincère, se dessina sur ses lèvres. « Je ne veux pas vous effrayer, ni vous mettre mal à l’aise. Je veux simplement que vous sachiez à quel point vous comptez pour moi. » Byleth était venue chercher sa main pour la prendre délicatement dans les siennes, appuyant ainsi ses paroles. Elle voulait lui transmettre un peu de cette chaleur qui, autrefois, l’avait ramené à la raison lorsqu’il avait été prêt à marcher seul vers Enbarr. Elle serait toujours cette main tendue, prête à l'élever, et elle espérait de tout cœur que son amnésie avait au moins apaisé ses tourments portés par les fantômes de son passé.
Une partie de lui semblait comprendre mais cette dernière était réprimée par l'autre qui partie qui semblait le laisser dans ce rêve où il était plongé. Alexandre n'avait pas aucun souvenir de la jeune femme qui se tenait devant lui mais il ne pourrait pas mentir en disant qu'il n'était pas touché face à la tristesse immense que cette dernière traversait. Il se sentait désemparait face au monologue de cette Byleth, que devait-il faire ? Il était perdu face à cette afflue d'information. Quel était leur relation avant ? Tant de questions traversaient l'esprit du jeune cuisinier, mais elles restaient sans réponses. Alexandre ne savait pas s'il devait fuir ou rester, est-ce qu'elle l'avait confondu ? Les yeux de la jeune femme semblaient croire sincèrement qu'elle ne s'était pas trompée. Comment pourrait-il fuir face à une demoiselle qui venait de faire pleurer même s'il ne comprenait pas la raison ? Son père se retournerait dans sa tombe s'il voyait prendre la fuite.
Lorsqu'elle glissait ses mains dans les siennes, le rouge commençait à teindre ses joues, surement gêné qu'un femme lui prendre la main ou la panique de briser ses petites mains douces et délicates. Il retira l'une de ses mains pour cacher son visage coloré de gêne avant de s'éclaircir sa gorge pour enfin se prononcer. Mademoiselle Byleth, je suppose ? Il marquait une pose avant de plonger son regard dans le sien. Je ne peux pas vous promettre de retrouver la mémoire au plus vite mais j'essayerais car vous voir si tristesse face à ma perte de mémoire m'a touché. Avouait-il avec sincérité. Pour savoir ce qu'il devait rechercher dans ses souvenirs, il devait en savoir plus sur cette femme, car hormis son prénom qu'il avait supposé, c'est tout ce qu'il savait. Il avait l'excuse parfait pour en savoir plus et se faire pardonner d'avoir fait pleurer une femme, tel qu'un gentleman. Pour me faire pardonner, venez jz vous invite à boire à un café et vous m'en direz plus sur vous, qui sait peut-être que je pourrais retrouver des brins de souvenirs ! Qu'est que vous en pensez Mademoiselle Byleth ? Demandait-il à la jeune femme qui tenait toujours sa main, même si les rouges sur ces joues essayaient de disparaître, elles revenaient soudainement. Est-ce qu'il faisait comme pour madame Rhéa ou simplement curieux de connaître ces souvenirs évoqués ? Il ne le savait pas, peut-être un mélange des deux.
Byleth n’aurait jamais cru entendre ces mots venant de Dimitri—ou Alexandre, comme il se nommait désormais. La réalité de la situation pesait lourd sur son cœur. Les mains d’Alexandre, qu’elle tenait entre les siennes, étaient toujours aussi familières, empreintes de cette chaleur rassurante, celle qu’elle avait tant de fois ressentie dans le passé. Mais aujourd’hui, quelque chose avait changé. Le lien qui les unissait autrefois semblait distant, presque effacé. La tendresse qu’elle éprouvait pour lui se heurtait à un vide que l’amnésie avait créé. Il ne se souvenait plus d’elle. Il ne se souvenait plus de ce qu’ils avaient partagé. Et malgré son sourire poli et bienveillant, il n’était plus cet homme qu’elle avait autrefois tant aimé et admiré.
Elle inspira profondément, cherchant à maîtriser le tumulte qui agitait son cœur. Son regard se perdit un instant dans celui d’Alexandre—ou était-ce Dimitri ? Elle s’efforçait de concilier les deux. Lorsqu'il proposa de l'inviter à un café, Byleth fut frappée par l’ironie douce-amère de ce moment. Un geste aussi simple, presque banal, mais empreint de maladresse qui lui rappelait tant celui qu’il avait toujours été. Malgré son amnésie, il conservait cette gentillesse, cette manière d’être si profondément attentive à ceux qui l’entouraient même dans la confusion la plus totale.
Son regard, hésitant s’attarda sur le visage du blond. Les traits étaient les mêmes mais l’étincelle, celle qu’elle cherchait désespérément, semblait éteinte. Il était là, physiquement, à portée de main mais psychologiquement si loin. Cette distance lui parut alors insurmontable, comme une mer qu’elle ne savait comment traverser. Et dans cette mer, elle se sentait parfois perdue, noyée par l’immensité de ce qu’ils avaient été et de ce qu’ils étaient aujourd’hui.
« Un café... J’accepte volontiers. » Sa voix s’éleva enfin, douce et teintée d’une affection qu’elle ne pouvait plus dissimuler. Pourtant, elle y mettait une légère hésitation. Que devait-elle faire ? Insister sur leur passé commun ? Ou le laisser découvrir par lui-même, doucement, à son propre rythme ? Elle se mordit la lèvre, indécise, avant de continuer, cherchant un équilibre fragile entre le respect de sa situation actuelle et le désir de raviver ce qui avait été perdu.
« Mais je ne veux pas que vous vous sentiez obligé de me retrouver tout de suite. Ce n'est pas une course. » Elle lui serra légèrement la main, son geste doux mais ferme, voulant lui transmettre un peu de cette force qu’il lui avait autrefois insufflée lorsqu’elle-même doutait. « Je serai là, peu importe le temps que cela prendra. » répéta-t-elle, une fois encore.
Leur proximité physique contrastait avec la distance émotionnelle qu’elle ressentait, et pourtant, dans ce contact, elle puisait un réconfort qu’elle avait désespérément recherché depuis si longtemps. Alexandre ou Dimitri, peu importait. C’était toujours lui, d’une certaine manière. Même dans son amnésie, il portait en lui cette bienveillance, cette bonté d'âme qu’elle avait toujours admirée.
« Si cela peut vous aider, je vous parlerai de moi, de vous... Peut-être que des fragments de souvenirs reviendront. » Sa voix se brisa légèrement sur ces derniers mots. La idée qu’il pourrait ne jamais se souvenir d’elle était insupportable mais elle ne voulait pas le brusquer. Byleth ne voulait pas précipiter des retrouvailles qui devaient se faire lentement. Il devait avancer à son propre rythme, et elle était prête à l’accepter, même si cela lui coûtait plus qu’elle n’osait l’admettre.
Byleth retira doucement ses mains des siennes, un geste empreint de délicatesse comme si elle craignait de briser ce fragile moment qui venait de se créer entre eux. Ce contact si simple, si naturel autrefois, semblait maintenant plus difficile, tel un équilibre qu’il fallait constamment maintenir. Elle ne voulait pas forcer les choses. Elle voulait simplement être là.
« Mais vous n'êtes pas obligé de tout comprendre maintenant. » poursuivit-elle, sa voix se radoucissant encore. « Vous avez toujours été quelqu’un qui prend son temps pour réfléchir aux choses. » Un léger sourire se dessina sur ses lèvres à cette pensée. C’était tellement lui. Réfléchi, parfois même trop réfléchi. Cette constance dans sa manière d’être lui semblait presque réconfortante, un vestige du passé auquel elle pouvait encore s’accrocher.
Le souvenir du Dimitri qu’elle avait connu à l'Académie, sur les champs de bataille, et plus tard à Fhirdiad en tant que roi et époux, lui revint en mémoire. Le contraste entre cet homme brisé mais déterminé, et l'homme amnésique qui se tenait maintenant devant elle, était saisissant. Mais malgré la douleur de cette perte, elle ne pouvait abandonner l’espoir de le retrouver un jour.
« Je vous suis. »
Byleth se laissa ensuite guider, marchant à ses côtés tandis qu’ils empruntaient une petite rue pavée menant à un café non loin. Un silence s’installa, chargé de tout ce qui n’avait pas été dit, de ces vérités que leurs cœurs connaissaient mais que leurs esprits ne pouvaient encore articuler. Elle marchait légèrement en retrait, lui offrant l’espace dont il pourrait avoir besoin, tout en l'observant attentivement. Ses pas, la façon dont il se tenait, ses gestes… Chaque détail faisait écho à l'image de l'homme qu'elle avait connu. Elle revoyait en lui la stature imposante du roi, du guerrier, cet homme charismatique et brisé qu'elle avait aimé, et qu'elle aimait encore passionnément.
Alexandre affichait un doux sourire lorsque la jeune femme en face de lui avait accepter son invitation pour prendre un café. Il ne comprenait pas pourquoi cette idée lui faisait tant plaisir alors qu'il ne la reconnaissait pas et qu'elle était une inconnue à ses yeux. Surement que son corps et son cerveau se rappelaient d'elle, de cette femme qui avait aimé d'un amour sincère dans son ancienne vie. Dans ses propos, il ressentait que la jeune femme le connaissait sérieusement, ce fait le déstabilisait fortement. Comment une personne qui ne connaissait pouvait autant le connaître ? Il allait surement le découvrir avec cette invitation au café. Ne vous inquiétez pas, nous aurons tout le temps d'en discuter autour d'un café, d'accord ? Je serais ravi d'écouter vos souvenirs, je suis sûr qu'ils sont très intéressants. Rassurait-il la jeune femme avant de commencer à marcher ses côtés. Même si le chemin n'avait pas duré longtemps, il lui avait donné l'impression d'avoir duré longtemps à cause de ce silence qui s'était installé entre deux. Alexandre avait bien tenté de le briser mais à chaque fois, aucun mots ne pouvaient sortir de sa bouche.
À leur arrivé, Alexandre se présentait au comptoir pour passer sa commande, un long café avec un beignet au sucré avant de se tourner vers la jeune homme. Que désirez-vous ? Prenez ce qu'il vous ferait plaisirAnnonçait-il avant de lui sourire. Lorsqu'elle évoquait ce qu'elle désirait, un café à la noisette avec une touche de lait. Le jeune homme payait avant de l'accompagner à une table libre. Son oncle lui avait appris les bases pour être un gentleman et il comptait bien les mettre en pratique en lui déplaçant la chaise afin qu'elle puisse savoir avant de la pousser légèrement et de s'installer à son tour. Alexandre n'allait plus laisser le silence s'installer entre les deux, afin qu'il puisse en apprendre plus sur elle, Byleth. Votre nom est Byleth, c'est ça ? Demandait-il pour commencer avant de lui poser d'autres questions. Son nom était peu commun mais il avait cette impression de l'avoir déjà entendu quelque part mais la question était où ? Il avait beau rechercher dans ses souvenirs, impossible de mettre la main dessus. Si pour commencer, vous me parlez d'où vous venez, non ? Vous avez toujours vécu à Baiame ? Demandait-il afin de savoir où ils auraient pu se rencontrer. Est-ce que sa mémoire lui jouait des tours ou la sienne ? Tant de questions lui traversaient l'esprit mais aucunes n'avaient de réponses. Peut-être que cette femme les avait toutes ou elle délirait tout simplement. Ils furent interrompu par le serveur qui veniat déposer leur commande avant de repartir comme s'il n'était jamais venu les interrompre. Il attrapait la tasse pour savourer la douce amertume de son café avant de couper son beignets en deux et de proposer l'autre moitié à la jeune femme. Si vous souhaitez, vous pouvez prendre l'autre moitié mais, il ne faut pas hésiter car si vous le faites ! Je ne vous garantis pas que je vous la laisserais. Tentait-il de plaisanter avant de croquer dans le beignet.
Une douce brise effleura son visage, soulevant délicatement quelques mèches de ses cheveux ondulés. L'une d'elles se posa devant ses yeux, qu'elle replaça machinalement derrière son oreille. Ce geste si simple, presque instinctif, contrastait avec l'agitation intérieure qui l'assaillait. Byleth se sentait étrangement isolée, bien que Dimitri était là, juste à côté d’elle. Depuis la mort de son père, elle ne s'était jamais sentie aussi seule. Mais cette fois, c'était différent. Ce n’était pas l’absence physique qui l’accablait mais la distance émotionnelle et mémorielle qui la séparait de l'homme qu'elle aimait.
Il était là, bien vivant, à portée de main, et pourtant, il lui semblait si lointain. Comme deux inconnus qui avaient tout à réapprendre, tout à redécouvrir. Cette sensation lui rappela brutalement un autre épisode douloureux de leur passé, lorsque Dimitri, hanté par ses démons intérieurs, la croyait être un fantôme venue le tourmenter. Elle revivait ces instants, cet échange où il refusait de la reconnaître, où il la voyait comme un mirage cruel. Mais aujourd'hui, la situation était encore plus déchirante. Car cette fois, il ne la rejetait pas par peur ou par douleur. Il ne se souvenait simplement plus d'elle.
Malgré tout, elle refusait de céder au désespoir. Byleth était plus déterminée que jamais à lui tendre, une fois encore, cette main qui l’avait autrefois ramené à la lumière. Même si aujourd'hui, ce geste semblait vain, elle le faisait avec la même conviction qu'autrefois. Elle savait qu'il était toujours là, quelque part au fond de lui—cet homme brisé mais résilient qu’elle avait aimé, et qu’elle aimait encore.
Elle observa Alexandre alors qu'il marchait à ses côtés, absorbé dans ses pensées, sans savoir que celles de Byleth étaient entièrement tournées vers lui. Je suis toujours là, Dimitri… Et je le serai toujours. pensa-t-elle, même si elle n’osait pas le dire à haute voix, de peur de briser ce fragile équilibre entre eux.
Dès qu'elle franchit la porte du café, une chaleur familière l’enveloppa, portée par les effluves de café fraîchement moulu et de pâtisseries sucrées. Byleth inspira profondément, se laissant envahir par cette douce odeur qui lui évoquait une certaine tranquillité qu’elle n’avait pas connue depuis longtemps. Alexandre, fidèle à ses manières de gentleman, lui prit poliment sa commande — un café à la noisette, simplement — puis la conduisit à une table tranquille dans un coin du café. Dans un geste attentif, il tira la chaise pour elle, l'invitant à s'asseoir avec une élégance qui lui rappela, malgré elle, le Dimitri qu’elle avait autrefois connu.
Ils s’installèrent face à face, et elle esquissa un sourire discret en observant le jeune homme. Ce moment simple, cette proximité, raviva des souvenirs d'une autre époque, celle où elle était son professeur à Garreg Mach. Ils prenaient alors souvent le thé ensemble, profitant de rares instants volés à leurs responsabilités et s'accordant un répit. Elle revoyait les étendues vertes de l’Académie, l’air doux et le murmure du vent qui caressait leurs conversations. Ils discutaient de tout et de rien. Elle lui racontait des fragments de sa vie, de ce père, Jeralt, qu’elle admirait tant et qui lui avait tout appris, jusqu’à l'art de manier l'épée et de vivre avec un cœur fier mais méfiant. Sa mère, quant à elle, avait disparu trop tôt pour qu’elle se souvienne de son visage.
Elle prit une première gorgée de son café, ses yeux glissant doucement vers lui, pleine d'une attention presque tendre. Un silence s’installa entre eux, mais loin d'être pesant, il avait cette étrange douceur apaisante, comme si cet instant leur appartenait, hors du temps. Elle sentit qu’il était prêt, alors elle se décida à lui dévoiler une part de leur histoire.
« Oui, c'est bien mon nom. Et non, je n'ai pas toujours vécu ici, à Baiame. Je viens de beaucoup plus loin... tout comme vous. » Sa voix était douce, mais son regard trahissait une détermination calme. « Vous étiez… non, vous êtes toujours quelqu’un de très important pour moi. »
Les mots lui vinrent en pensant à l’homme qu’elle avait connu, son expression empreinte d’une chaleur teintée de nostalgie. « Vous avez toujours été quelqu'un de juste, prêt à protéger ceux qui en avaient besoin, même si cela signifiait parfois vous oublier vous-même. Un homme fort, tourmenté aussi, mais avec un cœur d’une bonté rare. » Elle soupira, un sourire attendri éclairant brièvement son visage, se perdant un instant dans le souvenir d’eux deux.
Elle prit la moitié du beignet qu’il lui tendait, hésitante, et se surprit à sourire en le voyant en savourer chaque bouchée. Cela la toucha, car elle se rappelait cette agueusie qui lui avait autrefois privé tout plaisir gustatif. « C'est curieux… Vous m’aviez confié un jour que les saveurs vous échappaient complètement, que manger n’était plus qu’une question de texture. Vous disiez que seuls vos souvenirs leur donnaient un sens. Et vous voir apprécier ce beignet, là, maintenant… J'en suis ravie. » En plus de le trouver irrésistiblement adorable.
Elle reposa délicatement sa tasse, son regard attentif posé sur lui. « Et vous… de quoi vous souvenez-vous ? Vous aviez mentionné un accident, n'est-ce pas ? » demanda-t-elle avec douceur, espérant ainsi que sa question puisse lever lever le voile sur l'origine de son amnésie persistante.